You are my sunshine, my only sunshine. — Austin & Gabriel

J'aimerais réussir à emmener la conversation entre eux, alors j'essai.

— Oui, elle y va tous les samedis. D'ailleurs, Gabi et moi on vient toujours installer les décorations ce week-end ?

Je me retiens de soupirer, Paul est dur avec lui, surtout que j'étais là moi cette semaine, j'ai vu comment il était malheureux que Gabriel ne soit pas là. Au moment où il se relève, mon portable sonne. Je fronce les sourcils.

— C'est Marie.

C'est rare quand elle m'appelle. Je décroche immédiatement. Elle parle vite.

— J'arrive tout de suite.

Je raccroche, je suis déjà debout.

— Darcy n'arrête pas de pleurer, je vais la chercher.

— Tu veux que je vienne ?

Je demande tout de suite, mais mon père s'interpose.

— Certainement pas, ce sera l'occasion de parler.
— Trop cool.

Je m'apprête à dire oui, mais son père ne m'en laisse pas le temps. Alors je pars rapidement car ma soeur a besoin de moi. Ça lui arrive de temps en temps de se mettre à pleurer, ça peut durer pendant des heures, et sans aucune raison apparente. Sauf que moi je sais qu'elle a des raisons, cette vie. Elle est petite, elle n'a pas de père et tout juste une mère, qu'elle voit ivre presque tous les jours. J'essaie de la protéger et la préserver le plus que je peux, mais ce n'est pas facile. Ces pleurs, ils arrivent de plus en plus souvent en ce moment et ça me fait mal au coeur.

J'arrive rapidement chez Marie, elle est assise dans le canapé avec Darcy dans ses bras qui pleure toujours.

— Je n'arrive pas à la calmer, je ne sais pas ce qu'elle a, elle ne dit rien.
— Je sais.

Je dis en prenant Darcy dans mes bras.

— Hey ma puce... Ça va aller.

Je dis à Marie.

— Merci beaucoup.

Je récupère Darcy, et on s'en va. Je l'installe contre moi dans ma voiture, je la berce, je la rassure. Je lui chante L'araignée Gipsy. C'est la chanson que je lui chantais pour l'endormir quand elle était bébé et au bout d'une heure qui me semble être une éternité elle se calme enfin.

— Tu veux aller boire un chocolat chaud ?

Elle hoche la tête, ses joues rosies, ses yeux rouges et son nez tout gonflé. J'envoie un message à Gabriel.

SMS : Chocolat chaud avec Darcy et moi ? Je passe te chercher ou tu discutes encore avec ton père ?

— Gabi va venir avec nous.

Je vois qu'elle est fatiguée, mais quand elle est triste comme ça, j'essaie toujours de la réconforter comme je peux. Je l'installe avec Nounours contre elle, je l'attache correctement. Quand on arrive devant les Saint-Clair et que Gabriel monte dans la voiture, elle se blottit contre lui.

— Merci...

Elle prend le cookie et le grignote en se serrant contre lui, je vois que par moment ses yeux brillent à nouveaux, mais elle ne pleure plus. Je fais une mimique triste à Gabriel.

— Après.

Je murmure du bout des lèvres aussi, je lui fais comprendre que je lui raconterai quand elle dormira. Je démarre, elle somnole déjà dans ses bras.

— Darcy, mon coeur.

Je crois qu'elle sait ce que j'avais dire car elle secoue la tête.

— Pas fatiguée.

Je caresse ses cheveux.

— D'accord.

Et elle lutte pendant tous le trajet pour pas s'endormir, elle suce son pouce. Quand on arrive, je la porte. On commande trois chocolats chauds et on s'installe sur une banquette, je la garde contre moi, sur mes genoux.

— J'ai pas fait de bêtise...

Elle dit à Gabriel.

— Je pourrais toujours venir chez Marie ?...

— Bien sûr, oui. Tu sais, Marie elle t'aime beaucoup. Puis tu t'amuses bien avec Séphora et Salomé alors y a pas de raison que tu ne puisses pas revenir.

Je dis pour la rassurer. Je continue à penser que si ma mère devenait sa tutrice, elle n'aurait pas tous ses problèmes parce qu'elle aurait une vie stable, chez mes parents, et qu'elle serait loin de tous ces problèmes d'adulte.

La réponse a l'air de la rassurer, elle ne parle pas beaucoup et touche à peine à son chocolat. Elle tombe de fatigue contre moi, et au bout d'une dizaine de minutes elle s'endort totalement. Je m'enfonce un peu plus dans la banquette pour qu'elle soit mieux installer. J'enlève les cheveux qui collent à son front.

— Elle ne va pas bien.

Je dis en la regardant toujours.

Je secoue la tête.

— Non.

Je relève les yeux vers lui.

— Avec tout ce qu'elle vit, je crois que je devrais l'emmener voir un psychologue.

Ma gorge se serre, je mets du temps à répondre et quand j'arrive à le faire, c'est sans le regarder.

— Parce que j'ai peur qu'ils me l'enlève.

— Avec ma mère ?

Je lève les yeux au ciel.

— Y a personne qui t'enlèvera Darcy. Suffit juste que ta mère signe des papiers et qu'elle confie la tutelle à ma mère. Elles se connaissent depuis des années, ma mère allait te chercher chez toi quand t'étais bébé... elle lui confiera les yeux fermés si ma mère lui dit que c'est pour son bien. Je t'assure que ce serait mieux.

Lui, il a bientôt 18 ans, alors c'est pas nécessaire.

Il lève les yeux au ciel et c'est dur pour moi car il s'agit de ses parents.

— Je sais que ta mère ne m'enlèvera jamais Darcy, mais avoir sa tutelle veut dire être responsable d'elle jusqu'à la majorité. Si dans quelques années j'ai une bonne situation et que je veux la prendre avec moi, tes parents auront le droit de dire non. J'ai confiance en eux, mais ça me fait peur.

— Oui, c’est vrai. Mais tu imagines ma mère te dire non ? Franchement... je pense que tu devrais en parler avec eux. T’imagines que t’aurais simplement les bons côtés d’être grand frère et pas toute cette pression ? Pas de stress pour savoir où serait Darcy quand t’irais à la fac.

J'ai une boule dans le ventre, de parler de tout ça. Depuis toujours j'ai peur qu'on me prenne Darcy, que ce soit notre père qui l'enlève un jour, les services sociaux, ma mère. C'est elle qui m'a donné la force de me battre, je sais que sans ma petite soeur, j'aurais très mal tourné, j'en ai conscience. Si je ne suis plus responsable d'elle, j'aurais le sentiment de l'abandonner et ça je n'y arrive pas. Je préfère changer de sujet car ça devient trop dur.

— Et toi, comment ça s'est passé avec ton père ?

Son père est quelqu'un de très renfermé, il ne dit jamais ce qu'il ressent. Et encore, je crois qu'il s'est un peu détendu depuis qu'il est grand-père.

- Il te le dira pas, mais tu lui as manqué. Il a zonait dans la maison comme un zombi toute la semaine.

— Mais tu es parti et je crois que ça lui fait peur de savoir que tu en es capable.

Sans m'en rendre compte je ne parle plus de son père, mais de moi.

— Je comprends.

Et je suis sincère. Même si les Saint-Clair m'ont vu grandir et m'ont pratiquement élevé, je n'ai jamais eu à faire de choses comme ça. Mais Gabriel et moi on est différents, j'ai jamais fait de conneries. Je lâche un rire sans m'en rendre compte.