Please, don’t leave me alone — Austin

— Ah ouais ? J’ai hâte de manger ça ! Mais il est où mon câlin ?

Elle sourit en grand, avec ses dents en moins et elle se jette sur lui. Je souris attendri en sortant les derniers pancakes de la poêle. Je sers trois verres de jus d'orange.

— C'est prêt !

Je fais un énorme câlin à Darcy avant de me lever pour aller manger. Je l’installe sur une chaise et je prends place également. Elle n’a pas l’air si fatiguée que ça.

— Ils ont l’air bon ! Bon appétit !

Si eux déjeune avec appétit, moi je grignote. Darcy fait la conversation à elle toute seule. Ça aussi c'est quelque chose qui a changé depuis qu'on ne vit plus chez notre mère. Avant c'était une enfant discrète qui ne parlait presque jamais. Même quand elle était chez les Saint-Clair. Mais maintenant c'est une vraie pipelette. J'aime la voir comme ça, elle parle à toute vitesse, d'une histoire de crayons et de cheveux tirés. Je l'arrête et fronce les sourcils.

— Il y a une fille à l'école qui te tire les cheveux ?

Elle hausse les épaules et croque dans son pancake.

— Des fois mais ça fait pas mal alors c'est pas grave.

Je regarde Gabriel plusieurs secondes.

— Et elle te pique tes crayons ?

Je sais que Madeleine avait dû lui en racheter plusieurs fois, parce qu'elle les perdaient.

— Darcy, faut pas te laisser faire, ma belle. C’est pas parce que ça fait pas mal ou que tu penses que c’est pas grave qu’elle a le droit de le faire. C’est interdit de faire mal à ses camarades ou de leur voler des affaires.

Austin avait se problème là aussi. Mais je le défendais souvent et les gens l’embêtaient moins et cessaient de se moquer.

Réaliser qu'elle subissait ça elle aussi me retourne le ventre. Moi j'avais Gabriel qui me défendait et contrairement à Darcy, j'étais un petit garçon solitaire. Mais ma soeur elle a besoin d'avoir des amies, elle n'aime pas être toute seule.

— Comme s'appelle la fille qui t'embête à l'école ?

Je demande doucement, mais elle hausse les épaules parce qu'elle veut pas me dire.

— Gabriel a raison tu sais ? Elle n'a pas le droit de te voler tes affaires ou t'embêter. Il faut que tu le dises à la maitresse quand ça t'arrive.

Elle ouvre de grands yeux.

— Mais si je le dis on va me dire que je suis rapporteuse !

— Si tu ne le dis pas, il faut lui demander d’arrêter... Tu veux que j’aille la voir à la sortie de l’école ? Elle ne t’embête pas quand t’es avec tes copines au moins ?

Elle baisse les yeux.

— Mes copines elles sont pas dans ma classe.

Je regarde Gabriel plusieurs secondes et je sais qu'on pense à la même chose.

— Alors on va demander à la directrice de te mettre dans la même classe que tes copines.

Elle relève vivement les yeux vers nous.

— Pour de vrai ?

J’acquiesce.

— Bien sûr que oui ! Pourquoi t’as pas demandé à maman ? Elle va directement lui demander et tu seras dans leur classe à nouveau !

Je m'apprête à dire que je vais m'en occuper, mais je réalise que je n'ai plus ce pouvoir. À l'époque de ma mère c'était moi qui m'occupait de tout, mais maintenant que les Saint Clair sont devenus nos tuteurs, l'école s'adresse à eux. Ça me fait un pincement au coeur mais je n'en montre rien. Darcy semble vraiment heureuse. Elle dit que c'est trop bien, qu'elle veut retrouver ses copines.

— Juste après t'avoir déposée à l'école j'irai voir Madeleine, comme ça elle demandera dès ce soir.

Elle est tellement contente, qu'elle enfourne un pancake entier dans sa bouche et se relève pour me prendre la main.

— On y va, on y va, on y va.

Je ne peux pas m'empêcher de rire.

— Va t'habiller, je te rejoins dans cinq minutes.

Elle part comme une flèche, suivie de Balthazar. Quand on se retrouve seul avec Gabriel, je perds un peu sourire.

— Je ne savais pas qu'on l'embêtait à l'école.

Je m’approche pour le prendre dans mes bras et lui faire un câlin.

— C’est rien. Elle nous l’a dit, on va régler ça et ça ira mieux. Heureusement qu’on veut pas d’enfants, hein. Tu serais rongé par l’inquiétude.

Il me prend dans ses bras et si au début il me rassure. Je reste silencieux face à ses deux dernières phrases.

Il n’a aucune réaction alors je me détache un peu de lui.

— Qu’est-ce qu’il y a... ?

Il se recule un peu, je secoue la tête et j'embrasse ses lèvres.

— Tout va bien, ne t'inquiète pas.

Darcy m'appelle de la salle de bain pour que je lui fasse des tresses à ses cheveux. Je fais un petit sourire d'excuse à Gabriel.

— J'arrive.

Je la rejoins dans la salle de bain et la coiffe.

Je vois bien qu’il ment, mais je n’insiste pas. Je retourne dans la cuisine pour ranger le petit déjeuner pendant qu’il termine de préparer sa sœur.