Curiosités - Adam & Logan

Chaque fois que j’entends cette phrase : « tu te souviens ? », j’ai un instant de panique. Est-ce que je vais m’en souvenir ou passer pour quelqu’un qui n’écoute pas ? Mais il me parle du livre publié et ça me rassure tout de suite.

— Oui ? Celui que tu t’es battu pour faire publier comme si c’était notre acte d’adoption ?

Je demande avec un petit sourire.

Je lève les yeux au ciel, tout en ne manquant pas de pincer son bras en riant.

— Oui celui là ! Et je recommencerai si je pouvais ! Le bouquin est dingue Logan. Et Danny est à peine plus âgé que moi et c'est son premier roman ! Forcément que je me suis battu comme j'ai pu !

Ça y est, je recommence à vanter les mérites de ce bouquin comme si ma vie en dépendait. Mon métier est inscrit dans mes gênes, forcément !

— Bref ! Et bien Danny est nommé pour le plus grand prix littéraire d'Angleterre ! Tu te rends compte ? Genre... Le stagiaire que j'étais s'est battu pour publier un ouvrage en lequel il croyait et aujourd'hui, il est nommé pour le prix Booker !

Je trépigne comme un con, encore tout excité. Putain... C'est mon auteur et il est nommé.

Vu les étoiles dans ses yeux, c’est forcément important pour lui, pour sa carrière. Au-delà du prestige de ce prix, je me doute bien que ce n’est pas rien.

— Whoa.. bah dis donc, chaton. T’as carrément eu le nez fin !

Je me penche pour embrasser tendrement ses lèvres.

— Félicitations ! Puis.. t’étais tellement déterminé qu’il va l’avoir son prix. J’ai aucun doute là-dessus.

Je rougis, tout empoté, alors que je réponds à son baiser.

— Ce serait absolument magistral. Pour lui comme pour moi ! Ça n'a pas dû arriver souvent dans l'histoire, peut être même jamais !

Je rigole comme un con.

— Quand le directeur m'a appelé pour m'annoncer la nouvelle, il m'a appris que quelque soit l'issue, une soirée allait être organisé en l'honneur de la nomination. Et il m'a dit qu'en plus du fait que Danny souhaiterait certainement m'avoir à ses côtés, il espérait lui aussi que je pourrais être présent parce que c'était moi qui avait permis cela. Tu viendrais avec moi mon cœur ?

Je demande, soudainement sur la réserve. Je n'ai pas envie de forcer Logan et en même temps, je crois que rien ne me ferait plus plaisir à l'heure actuelle. Sauf peut-être qu'on ai le prix, mais bon.

— D’accord oui ! Bon je ne risque pas de briller en littérature, mais j’essaierai d’être le meilleur conjoint qui soit.

Je suis vraiment fier de lui, il n’a pas idée à quel point.

— Je sens que tu vas bien démarrer dans l’édition toi, j’ai pas envie de rater ça.

— On va prier pour écoute ! Il y aura certainement du beau monde à cette soirée, alors si je pouvais me faire quelques contacts dans l'espoir d'une future embauche, je ne vais pas dire non.

Poisson court toujours partout. Je m'arrête une secondes le temps de passer mes bras autour de la taille de Logan et de déposer mes lèvres sur les siennes, avec tendresse.

— Merci d'accepter. Et d'être déjà le meilleur conjoint du monde.

— Je te suivrai et sourirai comme un bêta pour séduire tes futurs contacts. Je te permets même de dire que je suis kiné, les gens aiment bien savoir qu’ils peuvent avoir un kiné sous la main.

Je dis en passant mes bras autour de son cou.

— T’essaies de me séduire avec tous ces baisers ? Un jour j’vais finir par vouloir t’épouser.

Mon nez frotte tendrement le sien avant que mes lèvres ne trouvent les siennes.

Puis soudainement, je sens qu’on tire sur ma jambe, puis l’autre. Je me détache de lui pour regarder et quand je vois que Poisson nous tourne autour comme un imbécile en nous enroulant avec sa laisse, j’ai le malheureux réflexe de faire un pas et je tombe en arrière, entraînant Adam avec moi.

— Poisson !!

Je râle alors qu’il nous grimpe dessus et nous lèche le visage. Je capte le regard d’Adam et comme je vois qu’il va bien, j’éclate de rire.

Mon cœur ne fait qu'un tour lorsque je l'entends évoquer des épousailles. C'est sûrement dit comme ça, dans le vent, parce qu'on est heureux, mais je ne peux m'empêcher de penser que son avis est en train de changer. Peut-être qu'il repensera à la question, un jour, et qu'on pourra envisager les choses ensemble.

— Attention !

Je sors de mes pensées en vitesse lorsque j'entends Logan râler et que sans le voir venir, je nous sens tomber à la renverse. J'ai un moment de doute, je me dis que ça a pu faire mal à Logan, que moi j'ai pu mal tomber sur lui, mais bien vite je l'entends de nouveau râler sur Poisson. Et en fait, ça me donne envie de rire. Alors quand il croise mon regard et éclate de rire, je le suis instantanément.

— Avoue, quand on s'est rencontré, t'aurais pas imaginé qu'un jour on serait allongé par terre comme deux cons amoureux comme jamais, juste parce que notre chien est aussi dingue que nous.

— Je pensais vraiment pas qu’on aurait un chien.

J’avoue en lui volant un baiser. L’euphorie et la surprise retombent et la douleur résonne un peu dans ma hanche.

— Va falloir que tu m’aides à me relever.

— Genre tu te serais vu avoir une maison avec ton plan cul de vingt piges.

Je lève les yeux au ciel alors qu'il me vole un baiser.

— Merde, tu as mal ?

Je me relève vivement en jettant un œil à Poisson, pour être sûr qu'il ne se sauve pas. Aussitôt fait, je m'agenouille auprès de Logan pour qu'il puisse prendre appui sur moi. Je suis inquiet, mais j'essaie de ne pas le montrer. J'espère que ça ne va pas avoir de conséquences.

— T’as rapidement été plus qu’un plan cul.

Je grimace un peu.

— Bien sur que j’ai mal, je suis tombé de tout mon long avec toi sur moi.

Je réponds avec un sourire taquin.

— Mais ça va. Ne t’inquiète pas.

Il m’aide à me relever et je constate avec soulagement que c’est plus le choc d’être tombé qu’une véritable douleur liée à ma hanche.

— Tu regrettes pas trop de partager ta vie avec un vieillard ?

Soulagé qu'il semble aller bien une fois debout, je me détends.

— Ça a ses bons et ses mauvais côtés.

Je réponds, taquin.

— Mais bon. Je suppose que si tu as rapidement su que j'étais plus qu'un plan cul, c'est en lien avec le fait que j'ai rapidement accepté que je serais encore jeune et intrépide lorsque je te ferais manger à la petite cuillère quand tu seras grabataire.

Et à mon sourire en coin, il ne peut que comprendre que je fais référence à sa vieillesse, et pas aux soucis de hanche ou quoiqu'on ai pu traverser pendant quelques mois.

Je ris doucement et, pourtant, il ne réalise pas que j’y pense vraiment parfois. Que quand j’aurais 60 ans, il n’en aura que 45 et que le fossé sera énorme. Il sera au meilleur de sa vie, pendant que je serai déjà en train de décliner alors même s’il fait le mariole, je doute qu’il réalise vraiment. Un jour, il aura peut-être envie de partir. Peut-être même qu’il aura seulement une cinquantaine d’année quand je mourrais. On n’en sais rien. Peut-être que ce serait mieux pour lui, de toute façon.

— J’espère simplement que tu ne réaliseras pas que tu mérites mieux.

J’embrasse ses lèvres avec ferveur alors que mes mains le plaquent contre mon torse, caressant son dos.

Mes mains s'accrochent à lui, comme s'il était mon ancre sur terre.

— J'ai déjà eu le loisir de réaliser que la vie sans toi était fade et triste. Comment est-ce que je pourrais mériter mieux que la personne avec laquelle je souhaite tout construire ?

Mon front vient trouver le sien, alors que nos regards fondent l'un dans l'autre.

— J'ai pas eu une enfance et une adolescence malheureuse. Je n'ai jamais manqué de rien, j'ai une famille qui m'aime malgré tous les désagréments que j'ai eu avec ma mère et mon frère, j'ai toujours été soutenu dans mes choix... Tout allait bien, ou presque. Et pourtant, j'ai jamais été aussi heureux que depuis que je t'ai retrouvé. Je ne veux plus jamais qu'on m'enlève ça.

Je lui souris avec tendresse et je dépose un baiser sur son front.

— Alors tout va bien.

Il a grandi, mûri. C’est beau à voir et j’espère y être pour quelque chose. Qu’Olivia y est pour quelque chose.

— T’as le bout du nez froid, on rentre.

J'acquiesce, parce que c'est vrai qu'il fait pas chaud. Mais j'use de mon charme encore un peu.

— Tu crois qu'on peut passer à la boulangerie avant ? J'ai trop envie d'un gateau plein de crème ! Pour fêter ta future formation et la nomination de mon prix littéraire ?

Je fais une petite moue en priant qu'il me dise oui.

— On peut bien se faire un peu plaisir. Surtout que je me mets au vélo bientôt !

Je lève les yeux au ciel avec un sourire taquin.

— Ouais, ouais. Elle est belle ton excuse. Mais ça me va. De toute façon, avec toutes les calories que j'ai brûlées tout à l'heure, je pense que c'est le minimum pour reprendre des forces.

Je dis en riant, avant de récupérer la laisse de Poisson.

— Allez, j'vais le faire courir un peu. On t'attend à la sortie de la forêt.

Je dis en lui volant un baiser avant de partir en courant.

— Quoi ? Vous me laissez tout seul ? C'est sérieux ?

Mais à la fin de ma phrase, ils sont déjà loin devant. Merde, mais comment est-ce que Logan fait pour avoir autant d'endurance ? Il sort d'un accident grave, mais en deux heures il va avoir tapé de la boxe et un semi footing. Je suis tombé amoureux d'un fou.

Finalement je souris tout seul comme un con au milieu des bois et j'en profite pour envoyer un message à mon petit frère d'amour. Histoire de savoir si Austin serait intéressé par mon amoureux kiné ou non.

Quand j'atteins le bout de la forêt, Poisson et Logan sont là à m'attendre, comme s'ils n'avaient jamais couru pour arriver jusqu'ici.

— Trop hâte qu'on ai un enfant et qu'il me permette de ne pas être le seul membre de cette famille à ne pas courir en forêt !

Je grogne en l'air tout en venant caresser mon toutou.

Poisson est encore petit alors il ne court pas beaucoup. Je suis à peine arrivée qu’il se couche à mes pieds, KO. Mais ça ne l’empêche pas de retrouver toute sa forme quand il aperçoit Adam et de trépigner sur place en tirant sur sa laisse pour lui sauter dessus dès qu’il arrive.

— Alors déjà, ce sera une sportive. Et en plus, on aura une poussette conçue pour le jogging.

— Une poussette conçue pour le jogging ? Y'a vraiment des gens qui ont inventés ça ?

Je hausse les sourcils, à la fois fasciné et étonné.

— Elle ne pourra pas être sportive, littéraire et mélomane à la fois. Ou alors elle nous detestera et nous en fera baver avant même de rentrer dans l'adolescence !

Je rigole, en prenant conscience que ce n'est pas impossible. Gabriel l'a fait, lui. Mais je ne veux pas que notre fille prenne le même chemin que lui a douze ans. Surtout pas !

— Ou alors il nous faut plusieurs enfants. Je dis ça, je dis rien.

Je souris un peu. Il n’essaie même pas de faire semblant de vouloir un seul enfant.

— Pas de sport alors. Je continuerai d’en faire seul.

Olivia n’en fait pas, alors je suppose que j’y survivrais également. Poisson m’accompagnera.

Ce n'est clairement pas la réponse que j'espérais recevoir, mais je ne le prends pas mal pour autant. Pour le moment, nous avons Olivia, un jour viendra je l'espère notre fille et puis, peut-être, dans plusieurs années, qu'un autre bambin viendra égayer notre vie.

Si Logan ne s'y oppose pas, ce sera tant mieux pour moi. Et s'il n'est pas réceptif, je donnerais tout l'amour que j'ai à notre petite puce.

— Un sport féminin au moins ce serait possible ? Comme de la danse, ou de la gym !

Je réponds finalement, parce que je ne veux pas que Logan se sente dans la même impasse dans notre vie que dans celle qu'il avait avec Moïra.

— Quoique, avec un père comme toi, elle finira fan de foot ou de boxe !

Et je rigole comme un con. Parce que ce serait comme avoir un petit mec, alors qu'on voudrait une fille.

Je hausse les épaules. Je suis assez partisant du « fais ce qui te plaît ma chérie » alors si elle aime les sports de « garçons » ce sera comme ça. L’influence des parents est très présente, c’est évident, mais les enfants ont leur propre caractère, leur propre envie. Je crois qu’il faut savoir les écouter. D’après Adam, elle ne pourra pas tout faire et le sport ça prend du temps, il n’aime pas ça alors je me contenterai de nos balades en famille. La conversation est terminée, alors ça tombe bien qu’on arrive à la boulangerie.

— Tu y vas ? J’attends ici avec Poisson.

Il hausse les épaules sans prendre la peine de répondre, soit. On ne peut a l'évidence pas être d'accord sur tout. Je viens d'un milieu où les garçons jouent au foot et les filles dansent, c'est comme ça.

Mais ça ne sert à rien de prolonger la discussion et d'en parler aujourd'hui, alors que ce dont on débat ne s'offrira peut être pas à nous avant une dizaine d'année. D'ici là, j'espère qu'on aura su s'accorder sur certaines choses pour le plaisir de l'enfant et pas le nôtre.

Je ressors de la boulangerie tout juste quelques minutes plus tard, un sourire aux lèvres.

— J'ai pris quelque chose que je ne connaissais pas ! C'est plein de crèmes et de fruits ! Je me suis dit qu'on avait rien à perdre à goûter !

J’acquiesce et on se met en route pour la maison. Parfois je me dis que j’ai vraiment de la chance d’être avec lui, parfois je me rappelle qu’on est tellement différent que ça me fait peur. Parfois j’ai du mal à comprendre comment il peut être si gay et comment il peut penser comme la vieille génération catho, en même temps. Ma fille ne sera pas une bobonne dans une cuisine et elle ne sera l’esclave de personne. Certainement pas d’un mec. Olivia est très débrouillarde et je compte bien entretenir ce côté de sa personnalité en la rendant indépendante. Dans la vie, on ne doit dépendre de personne parce que si ça finit mal, c’est la catastrophe. Elle ne refera pas mes erreurs.

— Tu commences à quelle heure demain ?

Je n’arrive pas à retenir son emploi du temps. Je fais des efforts pourtant, mais ça ne rentre pas.