It's gonna be fine. — Adam & Gabi

— Je pars en Colombie dans deux semaines.

Je répète clairement.

— En Colombie.

Un rire mauvais m'échappe, je me passe une main sur le visage.

— C'est une plaisanterie ?

Je regarde Madeleine et Paul. Je suis en train de bouillir intérieurement.

— Et vous, vous allez le laissait faire ? Vous allez le laissait partir là-bas ?

— C’est son choix.

Ma mère s’arrache presque la bouche à répondre ça et je ne sais pas si c’est positif ou pas.

— Exactement, oui. J’ai fait la demande et je suis majeur. Donc oui, ils me laissent faire. C’est ma décision.

Je foudroie Adam du regard car j'ai pas envie de rire là. Et toutes les réponses me font halluciner, chacune plus que les autres. Je regarde Gabriel.

— Alors c'est quoi le plan ? On prépare tes funérailles en attendant le retour de ton cercueil ?

Je suis en plein délire, c'est pas possible. Ce qu'il se passe n'est pas réel. Je regarde tout le monde, Madeleine, Paul, Adam. J'ai envie de les secouer pour qu'ils réagissent.

— Mais vous avez conscience de ce qu'il se passe ou pas putain ?!

Ma mère fond en larmes et quitte la pièce, Darcy sur ses talons, alors que je la repose au sol. Pour le coup, je ne peux pas lui en vouloir. Est-ce que j'ai bien entendu ? Est-ce qu'Austin vient vraiment de dire ça sous notre toit ? On a tous peur putain ! Moi, mon père, ma mère, Marie; tous ! Mais on à la délicatesse de le garder pour nous - ou presque si on compte les prières ma mère - et de ne montrer à Gabriel que le soutien qu'on lui apporte.

— Moi j'ai conscience que t'es vraiment un connard et que si je m'en étais rendu compte avant, tu serais pas venu sous notre toit aussi souvent que ça ! Il est hors de question que je mange à la même table que lui, je dis à l'attention de Gabriel et mon père.

J'attrape mon manteau sur la rambarde de l'escalier et l'enfile à la va vite.

— C'est pas parce qu'on le soutient qu'on se rends pas compte des risques, en fait. Et c'est pas parce qu'on lui balance pas des horreurs comme ça qu'on l'aime pas. On a juste l'esprit de croire en lui et de le laisser faire ses propres choix.

Et je sort en claquant la porte, sans aucune idée de l'endroit où je vais aller. C'est au dessus de mes forces.

Quand j’entends cercueil et funérailles dans la bouche d’Austin, mon coeur me remonte presque dans la gorge. Mon regard se brouille et ma mère éclate en sanglots à nouveau. Darcy et mon père la suivent et j’ai l’intention de bredouiller quelque chose pour ma défense, mais Adam prend la parole et ma mâchoire se décroche presque. Putain. Il insulte Austin, lui dit qu’il n’est pas le bienvenue sous toutes les formes possibles et inimaginables, puis il s’en va en claquant la porte. J’ai presque arrêté de respirer et quand j’ose croiser le regard d’Austin, je suis tétanisé.

— Tu vas pas partir, hein ? Tu vas rester ??

Je les regarde tous autant en colère que désemparé. Je suis dans un monde parallèle, c'est pas possible. Madeleine et Paul ne peuvent pas laisser partir leur fils dans un petit aussi dangereux, vers une mort presque certaine. Ils réagissent pas, je comprends pas. Ils réagissent. C'est Adam qui le fait.

"Tu serais pas venu sous notre toit aussi souvent que ça !"

Une chape de béton tombe dans mon ventre. Ma colère s'évanouie d'un seul coup. Il part en claquant la porte alors que ses mots flottent encore. Il me faut plusieurs secondes pour réaliser, et c'est la voix de Gabriel qui me ramène à moi. Je les larmes aux yeux alors que je pleure jamais mais là c'est trop. Tout, trop, beaucoup trop.

— Tu sais, je t'aurais soutenu partout ailleurs, mais partir dans le pays le plus dangereux, c'est pas héroïque, c'est suicidaire.

Je n'arrive pas à le regarder plus longtemps, c'est trop dur. J'ai la gorge serrée quand je rejoins le hall et que j'appelle Darcy.

Austin m'avoue très clairement qu'il ne me soutient pas dans ce projet et ça termine de m'achever, d'achever le semblant de relation que je me tuais à entretenir avec lui. Alors c'est ça qu'il pensait de mon projet ? Que je me prenais pour un héros ? Putain, mais c'est tellement réducteur que j'en ai mal au ventre. Les gens vont penser ça ? Que je pars en mission humanitaire pour me faire mousser et gonfler mon égo ? Ça me fout la gerbe. J'le déteste, putain. J'le déteste tellement que quand je passe dans le hall, je le bouscule volontairement avant de monter les marches pour rejoindre ma chambre.

Je récupère tout l'argent que j'ai économisé depuis ces dernières années et je le fourre dans mon sac. Je prends tout ce don j'ai besoin parce que je ne reste pas une seconde de plus dans cette ville de merde. Et putain si c'est du suicide, j'espère franchement que ça va fonctionner parce que j'ai plus aucun intérêt à rentrer.

Je récupère Darcy et je quitte la maison des Saint Clair. Je reviendrai plus jamais. Je me sens complètement détruit de l'intérieur. En une soirée j'ai perdu les personnes que je considérais comme ma famille et mon meilleur ami. Plus que ça. Darcy ne comprend pas ce qu'il se passe, elle pleure alors que je roule sans savoir où aller. Colombie. Ça résonne dans mon esprit. Je crois qu'il y a quelque chose qui se déconnecte en moi.

Quand j'ai terminé mon sac, je prends mon portable et j'envoie un message à Adam.

SMS — Emmène-moi à l'aéroport.

C'est pas une requête et s'il veut pas, je prendre un putain de taxi de merde. J'ai vraiment les nerfs et quand j'entends mes parents au rez-de-chaussé, ça me brise le coeur parce que j'entends bien qu'ils ne comprennent rien à ce qu'il s'est passé. Je vais les rejoindre avec mon sac pour leur expliquer brièvement ce qu'il s'est passé avec Austin. Je glisse que j'en suis raide dingue et que je peux plus rester ici, dans cette situation. Je crois que c'est le choc pour eux, mais y a tellement de révélations en même temps qu'ils ne disent rien du tout. Ils essaient d'emmagasiner.

— Je vais partir plus tôt que prévu, ok ? Mais ça va aller.

Ma mère repleure et elle me prend dans ses bras. Je m'attends à ce qu'elle me dise de rester, mais c'est pas du tout ce qu'elle fait.

— On est très fier de toi, Gabriel, même si c'est effrayant. Tu as intérêt à nous téléphoner chaque fois que tu peux, ok ?
— C'est promis.

Même mon père me fait un câlin que j'accepte avec plaisir. C'est bizarre, mais ça me fait beaucoup de bien.

— Vous ferez plein de bisous à Marie et aux filles ? D'accord ? Plein, plein.

Ils me le promettent et je prends mon sac pour aller sur le trottoir. Je me retrouve tout seul alors j'en profite pour réserver un avion. Il est dans cinq heures, à Londres. Ça va le faire. Je fais tout pour ne pas penser à ce qu'il vient de se passer, quitte à sautiller sur place en comptant le nombre de brique sur le sol.

Il ne me faut pas bien longtemps pour trouver où aller. Le seul endroit où je serai tranquille, c'est à l'appartement de Logan. Sauf que les clés sont à la maison et que je suis obligé d'y retourner pour aller les chercher. J'ai pas envie de voir Austin et de l'entendre agir comme le dernier des cons. Est-ce que chaque fois qu'il est rentré chez sa mère avec sa sœur au bras, qu'on lui as demandé de rester ici et qu'il est parti quand même on lui a dit qu'il allait aller faire crever Darcy la bas ? Non ! Parce qu'on le respecte assez pour comprendre que c'est sa décision ! Et putain le respect c'est dans les deux sens !

Je suis toujours en train de m'agacer quand je reçois un message de Gabriel et j'ai envie de me mettre à pleurer. C'est quoi encore cette connerie ?

Sans prendre le temps de lui répondre, j'accélère et me gare devant la maison sans aucune grâce à peine quelques secondes plus tard. Il est là, avec un sac, et il monte dans ma voiture.

— Tu m'expliques avant qu'on démarre ?

Je balance le sac à l'arrière et quand il me demande ce qu'il se passe, j'explose littéralement. Je pète un plomb, je hurle en tentant de lui expliquer ce qu'il s'est passé, mais ce que je dis n'a même pas de sens et, quand je manque d'air, j'éclate en sanglots. J'ai l'impression que ça me fait du bien et je ne sais même pas combien de temps ça dure, mais, cette fois-ci, c'est moi qui réclame un câlin. Je mets un peu de temps à m'apaiser et savoir que mon grand frère est là et me rassure, ça me fait beaucoup de bien.

— J'l'ai supplié de pas partir et il est quand même parti. J'voulais pas qu'il parte parce que c'est toi qui t'es disputé avec lui. J'voulais pas, tu vois ? Mais il s'en fiche. Austin s'en fiche.

Je me détache d'Adam, j'ose même pas le regarder parce que je dois avoir l'air du mec le plus instable du monde.

— J'pensais qu'il serait un peu fier et c'est pas le cas. Il m'a dit qu'il me soutenait pas et j'ai l'impression que c'est fini et j'ai pas envie de rester ici. J'ai besoin de partir parce que j'arrive plus à savoir ce que je veux et ce que je ressens.

Là, dans mes bras, Gabriel se laisse aller à toute sa tristesse et je me sens démuni au possible. J'aimerais pouvoir lui dire que c'est faux, qu'Austin est là pour lui, mais il vient clairement de lui montrer que ce n'était pas le cas et ça m'arrache le cœur. Je sais que je n'ai pas été le plus gentil du monde avec lui, mais voir l'état dans lequel ça mets Gabriel me rends fou. Pourquoi est-ce qu'il est parti ce con, putain.

Quand Gabriel se redresse, je garde malgré tout un bras autour de ses épaules parce que je ne veux pas qu'il se sente abandonné une fois de plus. J'essaie de le rassurer comme je peux, mais je vois bien que rien n'y change. Il est fou amoureux et Austin vient de piétiner son cœur, voilà ce qu'il se passe.

— T'es vraiment sûr de vouloir partir ce soir Gabou ?

Il réponds que oui et qu'il a déjà dit au revoir à tout le monde, alors je hoche la tête. S'il est sûr de lui, je le suis et je l'accompagne jusqu'au bout.

— Je t'emmène dans mon carrosse, attache-toi.

Je lui fais un bisou sur la joue et j'allumele contact.

— Mets un peu de musique, ça va te faire du bien.

Le temps qu'il choisisse, j'attrape mon portable et je composé un rapide SMS.

SMS d'Adam à Saint Austin.
Gabou part ce soir pour la Colombie, je vais le déposer à l'aéroport. Son vol est dans cinq heures. Je parle pas de toi ou de moi là, mais de lui. À bon entendeur.

Je fouille dans sa boite à gant pour sortir un CD et je n'y trouve que ABBA. J'esquisse un sourire parce que c'est vraiment lui ça. Alors je mets le CD et, même si ça ne va pas mieux et que j'espère bientôt pouvoir disparaitre pour ne plus rien ressentir du coup, au moins Adam est là et ça me rassure.

— Tu crois que ça va bien se passer ?

Au fond, j'ai jamais rien fait de ma vie et je pars à l'autre bout du monde dans un pays dont je connais à peine la langue. Ça m'effraie.

Je souris, alors qu'on quitte White Falls pour se diriger vers Londres. Enfin, mon petit frère laisse entendre que ça lui fait un peur peut quand même tout ça.

— Je suis sûr que oui. Tu vas pas être tout seul là-bas, tu seras entouré de gens qui veulent faire autant de bien que toi, vous vous entraiderez quand ce sera dur à gérer. Et puis..., je souris. Tu t'es vu avec les enfants de la paroisse ? Ils sont tous fous de toi ! Y'a pas de raison que ça ne soit pas la même chose. T'as un vrai feeling avec les gosses, ils seront forcément contents de t'avoir parmi eux. Tu seras leur dose de joie.

— Merci, Adam.

Il n’a pas idée à quel point ça me fait du bien d’entendre que je ne suis pas une merde. Que je ne fais pas uniquement ça pour me suicider ou je ne sais quelles autres fausses raisons. J’avais l’impression de faire quelque chose d’important et de bien, mais si aux yeux d’Austin c’est inutile, alors c’est difficile. J’arrive pas à me le sortir de la tête et plus j’y pense, plus j’ai mal. L’hystérie passée, c’est même pire parce que je sais que c’est fini. Je sais que je ne le reverrai plus, tout ça parce que je suis moi et que ce n’est jamais suffisant. Les larmes coulent toutes seules tant je me sens dévasté, et j’ai presque envie de vomir. Mais j’ai pas envie de gâcher mes derniers moment avec mon frère alors... j’essuie discrètement mes yeux.

— T’as intérêt de me tenir au courant de ce qu’il se passe dans ton couple, hein.

Quand je l'entends renifler, je tourne la tête et le vois essuyer ses yeux discrètement. Je comprends qu'il n'a pas envie de parler de celles ci alors je ne dis rien, je me contente d'ébouriffer ses cheveux comme j'ai toujours adoré le faire.

— Si couple il y a un jour, tu seras le premier au courant parce que ce sera en grande partie grâce à toi.

Il lève les yeux au ciel, comme pour me demander d'arrêter de dire de la merde.

— Je rigole pas tu sais... Si t'avais pas été là, j'aurais sans doute tout foutu en l'air. Je sais que Logan tient à moi maintenant et que j'ai raison de me battre, mais sans toi il s'en serait sûrement pas encore rendu compte et j'aurais peut-être baissé les bras, qui sait, je souris. Et puis, je te l'ai jamais dis, mais merci de me soutenir malgré le fait que ça aille à l'encontre de tes convictions. Merci d'avoir compris qu'il était pas juste un passe temps et que si je m'accrochais à un homme marié, c'était pas seulement pour briser un ménage... Quand je réfléchis à tout ça, ça me fait du bien de savoir que mon petit-frère est de mon côté.

Je lui souris sincèrement.

— S’il te fait du mal, je serai obigé de lui casser un bras. Ou plutôt de lui rouler dessus.

Vu sa carrure, j’crois qu’il me coucherait en moins d’une seconde.

— Mais il est plutôt pas mal, ce serait dommage de l’abimer. Et t’sais... c’est pas parce que « c’est pas bien » qu’il faut que tu t’en veuilles. Parfois, les sentiments, ça se contrôle pas et si ça doit être vécu alors il n’y a aucune raison de passer à côté. J’crois qu’il faut arrêter de penser à tout et se fiche un peu des conséquences. Puis j’serai toujours de ton côté. Je t’aiderais même à cacher un corps s’il le fallait.

Je rigole longtemps quand il me dit qu'il devra lui casser un bras. Autant parce que c'est d'un cliché ahurissant, mais que je sais qu'il dit pas ça en l'air, que parce que je l'imagine bien se présenter face à Logan. J'ai bizarrement aucun mal à deviner qui de Gabriel qui fait ma carrure et de Logan, qui est fana de sport de combat, gagnerait.

— Comment tu peux savoir s'il est pas mal ?

Et tout en le disant, je me souviens de ce soir où ils se sont aperçus bien malgré Logan.

— Tu sais que je lui ai pas dit qui tu étais ce soir là ? Je lui juste laissé entendre que t'avais passé la soirée à me coller. Une pépite!

Ca nous fait du bien à tous les deux de parler aussi ouvertement je crois. On sent le lien qui nous unis, plus que bien souvent, et ça fait un bien fou.

— Tu vas me manquer pendant toutes ces semaines...

Il m'avoue qu'il n'a pas dit à Logan que j'étais son frère et ça a le don de me faire rire ; qu'il est con. Mais est-ce que ça veut dire qu'au fond il n'a pas l'intention de nous le présenter un jour ? Comme s'il savait d'avance que c'était perdu ? Ça me fait mal pour lui et j'espère que ce n'est pas ça. Car je n'ai pas envie qu'il soit malheureux, il ne le mérite pas. Il l'a déjà trop été suite à sa séparation avec Max.

— Toi aussi. Mais on va pouvoir s'envoyer des mails ou bien... j'sais pas, tu peux m'envoyer des messages tous les jours et je répondrais quand je pourrais. Si ça se trouve, j'aurais du réseaux tous les jours. Je sais pas. Mais ça va aller, tu vas voir.

Et voilà que c'est lui qui est en train de me rassurer alors que c'est pas moi qui part sauver des vies à des milliers de kilomètres d'ici.

— Tu sais ce qui est super bizarre ? C'est qu'on a toujours vécu ensemble et qu'en temps normal, ça se passe pas comme ça. Je veux dire... Tu te souviens de cet été ou je suis parti presque un mois en vacances avec Max et ses parents ?

Il hoche la tête.

— C'est pas que tu me manquais pas, parce que j'étais hyper content de tous vous retrouver ! Mais je me sentais pas triste non plus, je profitais de mon côté et toi du tien. Là... T'es même pas encore parti que je suis tout chelou.

— Ouais mais c'est différent, tu vois ? Parce que là, tu sais pas quand je rentre et c'est quand même un peu dangereux...

Je me tourne vers lui avec un petit sourire.

— C'est de l'inquiétude, mais comme j'te dis, ça va aller. Moi aussi, ça m'fait bizarre. Parce que j'vais être loin.

— Ça va aller, oui. Tu vas revenir dans quelques mois et moi je te ferais des câlins à outrance.

Je souris, je suis sûr que j'aurais le droit d'en avoir quelques-uns sans qu'il râle.

— Toi t'as des raisons de t'inquiéter par contre. J'ai prévu de refaire entièrement la déco de table chambre pendant que t'es pas là. Histoire que t'ai une surprise en rentrant !

— Beurk.

Je grimace quand il me parle de câlins, histoire de garder ma réputation, mais je sais que je serai content qu'il m'en fasse un ou deux. Même trois. Quand il parle de ma chambre, ma mâchoire se décroche.

— Putain mais non ! T'y touches pas ! Imagine je meurs et tu peux pas conserver ma chambre comme elle était avant, hein ??? Hein ??