Be happy — Romie & Edouard

Ça fait un mois et vingt-et-un jours qu’on est en couple avec Édouard et c’est un pur bonheur. Je souris tout le temps, j’ai envie de le coller à chaque minute de sa vie, j’ai envie de le voir sourire. J’aime ses câlins, sa tendresse. J’aime tout chez lui.

Il m’a dit qu’il travaillait seulement le matin aujourd’hui alors j’ai proposé qu’on aille faire les boutiques après. Qu’on aille chez Victoria’s Secret pour qu’il puisse choisir ce qui lui plait, et il avait l’air plutôt emballé.

On devait aussi manger ensemble alors je l’ai rejoins chez lui, mais son train avait beaucoup de retard alors on a annulé le déjeuner mais pas la sortie. Comme j’étais déjà chez lui, j’ai préparé le repas pour Max et je l’ai forcé à prendre une pause. On a à peine terminé qu’il est déjà sur le point de regagner son bureau.

— C’est insupportable de travailler comme ça, tout le temps. Comment tu veux avoir une vie sociale ?
— J’en veux pas... J’aime mon travail, tu sais.
— Mais tout le monde veut une vie sociale ! Tu veux pas un amoureux ? Sortir ? Aller en ville ? Moi j’aimerais faire des sorties à quatre et Édouard aimerait encore plus.

Il me sourit. C’est pas un non catégorique comme avant. C’est comme un oui silencieux, timide.

— T’es encore amoureux de ton ex ?
— Je crois, oui.
— Eh bien arrête ! C’est facile à dire, je sais, mais c’est aussi facile à faire. Il suffit de se lever un matin et de se dire « allez aujourd’hui, je vais rencontrer des gens et je ne vais pas les comparer à mon ex ».

Il ne répond pas.

— Tu penses que c’est dur de tourner la page, Max ?
— C’est impossible.
— C’est une question de volonté pourtant.
— Comment est-ce que tu le sais.
— Eh bien... tu vois, avant d’être ici j’étais dans un centre de détention pour mineur. J’ai été arrêté pour plusieurs chef d’accusation genre drogue, vol, recèle et ce genre de trucs mais surtout parce que... je me prostituais. Ma mère elle.. en fait, c’est dur à expliquer parce que ma mère elle avait besoin de moi et c’est elle qui m’a élevé et elle voulait que je le fasse parce que c’était de l’argent facile. Elle en avait besoin pour sa drogue parce qu’elle est toxicomane mais.. enfin tu vois, quand je me suis faite attraper, ils m’ont condamné surtout pour m’éloigner de ma mère, c’est mon frère qui me l’a dit. Bref... quand je suis sortie, ma mère était partie très loin et j’avais plus de maison et j’ai recontacter des squats où j’allais avant et j’aurais pu faire ce choix. C’est la facilité d’aller où on connaît déjà, tu vois ? J’avais qu’à retourner sur le trottoir et faire une overdose et être une minable comme ma mère mais je pouvais aussi vouloir changer et partir de zéro et je suis venue voir mon frère et il m’a fait confiance et même si c’est effrayant de partir de zéro, sans diplôme, sans argent... je suis en décalage avec les autres parce que je connais rien à la vie normale, moi. Parfois je me sens bête et c’est effrayant et je préférais retourner vers ce que je connais depuis toujours. Au moins, je suis pas nulle et hors du coup là-bas. Mais je sais que c’est pas une vie et je suis trop heureuse parce qu’avoir tourner la page et avoir eu la force de laisser derrière ce que j’ai toujours connu m’a permis de trouver un travail chouette et surtout de rencontrer Édouard. Tout ça pour dire que si t’attends qu’il revienne ou que tu le recherches dans tous les gens que tu rencontres, tu n’y arriveras pas. Vous n’étiez pas fait pour être ensemble parce qu’il est fait pour quelqu’un d’autre et toi aussi. Mais comment tu veux rencontrer cette personne si tu t’ouvres pas aux autres ? Moi je crois que même si ça fait peur, faut pas s’accrocher au passé. Tu devrais y songer.

Il ne m’a pas interrompu une fois et je crois que c’est bon signe. Je me lève pour lui faire un câlin et il y répond avec plaisir.

— Je t’aime bien Max. Tu mérites pas d’être malheureux comme ça. Faut y croire, tu sais. Regarde-moi ! J’étais qu’une pute de quinze ans pour que ma mère puisse continuer de se droguer puis aujourd’hui, je suis trop heureuse avec Eddie. Je pensais pas le mériter.
— Mais tu le mérites.
— T’es gentil. Penses-y, Max. Si t’as envie d’aller mieux alors ça ira mieux.
— Je vais y penser. Merci, Romie. Je suis contente que tu sois avec mon frère. Il avait besoin d’une fille comme toi.

Je lève les yeux au ciel et il s’excuse avant de retourner travailler. Du coup, je range un peu la cuisine. Je sais qu’ils ont une femme de ménage mais au moins ça m’occupe.

Quand je rentre à l'église, je m'attends à trouver Romie en train de m'attendre devant la télé, mais je l'entends parler et je me rends vite compte que c'est avec Max.

Je m'apprête à m'annoncer, mais quand je capte de quoi ils sont en train de parler, je m'arrête tout de suite. Ça me brise le cœur d'entendre Max avouer une énième fois qu'il est toujours amoureux d'Adam. Mais quand Romie prends la parole pour lui intimer de se battre, je me prends une claque magistrale... Elle ne parle pas seulement de convictions, elle parle de sa vie. De drogues, d'abandon, de prostitution putain ! Je me sens mal, parce que dans ma petite vie bien rangée je trouve les moyens de me plaindre, alors qu'une fille aussi géniale qu'elle a vécu de telles choses et n'en parle même pas. Et je suis censé briser son cœur ? Allez, vie de merde tiens. J'en n'ai même plus envie, actuellement. C'est pas ça qu'elle mérite. Fais chier...

Je laisse Max repartir et Romie retourner un instant en cuisine, avant de jeter mes affaires par terre et de rentrer pour de bon. Comment je suis censé faire semblant de ne rien savoir ?

— Mon dieu quelle matinée atroce ! J'ai cru que je rentrerais jamais ! Ça va toi ? T'as trouvé de quoi t'occuper en m'attendant ?

Je demande en venant prendre Romie dans mes bras avant de l'embrasser en souriant.

Quand j’entends Édouard arriver enfin, je lâche tout ce que je fais et je lui saute dans les bras comme un koala.

— Yes ! Meilleur moment de ma journée.

Je dis en répondant à son baiser.

— T’es très beau. Mais t’es tout froid.

Je quitte ses bras pour le libérer.

— Désolée pour ton train. T’as pu manger quelque chose ? Parce que sinon j’ai préparé un sandwich au cas où. Saumon avocat. Ça a été le boulot, malgré tout ? Ou ça aussi c’était atroce ?

Je souris en la serrant contre moi.

— La chaleur humaine ça rechauffe, tu t'en rappelles ?

Je rigole en repensant à cette excuse qu'elle continue de faire valoir sans cesse.

— T'es un amour, j'ai rien avalé et je crève la dalle. Je vais tomber par terre !

Cest pas vrai, j'ai mangé dans le train un truc acheté à la gare vite fait, mais l'attention est tellement adorable que je ne veux pas lui dire qu'elle a fait ça pour rien. Ça a beau être un sandwich, je sais qu'elle a du y mettre tout son cœur.

— J'ai pas mal bougé pour tout finir à temps, alors c'est passé vite. Mais j'avais hâte de retrouver ma cuisinière préférée !

J’affiche un large sourire, contente qu’il n’ait pas déjà déjeuner.

— Super ! Assieds-toi, mon chéri, je t’amène tout ça.

Je dis en allant chercher l’assiette que je lui ai préparé dans le frigo. Je lui serre aussi un grand verre de jus de pomme. Je sais qu’il adore ça.

— Tu veux toujours sortir cet après-midi ? Sinon on reste ici à se reposer. Ça me gêne pas.

Je m'installe dans le canapé et quand elle revient, je la prends contre moi. Je n'arrive pas à me lasser de l'avoir dans mes bras et d'en profiter.

— On peut sortir quand même et venir se poser après, t'en dis quoi ? Ton frère va pas me casser la gueule si je te kidnappe jusque tard ? Où jusque tôt demain matin ?

Je rigole en embrassant sa tempe.

— Il va rien dire. Il sait que ça se passe bien alors il est confiant.

Je dis en souriant, mon bras autour de sa taille, pour le coller autant que je peux.

— On commande japonais, ce soir ? On propose à Max ? C’est bon ce sandwich ?

— Tant mieux, je suis trop beau pour me faire démonter.

Je rigole en mangeant mon sandwich.

— Il est très bon mon chat, merci beaucoup !

Je m'allonge carrément que le canapé et je la prends entre mes jambes.

— Japonais ça me va ! Ça va faire sortir Max un peu, même si ça a déjà été le cas ce midi.

Je caresse son dos, en levant les yeux au ciel.

— Je vous ai entendu ce midi avec Max. Je voulais faire comme si de rien n'était, mais bon. C'est pas trop mon genre.

— Hm. Et qu’est-ce que t’as entendu ?

Je demande en posant ma tête contre son torse, de manière à le regarder. J’ai un peu peur de ce qu’il va me dire.

— Tout ?

Je réponds du tac-o-tac en la voyant faire comme si de rien n'était.

— C'est le moment de parler du pourquoi je ne t'avais jamais vu avant à White Falls je suppose...

Je lui fais un câlin, fort. J’ai peur qu’il soit fâché, qu’il ait honte. Qu’il ne me voit plus de la même manière.

— Je suppose, oui. Et comme t’as déjà tout entendu... ? T’as des question ?

— J'en ai plein...

Je réponds en la serrant fort contre moi. J'ai pas envie qu'elle croit que c'est négatif.

— Mais avant toutes choses, je voudrais savoir pourquoi tu m'en suis pas parlé de toi-même ?

Il me rend mon étreinte et ça me fait beaucoup de bien. Je crois que ça ne l’effraie pas trop.

— Je pense que c’est parce que je n’ai jamais trouvé le bon moment. Mais je suppose que c’est maintenant alors... vas-y, demande-moi tout ce que tu veux, je répondrais à tout.

Ça me rassure de voir que malgré tout, elle ne me repousse pas. Maintenant que je sais, elle ne me laisse pas à l'écart.

— C'est à cause de tout ça que tu préfères attendre d'être sûre ? Sexuellement parlant, je veux dire.

— Entre autre, oui. J’ai un peu de mal... enfin, j’avais un peu de mal à faire la différence entre les gens gentils, ceux qui le sont pour avoir des faveurs. Tout ça. En fait, c’est mon frère qui m’a conseillé de faire ça parce que si un garçon est capable d’attendre c’est que c’est quelqu’un de bien et... voilà. T’es fantastique apparemment.

Je souris, avec un pincement au cœur. Je ne suis pas si génial que ça, non. Et pourtant j'ai conscience de m'être attaché bien plus que je ne l'avais voulu.

— Ton frère a raison de te protéger. Des cons y'en a partout... Moi j'ai succombé à ton charme, alors ça compte pas. Et je veux pas de faveurs, juste toi.

J'embrasse sa joue avec tendresse.

— Parfois t'y penses encore ? Je veux dire, je connais pas vraiment le milieu, mais ça t'arrives de te dire que tu pourrais avoir de l'argent si tu retournais te prostituer ? Où c'est vraiment derrière toi ?

— Non j’y pense pas parce que j’ai un travail et que je t’ai toi. Enfin j’y pense, mais pas pour gagner de l’argent. Parfois je me rends compte que le comportement ma mère était peut-être pas normal. Alors j’y pense. Parfois je suis triste parce que j’ai pas eu la même vie que tout le monde. La première fois que j’ai été au cinéma, c’est avec toi. Je revis.

— Mais bien sûr que c'est pas normal ! On fait pas ça à son enfant ! T'es la chair de sa chair et on fait pas ça...

Je la serre fort contre moi.

— Tu vaux tellement mieux que ça mon petit chat. Tu vaux des châteaux, des câlins, des découvertes, de l'amour. Tu vaux une famille, une vraie.

Et Dieu sait comme je déteste Adam et son con de mari, mais ils lui permettent de découvrir le sens de ce mot je crois, alors j'ai un peu plus d'estime pour eux.

— Tu vas la vivre maintenant la vie et tu vas adorer !

Je souris et je grimpe jusqu’à lui pour embrasser ses lèvres. J’adore quand il me donne des surnoms et particulièrement celui-là.

— Je l’adore déjà, mon chéri. J’ai tout ce qu’il faut avec toi et avec ma famille et j’ai plus du tout envie de vivre comme avant.

Je réponds à son baiser et je caresse sa joue avec tendresse. Je crois qu'elle m'a eu.

— J'espère, j'ai plus du tout envie que ça t'arrives.

Je souris doucement.

— Merci d'en avoir parlé à Max dans l'idée de lui montrer qu'en se battant on peut avoir plein de choses. Tu es fascinante Romie, j'espère que tu le sais.

Je hausse les épaules.

— C’est normal. Je vois qu’il vient plus souvent avec nous. Je crois qu’il attend juste qu’on le pousse un peu mais si ça vient de toi il se braque alors... je sais pas, je sais qu’il va trouver quelqu’un mais il y croit plus. C’est nul.

Je niche ma tête dans le creux de son cou.

— Je sais pas si je suis fascinante. Je suis juste moi. Et j’ai envie que tu sois heureux et si ton frère l’est pas, tu peux pas l’être entièrement.

— Il a trouvé quelqu'un entre temps, et finalement ça l'a encore plus détruit. Je voudrais tellement qu'il soit heureux de nouveau...

Je soupire en repensant à la joie que j'ai lu dans ses yeux le jour où Adam est revenu. Il aurait décroché la lune pour lui. Il le ferait sûrement encore aujourd'hui.

— T'es la première personne avec qui je sors qui s'intéresse à tout ça. À moi, à ma famille, à mon frère. Ça me touche beaucoup plus que je ne le laisse penser tu sais.

J'embrasse ses lèvres tendrement en laissant mes mains se balader dans le bas de son dos.

— T'as bien fait de te jeter sous ma voiture, sauvage.

— Il va trouver quelqu’un. Je le sais. Il va trouver l’homme de sa vie et il va l’aider à aller mieux et à vivre avec ses blessures.

Ça me surprend d’être la première à m’intéresser à lui.

— C’est normal que je m’intéresse : je t’aime.

Mon cœur s’emballe à mort parce que c’est vrai que je l’aime. Tout a du sens quand il est là.

— Je suis pas une sauvage.

Je râle en m’emparant de ses lèvres dans un sourire. J’aime pas quand il m’appelle comme ça.

— Mais c’était le meilleur truc qui me soit arrivé.

Ça me sers le bide de l'entendre me dire ça avec autant de sincérité. Pour toute reponse, je la serre encore plus fort contre moi et mon baiser laisse entendre bien des choses. Je pourrais partir et gagner, mais pour ça il faudrait que j'en ai envie. C'est pas le cas actuellement.

— T'es ma sauvage à moi ?

Je rigole en insistant.

— On file s'aérer la tête ? Je crois qu'on en a besoin tous les deux.

— Je suis pas une sauvage.

Je répète simplement avant de me redresser.

— On peut faire autre chose que VS si tu veux. Peut-être que t’as pas envie de me voir en sous-vêtements maintenant ?

Maintenant qu’il sait que je me suis prostitué, je sais qu’il me fera moins confiance. Peut-être qu’il me trouvera moins jolie. Ou qu’il se dira que trop de gens ont déjà vu mon corps pour que ce soit précieux ou un privilège. Je me sens un peu sale aujourd’hui et ça ne m’étais jamais arrivé. J’ai honte de moi et j’ai peur que lui aussi.