Who let the dogs out - Adam & Gabou

J’aimerais bien qu’il parte au fond, même si le fait qu’il reste me soulage en énormément. Je ne sais pas combien de temps dure mon silence mais je n’entends que lui. Il me fait mal. Il me ronge. J’ai honte, je me dégoute et c’est difficile. Avant j’aurais donné rendez-vous à quelqu’un pour me salir encore plus et me montrer à quel point j’avais raison d’avoir honte. Mais maintenant je suis avec Austin et je ne peux plus faire ça. Quand je sens que c’est trop dur, je me roule en boule contre mon frère et j’attire Balti contre moi. Et ça passe. Ça va un peu mieux.

— Oui, je crois qu’il faut qu’on les présente avant qu’ils grandissent. Pour qu’ils soient copains.

Mon frère a respecté mon silence et il est resté. Comme maman ou comme Marie l’aurait fait. Je crois qu’avec maman, j’aurais pleuré. Mais là, ça va un peu mieux.

J'ai raconté la vie de Moon en long et en large. Les blancs ne m'ont pas dérangés, j'ai laissé le temps se faire et quand Gabriel vient se rouler en boule contre moi, Balti serré contre lui aussi, je laisse ma main caresser ses cheveux. C'est tout léger, de sorte à ce que je puisse tout arrêter s'il montre le moindre signe que ça le dérange.

— La prochaine fois que je viens te voir, je la prends avec moi. Elle est absolument magnifique, tu vas voir. On dirait une petite panthère !

Je le laisse me caresser les cheveux, j’aime bien, ça me rassure.

— Mais c’est demain que tu reviens, non ? T’as pas cours demain, si ? Tu t’es fait des amis ?

Je rigole malgré moi.

— Je te dirais bien que je suis pas là bas pour me faire des amis, mais la vérité c'est juste que je suis incapable de m'en faire alors... Pour le moment je connais des prénoms, c'est déjà bien.

Puis j'enchaîne, sans arrêter de caresser ses cheveux.

— Oui c'est demain ! Je voulais passer nous prendre un truc au fast food avant de venir, ça te dit ? Aujourd'hui j'allais chercher Balti, j'avais pas trop le temps.

— C’est déjà un bon début. Tu peux être fier !

Je dis sérieusement. Moi je connais même pas mes camarades de classe alors...

— Oh.. bof, j’ai pas trop trop faim en ce moment... tu peux venir après manger si tu veux ?

Je le remercie de son enthousiasme, mais je crains surtout son manque d'appétit. C'est pas vraiment son genre, quand Gabriel n'a pas faim, c'est que quelque chose ne va pas. Et je sais que c'est le cas, mais bon...

— Je viens après mangé alors ! Je risque de me lever tard et de profiter d'être seul pour faire plein de câlins à mon petit chaton d'amour dans le lit, je rigole. On viendra une fois réveillé tous les deux !

— D’accord. Je bosserai le matin, alors ! Comme ça on pourra aussi regarder pour ton association l’après-midi. Il avance ton projet ?

— Ça c'est une superbe idée !

C'est vrai qu'il se passe tellement de choses dans ma vie en ce moment, que ma tête est à mille endroits à la fois.

— Ça avance doucement, mais sûrement. Logan m'avait filé un contact à lui et je me dis que ça pourrait être une bonne idée de partenariat, on avait bien accroché quand on s'était rencontré le gars et moi pour que je l'interroge pour mon dossier d'études, mais... Je sais pas, ce serait pas bizarre de le recontacter, alors que Logan ne me parle plus ?

Avec les semaines, j'arrive à dire ça sans avoir envie de chialer. Je crois que l'incident avec Moïra lors de la remise de diplôme m'a permis de me rendre compte que je n'étais vraiment qu'un pion. Et même si ça fait mal, même s'il est toujours là quelque part, c'est plus facile de passer au dessus maintenant.

— Bah.. c’est un contact comme un autre. Tu vas pas t’asseoir dessus parce que finalement vous n’êtes plus en contact. C’est de l’ordre du professionnel et t’aurais pu le trouver sur Internet et le contacter alors... non, c’est pas trop bizarre. Tu dois mettre toutes les chances de ton côté.

Je lui souris sincèrement avant de me décider à me redresser.

— Maman elle va gérer le côté juridique et tout ça, elle m’a dit ? C’est cool !

— C'est vrai que j'ai pas de compte à rendre ce qu'il se passe dans le privé. Je viens à lui de façon professionnelle et je vois ce qu'il en est ! Je vais faire ça. Je vais lui envoyer un mail ce soir en rentrant.

J'acquiesce quand il me parle de maman et ça me fait sourire.

— En fait ça va devenir l'association de la famille Saint-Clair, on va rien comprendre !

— Tu me diras la réponse !

Je rigole quand il dit que ça va devenir une entreprise Saint-Clair.

— Bah tu sais, si tu demandais à Marie d’aller lire dans les écoles ou les librairies, je suis sûr qu’elle serait aux anges !

— Tu crois ?

Ma réponse est tellement vive que je me surprends moi-même. En vérité, je me rends compte que l'idée de travailler tous ensemble me plairait vraiment beaucoup. En dehors de ce qu'on fait à la Paroisse, j'entends.

— J'ai trouvé des stages de Lecteurs Publics sur Londres, je pensais m'y inscrire pour une session, histoire de savoir où je vais et pouvoir faire ça au mieux pour les enfants. Et les plus grands bien sûr ! Mais si Marie pouvait me filer des coups de mains, ce serait génial... Attends ! Je lui envoie un message !

Je souris. Je trouve ça génial qu’il nous trouve tous un poste dans son association.

— Et papa ? Il ferait quoi ?

Je réfléchis quelques secondes. Notre père est sans doute celui de nous tous qui est le plus occupé, si on ne compte pas les filles de ma sœur.

— Tu crois qu'il pourrait s'occuper du van ? Dans les financements que j'envisage, je pensais à un van pour non seulement le transport des bouquins, mais pour y installer une sorte de petite bibliothèque ambulante pour le besoin. Il faudrait quelque chose qui claque, qui marque les esprits ! Papa pourrait m'aider à aménager tout ça, intérieur comme extérieur ! Et Max pourrait peut être nous créer une identité visuelle en plus, qui sait !

— Ah ouais mais carrément !! La Paulo mobile !

Je dis avant d’éclater de rire.

— Il va certainement dire « quoi ? Mon fils s’interesse aux voitures ???? » et ce sera trop marrant. Mais je suis sûr qu’il sera content. Tout le monde va être fier de toi !

J'eclate de rire lorsqu'il parle de Polo mobile. Mon petit frère est génial, au cas où je n'avais pas encore remarqué.

— Il va vite déchanter de mon amour des bolides quand il va comprendre pour quoi elle va servir.

J'imagine papa lever les yeux au ciel, comme si en fait, c'était évident.

— J'espère... Je fais pas ça pour ça, au contraire. Mais c'est toujours valorisant pour quelqu'un comme moi de savoir que ça touche les gens que j'aime.

— Quelqu’un comme toi ? Ça veut dire quoi ?

— Bah quelqu'un qui n'a aucune confiance en lui...

Je hausse les épaules, comme si c'était évident.

— Clairement, je pourrais y croire comme jamais, si l'un de vous venait à me dire que l'idée est pourrie, je baisserai les bras en me disant que j'ai juste eu une énième idée de merde.

— Mais Adam... on est tous hyper fier de toi, tout le temps. Depuis quand t’as pas confiance en toi dans les études ? Ça va pas... ?

Je m’inquiète parce que je sais qu’il n’a pas confiance en lui en amour, en société ou n’importe où ailleurs que dans les études. Les études, c’est son truc, il sait où il va. Je l’admire pour ça.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— Dans les études ça va ! Je sais que je suis doué et que je suis bon dans ce que je fais ! Mais là c'est pas aussi concret, j'ai pas toutes les bases nécessaires, ni la certitude d'aller là où je dois être !

Je soupire, parce que je sais pertinemment que je me bloque tout seul.

— Et puis j'ai peur de me planter tout le temps en ce moment. Peur de décevoir, de mal faire, d'être pris pour un con.

— C’est pas avec ta famille que tu pourrais être pris pour un con ou décevoir. Fin t’aurais voulu monter une association pour sauver les saumons qu’on aurait été derrière toi... bon ce projet là est mieux alors ça me soulage mais...

Je lui souris.

— T’as tout pour réussir. Les contacts et l’aide de maman. Puis ta belle famille bobo là, ils vont promouvoir ça auprès de leurs amis riches qui vont faire des dons et hop.. ça va partir. Tu sais ce que tu fais, Adam. Alors fais-le. Et si c’est nul, si ça fonctionne pas.. bah tant pis. Nous on n’aura pas honte de toi, et on te soutiendra toujours dans tous tes projets. C’est ça, la famille.

Je lui fais un câlin, je m'en fous s'il n'en veux pas, et je reste là autour de lui quelques secondes.

— Je veux pas me planter là dessus. Ça me tiens tellement à cœur que je me mets une pression folle ! Et c'est encore pire que ce soit parce qu'une part de tout ça, c'est de l'inconnu ! Tout seul je ne pourrais pas réussir, tu vois ? Sans vous, je serai toujours à réfléchir sur la façon dont m'y prendre.T'avais raison, vous êtes là meilleure famille du monde !

— Bah ouais... bien sûr qu’on est la meilleure famille du monde. Alors on va faire cette association en famille et tu vas pouvoir être vraiment fier de tout ça !

Je me détache de lui avant qu’il m’étouffe.

— J’ai hâte que tu t’y mettes !

— J'ai envie de me lancer ! Demain je peux venir avec Moon ET avec des idées pour que tu puisses jeter un œil et me donner ton avis ?

Je sais que Gabriel est honnête et n'aura pas peur de me froisser. Et son expérience avec les enfants est significatives. Et puis s'il me disait de sauter d'un pont je le ferais, alors.

Je hoche la tête.

— D’accord, oui. Il faut que ça devienne concret, là. Sinon avec les examens tu vas galérer.