This is where used to be my happy place.

Aujourd’hui, je rentre tard de la salle. On a eu quelques soucis administratifs et j’admets à contre-coeur que c’est avec soulagement que je me suis proposé pour être celui qui resterait.

Depuis ma conversation avec Charlie, je n’arrête pas de me remettre en question parce que je me demande ce qui pousse Adam à me rejeter comme ça. C’est certainement inconscient mais je réalise que j’en souffre, qu’on était heureux avant les jumeaux, avant d’avoir la garde d’Olivia et que c’était tout ce qu’il avait toujours voulu : des enfants. J’étais un moyen parmi tant d’autres d’en obtenir. Mais je devais lui plaire malgré tout alors qu’est-ce qui a changé ? Mon accident, sans doute. Il m’a vu dans des états laborieux et il sait ce qui l’attend, c’est peu attrayant. Surtout que j’ai eu particulièrement mal aujourd’hui et que je peine à rentrer à vélo. Je vieillis et il le voit. Je sens que j’ai de nouveau des idées noires alors que je ne suis pas allée voir mon psy depuis quelques semaines. Il y a des jours où c’est plus difficile que d’autres.

Quand je pose mes clés dans l’entrée, je n’ai qu’une envie, aller me coucher. J’ai les traits tirés et même une douche me semble être le bout du monde. Je n’arrive même pas à me baisser pour caresser Poisson.

Je ressasse en permanence depuis notre discussion avec Gabriel. J'ai envie de montrer à Logan que je suis toujours aussi fou amoureux de lui, mais je sais aussi que je ne peux pas changer de comportement du jour au lendemain. Déjà, parce que j'en serai incapable, et surtout parce que Logan croirait que ce n'est pas sincère. C'est la dernière chose à laquelle je veux qu'il pense.

Il est tard quand il rentre de la boxe, beaucoup plus que d'habitude, et je n'ai pas eu un seul message de sa part pour m'en prévenir. Ça ne m'aurait pas choqué la semaine dernière, alors qu'il y a un an, j'en aurais vomis à me demander ce qui avait pu lui arriver. Ça me peine de m'en rendre compte.

Mais qu'importe, je pose le manuscrit que je lis sur la table de chevet et je sors de la chambre en vitesse pour le retrouver. Je suis inquiet et ça suffit à me guider pour le moment.

— Mon cœur, ça va ?

Je demande, avant de lire sur son visage que ce n'est pas le cas. Il est tout crispé et je n'attends pas qu'il me réponde pour venir passer mon bras autour de sa taille.

— Le retour a été douloureux ? C'est la boxe ?

Je demande non sans marcher sur des coquilles d'oeufs.

Quand il me prend dans ses bras, la douleur me fait me crisper. C’est douloureux à m’en arracher les cheveux.

— Je crois pas. Un faux mouvement, sans doute.

J’ai la sensation que mes os frottent entre eux et c’est presque insupportable.

— Je vais aller me coucher. Je pense que je vais devoir songer à me déplacer en voiture.

— Si c'est la meilleure solution, alors n'hésites pas. Fallait m'appeler, je serai venu te chercher...

Et en même temps, il ne prévient déjà pas qu'il rentre tard, je suppose que c'est pas pour m'appeler après. Ça me peine de le voir autant souffrir et de voir de mes propres yeux que ça ne va même plus entre nous...

— Tu veux pas que je te fasse couler un bain avant ? Ça pourrait t'aider à te détendre un peu et soulager tes muscles.

Je secoue la tête et je dépose un baiser sur son front.

— Rien que d’imaginer enjamber la baignoire, ça me fait mal.

Je dis avec un sourire.

Je grimace, alors que je pense ne même pas pouvoir imaginer à quel point il a mal.

— Alors c'est parti. Une bonne nuit de sommeil sera le meilleur remède à tout ça ! Je t'apporte tes cachets et un verre d'eau.

Avant de le lâcher j'embrasse ses lèvres et je m'attarde plus longtemps que d'habitude, comme si je ressentais enfin le manque de simplement être proche de lui.

— Ou tu veux un peu d'aide ?

Je demande sans trop insister non plus, qu'il ne se sente pas réduit à cela.

Quand il me propose de l’aide, c’est un soulagement.

— Je veux bien, merci.

Le fait d’être rentré m’a rassuré assez pour que la douleur attire plus mon attention maintenant. Je crois que j’ai déjà eu plus mal, c’est même évident, mais c’est un bon 7,5. Voire même un 8.

Il me conduit jusqu’à la chambre, m’aide à m’allonger sans que je ne fasse d’effort et même si je vois qu’il a un peu perdu l’habitude, parce qu’il est presque essoufflé, il a toujours les bons gestes et le soucis de bien faire. Il retire mes chaussures et au moment de retirer mon jogging, je finis par secouer la tête.

— Après le médicament.

Finalement, c’est peut-être un 9.

— Tu travailles demain ?

Je grimace quand il me demande d'abord son médicament. C'est pas seulement mauvais signe...

— On va un peu plus loin que le faux mouvement là. Si demain t'as encore mal, on appelle ton kiné, ok ?

Je serre sa main dans la mienne avant de me lever.

— Oh et non, je travaille pas demain. J'ai posé ma journée, ça faisait longtemps et je me disais qu'on pourrait enfin aller voir pour les meubles dont on parle depuis une éternité. Mais rester ici à prendre soin de mon mari, ça peut m'aller aussi comme programme.

Je lui souris avant de foncer chercher ses médicaments.

Je souris parce que je sais qu’il sera bien assez occupé avec les enfants demain, comme chaque fois qu’il prend une journée. Je crois qu’avant j’aurais été au courant depuis des semaines et maintenant, il pourrait prendre des journées et prétendre aller travailler que je ne m’en rendrais pas compte.

Je prends le médicament qu’il me ramène. Je reconnais à sa forme que c’est le plus fort.

— Je pense plutôt qu’il faut que j’aille faire un scanner. Peut-être que j’ai besoin d’injections.

— Je les appelle dès que je me lève et on voit ce qu'ils me disent.

Et c'est là que je comprends. J'ai une montée d'angoisse a l'idée d'emmener tous les enfants là-bas, j'ai pas envie de déranger ma mère une énième fois et je ne crois pas que je me sente capable de les laisser à Romie, que je ne connais que depuis quelques jours. Avant de parler avec Gabriel, j'aurais trouvé ça normal d'appeler une ambulance et de laisser Logan y aller seul. Alors qu'avant d'avoir des enfants, je n'aurais même pas envisagé une seconde de ne pas pouvoir être là.

— T'as besoin de quelque chose d'autres ? Coussin ? Bouffe ? Tu veux manger un truc quand même ?

— Je ferai venir une voiture, je sais qu’ils vont me dire de me déplacer pour des examens.

Lui aussi, il le sait. Ce n’est pas la première fois qu’on fait appel à une ambulance. J’aurais préféré passer ma journée avec eux mais j’attendrais ce week-end. Je réalise qu’Adam ne m’accompagne plus depuis longtemps et que j’ai déjà passé des journées complètes seul à l’hôpital sans qu’il ne prenne de nouvelle parce qu’il court partout avec les enfants. Je me demande quand est-ce qu’il a trouvé normal d’attendre que je sois rentré pour s’intéresser à ce qu’il se passe, quand est-ce que j’ai commencé à minimiser les choses et à moins lui parler.

— J’ai pas très faim, ça va. Je vais juste dormir un peu.

Je le sais aussi, malheureusement. Et j'ai vraiment été très égoïste sur plein de choses. A tel point que tout en me sachant en repos, Logan songe directement à prendre une ambulance. Quel mari aimant et attentionné je suis.

— Même pas un peu de chaud ? Ça peut pas te faire du bien même en dormant ?

Je demande comme si trouver quelque chose pour le calmer allait me faire devenir meilleur, alors que j'aurais du m'inquiéter de tout ceci bien avant.

— Tu me dis quand c'est bon, pour le jogging.

Comme il insiste et que je n’ai pas envie qu’il se sente inutile, je capitule.

— Je veux bien une infusion.

Je souris, parce que je peux voir sur son visage qu'il dit oui juste pour me faire plaisir. Je vois ce que Gabriel voulait dire quand il parlait de faire plaisir à l'autre juste pour qu'il soit heureux. Ça peut être avec une chose aussi simple que ça alors...

— Je vais te faire ça.

Je l'embrasse avec douceur sur le front avant de filer en cuisine. J'ai l'impression d'être un débile qui ne sait pas s'y prendre avec l'homme qu'il a épousé. Merde, j'ai bien réussi à le séduire un minimum, alors c'est bien que je sais le faire, non ?

J’en profite qu’il soit dans la cuisine pour m’installer un peu plus confortablement. Tellement confortablement qu’il ne m’en faut pas plus pour m’endormir sans le voir venir.

Quand je reviens dans la chambre avec son infusion et un thé, je le retrouve déjà endormi et ça me fait sourire. Au moins, en dormant, il n'a plus mal et ça ne peut que lui faire du bien. Je lui retire son jogging délicatement pour qu'il soit plus à l'aise et je me rends compte que même son corps, je ne le connais plus vraiment. C'est toujours lui, toujours le même, mais avant je savais la moindre bosse sur sa peau. Avant que j'oublie qu'un couple a besoin d'exister aussi.

Je le recouvre de la couette avant de repartir dans le salon et de m'installer dans le canapé avec mon portable.

De Adam à Maman.
Coucou maman ! Dis, je sais que c'est à la dernière minute et que je te prends de cours, mais est-ce que tu pourrais me garder les enfants demain ? Je sais pas trop combien de temps, je t'avoue. Logan a besoin d'aller passer des examens, toujours à cause de sa hanche, et j'aimerais qu'il ne se retrouve pas une fois de plus a y aller tout seul. Si jamais tu peux pas, je le débrouillerais. Bisous ! X,

Je suis réveillé par Olivia ; elle est sur le point de partir à l’école. Je ne sais pas combien de temps j’ai dormi mais normalement, j’entends quand même le réveil.

— Il est où papou ? Les jumeaux ?
— Prêts en voiture ! Ils vont chez mamie parce que t’es malade et qu’il faut s’occuper de toi.

Je suis un peu confus.

— Je devais pas te réveiller parce que tu devais dormir jusqu’à le retour de papou mais je voulais un bisou et te donner du courage.

Je lui souris.

— Je ferai semblant de dormir encore alors. File, tu vas être en retard !

Je lui fais un énorme bisou avant qu’elle ne parte en courant avec son petit sac sur le dos.

Quand Olivia arrive en courant, je ne peux pas m'empêcher de rigoler. On dirait un petit faon et avec son sac presque trop grand pour elle, c'est encore plus attendrissant. Je comprends à sa façon de m'affirmer que Logan dort encore qu'elle l'a sans doute réveiller, mais je trouve ça mignon alors je ne dis rien.

Je la dépose à l'école, j'ai droit à un énorme câlin et je lui rappelle que si c'est mamie qui vient la chercher ce soir, c'est qu'on n'est pas encore rentré du docteur avec son père. Je rejoins sa mamie dans la foulée et aussitôt, ma mère prends le relais avec les jumeaux.

— Alors Logan ? Ça va ?
— Je ne crois pas... Il n'était vraiment pas dans un bel état hier soir, ça faisait une éternité que je ne l'avais pas aidé à se coucher.

Je crois surtout que je ne faisais même plus attention à cela, mais devant ma mère je ne vais pas en parler.

— Tu as eu raison de me demander pour les jumeaux, c'est mieux qu'il ne soit pas tout seul.
— Ça va lui éviter de prendre une ambulance aussi. Bref, je file voir s'il va mieux. Encore merci maman ! Ils ont mangés ce matin, et ils sont déjà réveillés depuis plus de deux heures. Donc si tu veux les coucher n'hésites pas. Bisou ! Merci !

Et je repars très vite, après avoir fais un bisou a mes deux amours. Aujourd'hui, je m'occupe de l'autre amour de ma vie, et ça faisait très longtemps que ce n'était pas arrivé.

— Logan ?

J'appelle en rentrant, ne sachant pas s'il s'est levé ou rendormi après notre départ.

J’ai somnolé un peu avant d’essayer de me lever ; sans succès. Ce matin, à froid, c’est pire qu’hier. La douleur qui me prend me lance jusque dans la cheville et j’ai la sensation que les morceaux d’os qui se baladent encore s’effritent entre eux. C’est une sensation fortement désagréable.

— Je suis réveillé.

Je suis soulagé de l’entendre. J’ai besoin d’aller aux toilettes et je n’ai pas envie d’attendre l’ambulance comme la dernière fois, c’était assez gênant comme ça.

— Les petits sont pas là ?

Il est encore dans le lit quand je rentre et je lui souris. J'espère que c'est juste parce qu'il est fatigué, mais la part rationnelle en moi sait que c'est parce qu'il a toujours aussi mal, si ce n'est plus.

— Ils sont chez mes parents, ma mère les garde pour la journée Je sais que c'est pas la sortie rêvée, mais quitte à être en repos, je me suis dit que ce serait mieux que je puisse t'accompagner à l'hôpital, plutôt que de te laisser y aller tout seul.

Je m'approche doucement et embrasse ses lèvres en m'asseyant auprès de lui.

— Tu te sens mieux ?

Je le regarde un moment sans rien dire, vraiment surpris par son annonce. Je ne sais pas comment réagir mais le soulagement que je ressens me donne presque envie de pleurer. J’essaie de ne pas paraître trop bouleversé mais c’est difficile.

— Merci, mon bébé.

Je réponds longuement à son baiser.

— Faut que j’aille aux toilettes. Ça va pas du tout là. Je pense que j’ai besoin de mes béquilles.

Comment est-ce qu'on a pu en arriver à un point où le fait de l'accompagner à l'hôpital vaille un merci et autant de sincérité dans ses yeux ? J'ai passé des journées entières là-bas avec lui, des semaines a m'occuper de tout quand on était encore à l'appartement et tout ça pour cela ? Non, non. Et non.

— Y'a vraiment pas de quoi.

Je me détache de lui dès qu'il me parle des douleurs et je vais chercher ses béquilles. Qui ne sont absolument pas où elles étaient avant. Et que je ne vois nulle part. Le rouge me monte aux joues, de honte, quand je prends conscience qu'il a du les changer de place pour y avoir accès quand il allait a l'hôpital en devant se débrouiller par lui-même.

— Elles sont rangées où ? Tes béquilles...

Quand Adam revient, rouge de honte, je m’en veux d’avoir oublié de lui préciser que je les avais changé de place. Avant elles étaient là-haut dans un placard où ça ne prenait aucune place, mais j’ai dû me débrouiller seul plusieurs fois et j’ai fini par les laisser en bas.

— Elles sont dans le placard du bureaux, en bas. J’arrivais pas à les récupérer là-haut.

J’ai dû envoyer l’un des ambulanciers, une fois.

Je ressors aussitôt pour aller lui chercher et je me gifle mentalement. J'ai l'impression que je vais découvrir mille choses sur lesquelles je n'ai pas agis comme je l'aurais souhaité et c'est hors de question que je réagisse comme ça à chaque fois. J'ai merdé, je n'ai pas été un bon mari, à moi maintenant de montrer que je suis là, que ce n'était qu'une mauvaise période et qu'on peut se retrouver tous les deux. Il m'aime toujours quand même un peu, forcément...

— C'est bon, j'ai !

Je reviens au pas de courses dans la chambre et je vois son visage complètement crispé quand je lui donne les béquilles.

— On se lève ensemble, ok ?

Je propose en me positionnant pour qu'il prenne appuie sur moi. Combien de fois on a pu le faire, avant...

Je secoue la tête en prenant appui sur lui ; je n’ai pas d’autre choix que d’espérer qu’il supportera encore mon poids.

— Non, pas ensemble. Toi tu me relèves... une fois avec les béquilles ça ira. Mais là..

Puis si je prends des médicaments et que j’attends ue ça fasse effet, je vais me pisser dessus.