Be happy — Romie & Edouard

— Mais c’est ça ouais ! Tu me rejoins dans ta chambre dans dix minutes et on commandera après ! Seulement après.

Je dis en l’embrassant fiévreusement avant de lui prendre le sac des mains pour m’enfuir dans l’église et courir à l’étage. Max ne verra pas la différence si on mange à 20 heures ou à 21 heures ou à 22 heures. Alors c’est pas grave.

Quand je suis dans sa chambre, je découvre ce qu’il m’a acheté et je me souviens exactement de sa réaction devant l’un des ensembles en particulier alors c’est ce que je choisis. Je range le reste dans un coin, je mets mes affaires au sale. Y a plein de trucs à moi qui traînent partout mais il me dit toujours que ça ne le gêne pas.

Quand je l’entends monter après quelques minutes - pas dix, c’est sûr - je me demande comment l’accueillir et quand il ouvre la porte, j’oublie de réflechir et je saute dans ses bras pour l’embrasser amoureusement. Mon cœur bat à mille à l’heure, c’est dingue.

Mon cœur bat à mille à l'heure, mais c'est autre chose que du bonheur. Ça sent la peur et la non-maîtrise de soit. J'ai jamais fais l'amour à personne, jamais avant aujourd'hui, et ce n'est pas du tout ça qui aurait dû arriver. Pas avec Romie, pas avec la sœur d'un connard, pas avec la belle sœur d'un plus gros connard encore, pas avec une pute...

Le but de tout ce que je fais depuis des semaines, c'est de la faire souffrir et d'en jubiler dans la foulée. Est-ce que le moment n'est pas enfin arrivé ? Je n'ai rien a y perdre de toute façon. Et merde, je vaux mieux qu'une ancienne pute droguée !

— Tu peux partir maintenant.

Je balance à Romie qui est toujours allongée à côté de moi, en me décalant d'elle. Mon ton n'est plus aussi mielleux que pendant cette mascarade.

Faire l’amour avec Édouard, c’est exactement comme je l’imaginais et peut-être mieux. Je n’arrive pas à mettre de mot sur toutes les émotions que je ressens mais c’est la première fois que j’aime quelqu’un aussi fort. C’est la première fois que je fais l’amour, même.

Quand je me blottis contre lui, je me dis que ça va être dur de le quitter maintenant pour aller rejoindre Max en bas et commander à manger.

— Très drôle.

Je dis en riant. Même si son ton et son geste de se détacher de moi me font douter, je sais qu’il me fait encore une blague nulle. Alors je me rapproche pour lui faire un autre câlin mais il se recule. Encore. Alors je le regarde, confuse.

— C’est pas drôle, Édouard.

— Je ne rigole pas Romie.

Je réponds avec le plus de détachement possible.

— Tu ramasses tes affaires, et tu pars. Et tu reviens pas demain, si jamais tu te demandes.

Je reste un moment à le regarder pour déceler s’il est sérieux ou pas. Plus j’attends, plus son visage exprime l’agacement et le dédain. Exactement comme la première fois que je l’ai rencontré.

— Mais... qu’est-ce qu’il y a ? J’ai fait quelque chose ?

Je demande malgré tout. Si je dois partir, je veux savoir pourquoi.

Je soupire, alors qu'elle ne bouge pas. C'est sûr que les autres, elles étaient plus faciles à virer. Mais aussi tellement plus fréquentable.

— J'ai jamais eu envie de quelque chose de sérieux Romie, et encore moins avec une pute.

Les mots sont ce qu'ils sont, mais elle est ce qu'elle est. Je ne vais pas appeler un chat, un chien.

Je déglutis difficilement et je prends une grande inspiration pour ne pas pleurer. Ça ne sert à rien de pleurer parce qu’il a raison. Je quitte le lit, honteuse. J’enfile rapidement mes vêtements en prenant soin de récupérer tout ce qui traîne. Il jettera le reste. Je lui laisse bien sûr ses achats et quand j’ai ramassé tout ce que j’ai pu, je sors de la chambre presque sur la pointe des pieds pour ne pas le déranger. Comme une pute. Parce que c’est ce que je suis.

Quand j’arrive dans le salon, Max est là, la tête plongée dans ses affaires. Il ne relève pas le nez quand j’enfile mes chaussures ou mon manteau. Je n’ai même pas de sac pour mes affaires alors je tiens un tas de vêtements dans mes bras. Comme une conne.

— T’y vas déjà ?
— Oui.
— À demain !

Je ne réponds pas, je sors en silence avant d’aller m’asseoir sur le trottoir devant l’église. Il est tard, il fait nuit noire, il neige déjà dans cette ville nulle. Quand je sors mon portable pour envoyer un message à mon frère, j’hésite à rejoindre un endroit que je connais bien. Un endroit où les gens se fichent bien de qui on est tant qu’on a de l’argent à dépenser dans quelques pochons. Mais j’ai pas d’argent. Alors je contacte mon frère.

SMS à Logan
Salut Logan. On s’est séparés avec Edouard et j’ai mes affaires. J’arriverais pas à tout ramener. Tu peux venir me chercher ?

SMS de Logan
T’es où ? Adam arrive ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Tout va bien ?

SMS à Logan
Ça va. Je suis à la vieille église dans le centre-ville.

SMS de Logan
Édouard. Édouard le frère de Maximilien ? Édouard de France qui vit dans l’église avec son frère ? Édouard l’ex beau-frère d’Adam ? C’est lui ton copain ?

Quand je comprends ce qu’il dit, j’ai l’impression que tout s’effondre encore plus que tout à l’heure. Alors j’en profite d'être tout seule pour éclater en sanglots.

SMS à Logan
C’est fini alors c’est pas important.

Je conduis avec la rage au ventre et avec un automatisme qui fait peur. Pour le coup, je sais absolument où je vais et y'a pas besoin d'être ingénieur pour comprendre ce qui a pu se passer. J'essaie de croire que c'est une rupture normale, mais là coïncidence est trop grosse pour qu'elle en soit vraiment une.

Quand j'arrive devant l'église, Romie est assise sur le trottoir et elle essuie son visage. Y'a plus de doutes je crois. J'ai envie de tuer Édouard, encore plus fort que lorsque j'ai appris qu'il avait couché avec Gabriel.

Je m'arrête en warning sur la route et j'ai à peine le temps d'ouvrir ma portière qu'elle se relève.

— Je t'aide avec tes affaires ?

Je demande avec douceur.

— T'en a d'autres a récupérer ?

Oui, j'ai envie de rentrer dans cette maison et de le frapper pour de vrai, ce gros connard de merde !

Je secoue la tête.

— Ça va. S’il en reste, il les jettera.

Je pose mes affaires à l’arrière avant de monter à l’avant.

— On y va ? J’aimerais bien aller me coucher. S’il te plaît.

Quand Romie sort de la pièce, je suis soulagé. C'était une drôle de sensation de la voir se rhabiller et partir sur la pointe des pieds, comme si elle avait été un secret honteux ou une vulgaire inconnue. Mais c'est ce que je voudrais qu'elle soit, c'est pour ça que je lui ai demandé de partir, non ? Pour ne rien avoir à faire avec elle.

Je l'entends échanger quelques mots avec Max, puis quitter l'église, alors que je suis toujours nu entre mes draps. Je regarde le plafond un moment, rempli de tout un tas de questions auxquelles je n'ai pas vraiment de réponses. Quand je finis par tourner la tête, mes yeux tombent sur le sac de chez Victoria's Secret de tout à l'heure. Elle a tout laissé ici. Pourquoi ?

Et la réponse est évidente, elle n'a cessé de me la répéter pendant des jours : elle était là pour moi, pas pour mon argent. Mon cœur se pince et pendant une seconde, je me demande pourquoi j'ai fais ça. Ça m'a apporté quoi de lui briser le cœur juste pour atteindre Adam ?

En soupirant, je me lève et file mettre un caleçon. C'est là que je la vois, assise sur le trottoir devant chez moi. Elle semble avoir froid et j'aimerais lui donner mon manteau. Ou la prendre dans mes bras.

— Putain...

Je ne sais pas quoi faire, jusqu'à ce que je la vois essuyer son visage. Elle pleure. Mon petit chat pleure et c'est de ma faute. Mon petit chat...

— Et merde ! Qu'est-ce qu'on s'en fout !

J'envoie chier mes principes en attrapant le premier jean et le premier t shirt que je vois. J'enfile ça vite, mais pas assez pour rater la scène qui se passe devant la maison. Adam est là, avec elle. Et quand je comprends qu'il vient la chercher parce qu'elle a dû leur dire à son mec de merde et à lui, je sais qu'il sait pourquoi j'ai fais ça. Et je me souviens aussi que je l'ai fais parce qu'il a jugé bon de foutre toute la vie de Max en l'air. Juste parce qu'il était amoureux d'un autre que lui... Comme je suis tombé amoureux de Romie.

Quand on arrive à la maison, c’est silencieux. Les enfants sont sans doute couchés. Ce que je redoutais un peu. Je suis restée silencieuse tout le trajet et Adam a respecté ça. Mais Logan, quand j’arrive et qu’il me prend dans ses bras, c’est dur de pas pleurer.

— Ça va, Logan. Tout va bien. Faut pas t’inquiéter.
— Romie...
— Je t’assure. Ça va. C’est rien. C’est quelqu’un de bien, je suis pas faite pour lui, c’est tout.
— Il te mérite pas. Il a fait ça pour blesser Adam.
— Logan, c’est rien.

Et je regarde Adam pour aller lui faire un câlin.

— C’est pas ta faute, Adam. Je vous assure qu’il est génial. Il est pas comme vous pensez. Mais là j’ai plus tellement envie d’en parler.

Évidemment que je ne peux pas m'empêcher de songer que rien de tout cela ne serait arrivé sans moi. Et je crois que Romie le voit, parce que sa façon de me dire que ce n'est pas de ma faute laisse entendre beaucoup de choses.

— Il ne mérite pas quelqu'un comme toi.

Edouard à toujours été un con avec les filles, et même avec un garçon, mais je n'ai pas envie de lui laisser entendre. Si Romie préfère en garder une belle image, je ne veux pas la blesser plus qu'elle ne doit déjà l'être. Pauvre trésor. Elle ressert Logan fort dans ses bras et très vite, elle part rejoindre sa chambre.

— Va en enfer.

Je marmonne dans ma barbe en attrapant directement mon téléphone. Si je ne peux pas frapper Édouard, je compte bien laisser entendre à un autre que c'est un connard fini.

De Adam à Maximilien.
La prochaine fois que ton frère veux me faire du mal, qu'il s'en prenne directement à moi ! Même de sa part à lui, c'était petit de se servir de ma belle-sœur pour me faire payer ce que je t'ai fais, autant de temps plus tard. De toute mon âme, j'espère qu'il ira en enfer et qu'il se mordra les doigts de ce qu'il à fait à Romie ! C'est encore une gamine, elle n'avait pas besoin d'un tel con pour se déconstruire à son âge. Enferme le à double tour, qu'il s'en prenne pas à mes enfants ou mes nièces la prochaine fois qu'il aura envie de te venger comme un cinglé.

Quand je reçois un message d’Adam, mon cœur s’emballe. Il pense à moi. Adam pense à moi et peu importe si c’est pour un travail ou non. Il pense à moi.

J’ouvre le message, fébrile, et quand je lis toute cette haine au sujet d’Edouard, j’en ai mal au ventre. Romie est sa belle-sœur ? J’ai du mal à comprendre et c’est à ce moment-là que mon frère choisi de descendre. Il n’a pas l’air dans son assiette.

— Adam vient de m’envoyer un message... au sujet de Romie ?

J'ai plus du tout faim, mais j'ai conscience qu'un peu de café ne pourra pas me faire de mal. Et puis si Max pouvait être dans le salon, juste histoire que je pense à autre chose qu'à Romie durant quelques minutes, ça m'arrangerait beaucoup. J'ai pas envie d'être seul, je crois... Même si j'ai conscience que je ne le serai pas, si je n'étais pas si con.

Heureusement Max est en bas, mais dès que j'entends parler d'Adam, puis de Romie, je me braque.

— Il a quoi le cul-bénit encore ? Il peut pas se mêler de ce qui le regarde ?

— Arrête d’être désagréable, il ne t’a rien fait à toi.

Je dis dans un soupir. Édouard le déteste viscéralement et ça me fait mal au cœur.

— Mais c’est pas le sujet.. pourquoi il me parle de Romie ? De vengeance ? Qu’est-ce que tu as fait ?

Je lève les yeux au ciel. Il est toujours en train de le défendre et ça m'agace.

— J'ai rien fais, ok ?

Je suis sur la défensive parce que j'ai franchement pas envie de parler de Romie pour le moment.

— On est plus ensemble, c'est tout. Ça arrive dans la vie !

— Et c’est tout ce que tu vas me dire ? Je vous aivu tous les deux, j’ai parlé avec elle, avec toi. Je vous ai vu tomber amoureux. Et je te connais ! Je vois ta tête et je peux sentir que ça ne va pas ! Bon sang mais qu’est-ce que t’as fait ?! Et pourquoi tu mens, d’ailleurs ? Pourquoi ?

Quand j’y repense, le visage de Romie exprimait une peine infinie et elle ne m’a pas dit à demain. Elle n’a pas répondu.

— Pourquoi tu l’as quitté ? T’as appris que c’etait la sœur de Logan ? C’est ça ?

Je suis sacrement tombé. Amoureux ou autre chose, j'en sais rien, mais la chute est haute. Et Max me connait tellement bien que je sais qu'essayer de nier ne ferait qu'empirer la situation.

— Je sais que c'est la sœur de son mec depuis la première fois que je l'ai vu. Et c'est juste pour ça que j'ai commencé à la frequenter, à la base.

J'avoue en me mordant les lèvres. Il va pas aimer je crois.

— Et c’était quoi tes intentions ? Lui faire de la peine comme si Adam allait revenir après ça ? C’est ça ?

Je lève les yeux au ciel.

— Je sais que c’est dur pour toi de me voir comme ça mais te voir heureux, te voir vraiment bien avec une fille ça m’a donné envie d’y croire à nouveau et tu reproduis la même chose que tu reproches à Adam mais la différence avec toi c’est que lui n’a pas fait exprès et que Romie n’avait rien à voir avec toute cette histoire ! Elle vient à peine de le rencontrer et... mais t’es amoureux d’elle, bon sang ! Adam m’aime pas. C’est terminé et il y peut rien, s’il aime quelqu’un d’autre. Mais comment tu peux blesser quelqu’un que t’aimes comme ça ? T’en es dingue de cette fille ! Comment t’as pu l’envoyer chier ? Puis pourquoi aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

— C'était exactement ça, ouais. Lui faire autant de peine qu'il t'as fait ! Je pouvais pas m'attaquer à lui, alors je m'en suis pris à Romie ! T'es content ?

Je soupire quand il me sort toute sa tirade. Je crois qu'une part de moi sait qu'il a raison, mais que je ne l'accepte pas. Surtout la partie qui dit qu'on peut pas blesser quelqu'un qu'on aime. C'est ce que j'ai fais, a l'évidence.

— Mais t'en sais quoi que je suis dingue d'elle ? J'ai jamais eu une seule copine sérieuse ! C'est incompatible avec ce que je suis apparemment.

Je lui passe devant pour aller me faire un café, en fuyant son regard. J'ai pas envie d'avouer la vérité, j'en ai beaucoup trop honte. J'ai honte de moi.

— Mais qu’est-ce que ça va lui faire de la peine ?! Putain mais t’as juste blessé Romie ! Juste elle ! C’est elle qui souffre d’avoir été larguée comme ça ! Lui, il est heureux avec son mari ! Tu confonds tout !

Sa fuite ne fait que confirmer mes propos.

— Ce que j’en sais c’est qu’une fille n’a jamais passé ces portes deux fois alors qu’elle était là chaque fois que tu l’étais aussi. Je vous entendais rire tout le temps, les regards que tu posais sur elle quand tu pensais que personne ne te voyait... jamais t’as donné un surnom aussi mignon à quelqu’un à part à Marie-Charlotte et c’était un « cherie » pour la forme parce que tu la vouvoyais ! Les filles que t’as présenté aux parents c’était juste pour les rassurer, juste parce que t’es pas gay toi aussi, juste parce que tu vas pouvoir assurer là où j’échoue sans cesse. Mais l’amour c’est pas une formalité. L’amour c’est ce que tu ressens quand la personne te touche, quand elle t’accorde son attention et bois tes paroles. C’est aussi ce que tu ressens maintenant qu’elle est partie. C’est pas en t’infligeant ce que je vis que j’irai mieux. Ton intention je la comprends et je ferai tout pour toi, moi aussi, mais t’as perdu la seule personne qui s’intéressait à toi. À Édouard. Pas à ton argent, ton titre, un poste dans ton entreprise ou n’importe quoi d’autre. Peut-être que t’aimais pas Romie, si ça te rassure de le penser. Par contre, elle, elle était complètement dingue de toi.

Et c’est rare. Ces copines viennent là pour baiser, pour avoir sa carte bleue et parler avec moi. Soi-disant qu’il est inintéressant, centré sur-lui même et pas à l’écoute. Mais Romie, elle le voyait comme le Messie. Quand il entrait dans la pièce, plus rien n’existait.

— T’avais réussi à me montrer que l’amour ça pouvait encore se trouver. Que même la personne la plus inaccessible pouvait flancher face à quelqu’un et j’ai eu envie de rencontrer la personne qui me ferait flancher et à quoi bon alors ? Si finalement même amoureuse cette personne me jette comme une merde au moment ou on aura couché ensemble ?

Ja récupère mon ordinateur. Je réalise que c’est ce qu’il a fait car je sais qu’il a attendu. Il me l’a avoué un jour. Alors je sais.

— T’as quitté Romie le jour où tu la couvres de cadeaux et que tu couches avec elle. Tu la prends pour une pute le jour où elle m’avoue que sa mère la forçait à se prostituer pour avoir ses doses de drogue. J’espère au moins que t’as eu les couilles de lui dire que c’était de ma faute, parce que je n’arrivais pas à me remettre d’une rupture, parce que sinon, je te laisse imaginer les dégâts que t’as causé sur l’image qu'elle a d’elle. Adam m’a fait mal parce qu’il aime quelqu’un d’autre. Ça le dépasse. Toi, t’as blessé quelqu’un qui t’aimais et t’estimais et te voyait comme la plus belle des personnes, pour rien.

— Assurer là où t'echoue sans cesse avec les parents ? Putain mais t'as du culot de me dire ça à moi, alors que papa passe son temps à me comparer à toi depuis qu'on est ado !

Je lève les yeux au ciel en soupirant. J'ai pas envie de blesser la terre entière aujourd'hui, c'est bon. Et j'ai pas non plus envie d'entendre tout ca. J'aime pas qu'on me fasse la morale, qu'on me contredise, qu'on me fasse passer pour un con et surtout, je déteste que Max laisse entendre que je viens de faire mal à Romie juste parce que je suis égoïste. Je le sais ! Je l'ai vu, mais j'ai pas envie de l'entendre me dire ça, lui aussi.

— Je vous aient entendu ce midi. Je lui ai dit que c'était à cause de ça. Elle serait pas partie sinon. Et j'aurais pas pu la laisser partir non plus...

J'ai pas envie de me réveiller demain matin et de voir que je suis tout seul. Qu'elle n'est pas là, que j'ai pas de message d'elle, qu'elle est pas juste en train de nous faire des pancakes. Je veux pas penser à tout ça. Je savais ce que je faisais...

— Y'a des mecs bien partout Max, t'en trouvera forcément un. Mais c'est pas ce que je suis.

— Si. T’es un mec bien. Et t’accepte pas qu’elle ait réussi à te le prouver. Papa il met sa pression sur toi parce que finalement, c’est toi le plus docile et le plus fragile. Moi papa, je l’envoie chier à ma manière et toi, t’es incapable de faire ça. T’as besoin de sin approbation et venir vivre avec moi te libère un peu de lui. J’suis pas aveugle, Eddie. Je sais à quel point, toi, tu dois tout réussir, à quel point tu dois être sa copie. Tu t’es juste créé une carapace en faisant croire que c’était ça ta vie mais c’est pas le cas. Ta vie c’est te bagarrer avec Romie pour le nutella, faire vos accrobaties à la con, te plier à ses moins faveurs pendant qu’elle se plie aux tiennes. Ta vie c’est d’être pompier parce que moi aussi, je vous ai entendu parlé. Me reproche pas les comparaisons de papa quand t’assumes pas tes propres envie sous prétexte que t’es pas le mec qui tombe amoureux et que t’es un bon fils. T’es un mec bien, tu le sais parce que t’aurais bougé des montagnes pour faire briller ses yeux. Sauf que t’as pas envie de l’admettre parce que les mecs bien ça n’a pas de sentiments, pas vrai ?

Je soupire, je comprends qu’il n’a pas envie de parler de Romie alors je le laisserai remarquer tout seul à quel point elle va lui manquer. À quel point ça va être dur de respirer maintenant qu’elle n’est plus là.

— Je sais que t’es un homme bien, Eddie. Et tu sais pourquoi ? Parce que t’as tout envoyer valser quand ma fille est décédée. Papa, maman, Marie-Charlotte. Tu les as tous envoyé se faire foutre pour faire ce que t’avais envie de faire : venir me soutenir. Et tu veux savoir le plus drôle ? Aucun d’eux n’a bronché. Même pas papa. Papa s’est adapté alors que putain, t’as pas idée d’à quel point ça l’a fait chier de virer l’excellent élément dont t’as pris la place. Tu as t’es opposé à papa pour quelque chose que tu estimais juste, tu t’y es opposé fort, bien plus que toutes les autres fois parce que pour toi y avait pas d’autre solution que de m’avoir à l’oeil et il n’a rien dit. Exactement comme il a fini par se taire face à la construction de cette église ou toutes les choses que j’ai faite et que tu as dû pensé qu’il approuvait. Papa n’approuve que lui. Jusqu’à ce qu’on lui dise ok et qu’on fasse exactement ce qu’on a envie. Alors non, Édouard. T’es pas quelqu’un de mauvais. Bien au contraire.

— Mais y'en a toujours que pour toi putain ! Et Max il a fait ça, et Max il a fait ci, et le copain de Max il est trop gentil, et Max il veux être architecte ! Putain mais quand t'es revenu ici, tu t'es pas demandé ce qui allait m'arriver à moi. J'entendais parler que de tes prouesses, alors que personne m'a jamais dit merci de me faire chier dans ce boulot de merde ! Ouais je voulais être pompier et tu sais quoi ? Quand je suis allé voir papa, hyper fier parce que j'avais réussi tous les concours pour être Pompier de Paris, la seule chose qu'il a trouvé à me dire c'est que c'était hors de question que je fasse ça à notre famille. Putain mais toi t'es gay et tu fais tout ce que tu veux, et moi on m'a menacé de me couper les vivres parce que je voulais faire un métier que j'aime. A un moment c'est plus seulement avoir besoin de son approbation ! Et putain je t'aime, je le dis jamais, mais je pense que mes actions parlent pour moi ! Mais je suis jaloux de tout ce que t'arrives à faire, sans que ta propre famille te mette de bâton dans les roues ! Ils sont venus à l'inauguration de cet endroit avec des étoiles plein les yeux. Cite moi une seule fois de ma vie ou papa a été fier de moi à ce point ? Ma remise de diplôme ne comptant pas, étant donné qu'il n'était pas fier d'Édouard, mais du futur de son entreprise.

J'ai l'impression d'arracher un pansement et d'avoir la peau a vif. Ça fait un mal de chien sur le coup, mais ça fait tellement de bien à la fois.

— Et j'aurais fais quoi avec elle, hein ? Je l'aurais présenté à papa et maman ? Salut c'est ma copine, ex toxico et d'aucun rang ? Devant elle, il aurait encore trouvé le moyen de répondre qu'au moins toi, le mec que t'avais ramené, il était d'une bonne famille.

Entendre tout ça me brise le cœur et je ne trouve rien de mieux à faire que m’approcher de lui pour le serre dans mes bras.

— Tu es bien plus riche que papa et maman et même moi aujourd’hui. Tu es indépendant financièrement alors s’ils te coupent les vivres, ils perdent un fils. C’est tout. S’ils n’aiment pas la femme que tu as choisi, ils perdent un fils, c’est tout.

Je me détache de lui pour lui sourire.

— Quoi qu’il se passe, moi je serai toujours là et je te soutiendrais toujours parce que c’est comme ça. Je suis désolé que tu ressentes tout ça à cause de moi parce que moi aussi, les parents me ventent tes réussites aux détriments de mes échecs. Ils nous mettent en compétition depuis toujours mais je m’en fiche parce que si t’es heureux moi aussi. Je suis de ton côté.