Islande

On discute tout en mangeant. On a enfin trouvé nos voies tous les deux, et ça a quelque chose d'apaisant. J'ai l'impression qu'on trouve doucement notre équilibre dans la vie, et on le trouve ensemble. Je vois un homme d'une quarantaine d'années s'approcher de nous. Il se penche vers Gabriel, un peu trop prêt à mon goût.

- Gabriel ! Je savais que c'était toi !

Je sursaute quand quelqu’un d’autre qu’Austin m’appelle.

— Euh.... salut ?

Puis je percute.

— Rob.. ? C’est ça ?

Une main appuyée sur la table, il se penche un peu plus vers Gabriel.

— C'est ça !

Il lui fait un sourire étincelant et un clin d'oeil. Je fronce les sourcils.

— Qu'est-ce que tu fais là ? Je ne m'attendais vraiment pas à te retrouver en Islande.

Il pose enfin les yeux sur moi mais à peine une seconde.

— Voyage entre amis ?

Ce n'est pas mon habitude mais c'est plus fort que moi, j'interviens.

— Petit ami, voyage en couple. Je suis son petit ami.

Il n’a pas changé. Il sait qu’il est séduisant et il agit toujours en conséquence. Je lui souris.

— J’aime les pays froids, tu le sais. Je te présente Austin, mon petit ami. Qu’est-ce que tu fais là ?

Même si c'est presque imperceptible, je vois son regard changer quand Gabriel lui dit que je suis son petit ami.

— Toi en couple ? Alors là c'est une surprise ! Je suis là pour affaires, vous êtes dans quel hôtel ?

— Tout change.

Je dis en souriant.

— On est dans un hôtel pas loin. Très sympa. J’espère que ton déplacement va bien se passer alors. C’était sympa de te revoir.

— Enfin, certaines choses ne changent jamais.

Il dit avec un sourire pervers qui me fait serrer le poing sous la table. Je suis soulagé quand Gabriel ne lui donne pas notre hôtel.

— On peut se revoir avant que je parte.

Il lui fait un clin d'oeil et s'éloigne avant qu'on ait le temps de réagir. Je regarde ce qu'il a posé devant Gabriel.

— Attends, je rêve ou c'est sa carte là ?

— Tu rêves pas, c’est sa carte.

Je dis dans un soupir.

— Je suis désolé. C’est comme ça qu’on fonctionnait. Il venait souvent à l’hôtel à White Falls.

— Ne t'excuse pas.

Je dis sincèrement, c'est son passé et il lui appartient.

— Comment tu l'as rencontré ?

— Dans le bar de son hôtel. J’allais parfois là-bas pour rencontrer des gens.

— Il a l'air vraiment arrogant.

Je ne peux pas m'empêcher de dire, même si je ne devrais pas juger, mais il m'a vraiment agacé.

— C’est un genre qu’il se donne. Il est pas si pénible que ça !

Je dis avec un pâle sourire.

— Je préfère garder une mauvaise image de lui si ça ne t'ennuie pas.

Je dis avec un petit sourire, car je ne le sens vraiment pas cet homme.

Je souris doucement.

— T’es jaloux... ? C’est à ça que ça ressemble ?

— Quoi ?

Je fronce les sourcils.

— Non ! Ce n'est pas mon genre, tu le sais. Je ne suis pas jaloux.

— Ah. J’croyais.

Au fond, j’aurais bien aimé qu’il le soit un peu. Ça aurait fait du bien à mon égo. Quand le serveur arrive avec nos plats, j’affiche un large sourire. On n’a pas pris la même chose pour pouvoir goûter plusieurs plats.

- C'est un abruti.

Je dis sans pouvoir le contrôler. Je regarde autour de nous mais il est parti et tant mieux. Ce comportement était vraiment déplacé.

- Il t'a allumé devant moi.

— Je sais, je suis désolé. J’vais pas te tromper avec lui, c’est promis.

On s’éloigne pour penser à autre chose mais la personne dégueulasse que je suis traîne ses casseroles jusqu’en Islande. C’est l’horreur.

— Ça m’a même pas allumé, d’façon.

— Quoi ? Non !

Je prends immédiatement sa main par dessus la table.

— Non, non. Je n'ai pas pensé à ça une seule seconde. C'est juste lui, et moi qui suis, peut être, d'accord, un peu jaloux.

Beaucoup.

Je souris faiblement. J’ai toujours peur que ça lui traverse l’esprit. Toujours peur qu’il ne me fasse plus confiance comme avant. Parce que c’est normal de douter de moi. Même moi, je doute de moi.

— Il est beau, c’est vrai. Mais toi tu l’es bien plus. Et t’es charmant et attirant et t’as un million de qualité en plus que lui. Il t’arrive pas à la cheville.

Je dis avec un petit sourire.

— Tu veux gouter mon plat ? Homme de ma vie ?

Je rougis quand il me dit tout ça. Par moment j'ai encore du mal à réaliser qu'il peut ressentir tout ça pour moi. Comme si ce n'était pas réel.

— Comment refuser ?

Je dis en me penchant pour mettre dans ma bouche la fourchette qu'il me tend.

— C'est vraiment bon.

Je lui fais gouter mon plat à mon tour.

Et j'efface de ma tête ce crétin qui est sorti de nul part.

— Je ne regrette pas d’être venu. J’ai failli à cause de l’autre là, mais en fait c’est vraiment bon.

Je dis avec un sourire. C’est fou comme je l’aime et comme j’ai en même temps l’impression d’être sur le fil du rasoir. J’ai peur Ûil réalise. À la fac, il va rencontrer des gens de son âge, qui ont les mêmes passions que lui. C’est pas comme en médecine où tout le monde se marche dessus. C’est différent le social. Je soupire.

— Je t’aime tellement.

Son je t'aime et son soupire sont tellement sincères, qu'ils me bouleversent autant qu'ils m'inquiètent.

— Moi aussi je t'aime, mais qu'est ce qu'il se passe ?

Je hausse les épaules.

— J’en sais rien. Parfois je réalise que je t’aime tellement que j’ai peur que tu partes. Alors je te le dis pour que tu t’en souviennes. Tu vois. Au cas où tu oublies. Au cas où t’aurais envie de plus m’aimer, j’en sais rien. J’te le rappelle. Je t’aime.

Derrière ses mots je réalise que c'est vraiment une peur qu'il a que je m'en aille. Bien sûr que j'ai peur de le perdre moi aussi, je crois que tous les couples ont peur de ça. Mais lui j'ai l'impression que c'est plus que ça.

— On est un couple solide mon coeur et je n'ai pas envie de partir un jour, et encore moins de ne plus t'aimer. C'est impossible ça.