Quand la vie te donne des citrons, fais-en de la limonade — Adam & Logan

Aujourd’hui, on a un peu trainé dans l’église car Olivia a tenu à allumer un cierge pour Adam ; il a bientôt un entretien important et elle souhaitait lui apporter de la chance en plus. J’ai trouvé ça vraiment adorable de sa part. Je crois qu’Adam a été très touché également.

Quand on sort, encore quelques personnes traînent sur le parvis – la famille Saint-Clair au complet et quelques familles que je reconnais à force de venir ici.

— On vous rejoint chez vous ? On est à vélos !

J’annonce à Paul alors qu’on se dirige vers le poteau sur lequel nous avons cadenassé les vélos. Olivia monte dans sa petite charette et c’est à ce moment-là, quand je tends son casque à ma fille, que je vois sa mère traverser la route d’un pas déterminé.

— Putain mais c’est un gag.

Je marmonne à Adam.

— Tiens salut ! Quelle coïncidence !
— Nan mais tu ne vas pas me faire avaler tes conneries de coïncidence là.

Je réponds immédiatement. Pas de bonjour, pas de politesse. C’est inutile de faire semblant.

— Mais maman c’est pas l’heure !!

La voix d’Olivia est toute tremblante. Elle non plus, elle ne lui dit pas bonjour sous le coup de la panique.

— Mais je passais par-là alors je me suis dit qu’on pourrait aller manger une glace toutes les deux avant d’aller à l’aéroport.
— Mais non ! Moi je vais manger chez Madeleine et Paul ! J’ai pas envie de partir.

Elle se met à pleurer tout de suite en me suppliant de ne pas écouter sa journée avec nous.

— Mais non, ne t’inquiète pas, on ne change rien au programme.
— Comment ça ?!
— GABI ??

Je lui fais signe de venir. Ma main n’a pas lâché celle d’Adam et je le remercie intérieurement de ne pas s’en mêler devant Olivia. Gabriel arrive au pas de course avec son chien. Même à l’église, il emmène son chien.

— Ouais ?
— Tu peux ramener Livie chez vous avec mon vélo ?
— Mais carrément !! J’avais trop envie de la trainer avec ce truc c’est génial ! Balti regarde la balade que tu vas faire !!

Il ignore Moïra et fait un énorme câlin à Olivia avant de l’aider à mettre son casque, de l’attacher et de faire grimper Balthazar. En moins de deux minutes il s’éloigne avec ma fille pour aller prévenir Austin qui l’attendait près de sa voiture.

— Putain mais t’es cinglée ma parole !
— Moi ?? C’est toi qui t’affiche un gamin et qui traîne ma fille de force à l’église et c’est moi la cinglée ??

Si j'ai plusieurs fois failli dire à Logan que moi je pouvais la ramener, Olivia, j'ai tourné cent fois ma langue dans ma bouche pour ne pas le faire.

Malgré mon angoisse de me retrouver devant la personnification de Satan sur Terre, j'ai fini par supposer que si Logan ne l'avait pas proposé, c'est qu'il préférait que je sois avec lui. Et comme il n'a pas lâché ma main une seconde, je m'accroche encore et toujours à ça lorsque Moïra parle de moi comme si je n'étais même pas devant elle.

— C'est certain que c'est lui le parent qui a fait pleurer son enfant et qui crie devant un lieu sain comme s'il était sur le marché.

Je baisse les yeux des que je m'entends prononcer ces mots, parce que ce n'est pas à moi de les dire et que je sais par avance qu'elle ne me laissera pas la moindre occasion de m'imposer face à elle. Et je lui facilite les choses, timide et craintif comme je le suis.

— MA fille ne sait pas en encore ce qui est bien pour elle !

Elle s’emporte tout de suite.

— Puis t’es qui pour avoir un avis là-dessus, toi ? Espèce de briseur de ménage.
— C’est toi la briseuse de ménage. Si t’étais quelqu’un de fantastique, je ne serais pas aller voir ailleurs. Alors maintenant je sais pas ce que tu fais, mais tu auras Olivia quand ce sera l’heure. Pss avant.

Au moins, cette fois, elle s'adresse à moi sans passer par l'intermédiaire de Logan. Ça ne fait pas moins mal vu ses mots, mais ça m'évite de me sentir comme le vilain petit canard. L'entendre me demander qui je suis pour oser répondre me fait mal, surtout au vu du lien que je tisse avec Livie au fil de ses séjours ici. Au moins, Logan la remets suffisamment à sa place pour que j'ai le temps d'en placer une sans qu'elle ne hurle.

— C'est peut-être TON enfant, mais ça ne m'empêche pas de considérer Olivia comme un membre de NOTRE famille.

Et si j'insiste autant sur ce dernier pronom possessif, c'est pour lui montrer que même s'il elle me terrifie, nous sommes une unité tous ensemble et que c'est ça qui fait ma force face à elle. Je ne suis plus tout seul, comme le jour où elle m'a jeté mes affaires à la fac, mais j'ai Logan à mes côtés et ça change la donne a tout point de vue.

— Ouais. Mais ça ne fera jamais d’elle ta fille.
— Tais-toi, Moïra. Olivia est ta fille et quand elle t’a vu elle s’est mise à pleurer en espérant ne pas partir avec toi immédiatement. Ça en dit bien plus long que les liens du sang. T’as pas à être ici.
— J’ai des amis dans le coin.
— Qui, hein ? Qui ça ? Tous nos amis sont choqués de ce que tu as fait quand j’ai eu mon accident. La plupart de ne parle plus. Tes collègues aussi. C’est une petite ville et pas de chance pour toi, c’est de moi dont les gens ont eu pitié. T’as plus personne ici, à part Olivia. Et elle n’avait pas envie de te voir avant ce soir à l’aéroport. Et encore, étant donné les crises de larmes qu’elle fait avant de partir, y a de forte chance qu’elle n’ait pas du tout envie de rentrer.
— Tu dis n’importe quoi ! Elle est toujours contente de prendre l’avion.
— Pas de mon côté.
— Elle aime me retrouver !
— Pour que tu lui dis quoi ? Qu’elle est grosse ? Qu’elle mange n’importe quoi ? Qu’elle est bête ? Qu’elle n’a pas le droit de prier avant de manger, avant de dormir ? Pour quoi est-ce qu’elle aimerait te retrouver, hein ?

Bien sûr, elle ne répond pas.

— On va manger chez mes beaux-parents, comme tous les dimanches. Elle va jouer avec ses cousines, ses oncles et tantes, comme tous les dimanches. Ensuite on rentrera chez nous, on ira faire une balade pour promener notre chien en famille, famille dont tu ne fais pas partie, elle prendra son bain, Adam l’aidera à préparer son sandwich et seulement là, j’irai moi-même la déposer à l’aéroport. C’est mon week-end, j’en ai uniquement deux par mois, ne crois même pas que tu vas empiéter dessus.
— MAIS JE SUIS LÀ BON SANG ! JE SUIS LÀ T’ES CON OU QUOI ?
— Mais je m’en fous. Tu peux aller patienter devant chez nous. Tu peux même passer la journée à nous regarder, le programme ne changera pas. Si Olivia veut te montrer sa chambre, ok, pas de problème. Si elle n’a pas envie, t’iras bien te faire foutre, t’as compris ? J’suis plus dans le coma et je t’assure que tu vas bientôt comprendre que ce que c’est que de n’avoir aucun contrôle sur ce qu’il se passe.

Elle se calme instantanément.

— Logan de quoi tu parles ?
— On n’est pas chez nous avant 17 heures. J’veux pas entendre parler de toi avant ça. Je demanderai son avis à Olivia.

Sans plus rien ajouter, j’attrape le vélo d’Adam et on plante Moïra sur place.

Je suis Logan sans demander mon reste et sans jeter le moindre regard à Moïra. Je crois que je vais entendre ses mots chaque fois que j'aurais un moment de doute et ça me hante par avance.

— Elle t'avais pas du tout prévenu qu'elle risquait de venir ?

Je demande sur mes gardes.

Quand on tourne à l’angle de la rue, je lâche un vrai soupir.

— Putain non j’en savais rien mais alors toi, merci du soutien, j’te jure.

Il me regarde avec un air vraiment interloqué et ça m’agace encore plus.

— Mais c’est quoi ton problème ? Pourquoi tu fais le gamin comme ça quand elle est là ? Tu cherches à lui donner des raisons de nous insulter ? Sérieux Adam, ce qui m’attire chez toi c’est ton audace, ton ambition, la manière dont t’es capable de me répondre, ta culture et ta maturité. Ça c’est attirant putain, par contre ton attitude de gamin de 12 ans qui fixe le sol comme s’il avait fait une connerie sérieux... c’est vraiment pas mon truc et c’est limite gênant. Alors ouais, ouais t’as détruit mon mariage en déboulant dans ma vie, mais putain qu'est-ce que t’en as à foutre, Adam ?! Tu préférais quand j’avais aussi ma femme et que je me partageais entre vous ? C’est ça ? Merde quoi ! Assume un peu que t’as été mon amant parce que sinon on vit caché et on arrête tout ça ! Fin j’sais pas, t’aimes bien quand je t’accompagne à l’église parce que t’es fier et heureux que je sois à tes côtés bah j’aimerais bien ressentir ça moi aussi, j’aimerais bien pouvoir me la raconter un peu aux yeux de mon ex. J’te demande pas de lui répondre parce que c’est pas le but et que c’est ce qu’elle cherche, mais conduis-toi juste comme mon mari et pas comme mon gosse parce là à mon avis elle va s’en donné à cœur joie de raconter à ses parents que je l’ai quitté pour un gamin ! Tu veux pas prendre ta position d’adulte un peu ? Dans notre couple j’m’en fous, j’adore m’occuper de toi, de protéger et tout ce que tu veux mais en société, soit mon mari, putain. Je veux épouser un adulte.

J’insiste sur chaque mot pour être sûr qu’il les entend.

— T’as pas à t’écraser devant Moïra. T’as pris sa place, c’est comme ça et quoi qu’elle fasse, elle pourra rien y changer. Mais là j’commence à croire que si elle insiste un peu, tu rends les armes et tu lui dis qu’elle peut redevenir ma femme parce que t’aurais jamais dû agir comme ça. Alors que si, putain. Si parce que c’est toi que j’admire, c’est toi qui m’attires, me fais envie, c’est toi que j’aime. T’es pas le seul à avoir besoin d’être rassuré, Adam. Moi aussi j’aimerais bien que tu me montres autrement que chez nous à l’abris des regards que t’es fier d’être avec moi, que t’es pas gêné de t’être battu pour m’avoir et tant pis si t’as fait exploser un mariage parce qu’on est plus heureux maintenant. J’ai besoin de ça, tu comprends ? Je veux bien porter notre relation à bout de bras le reste du temps, je m’en fous, si c’est mon rôle de te rassurer et de faire tout pour que tu te sentes à l’aise et heureux, y a pas de problème, mais putain tu n’agis plus comme ça devant mon ex femme parce que là j’me suis vraiment senti comme une merde.

J'ai honte de qui je suis, honte de comment je me suis comporté et encore plus honte d'avoir fait honte à Logan. Je me sens minable et tel l'enfant que Logan se traîne et je me fais violence pour ne pas de nouveau baisser les yeux, mais face à lui cette fois.

— Je sais pas comment agir devant elle. Elle s'est retrouvé là devant moi et je me suis senti comme pris en flagrant délit. Comme si j'avais fais quelque chose de mal et que c'était moi qui était pas légitime dans l'histoire.

Je glisse mes mains dans mes poches, parce que je ne sais pas quoi en faire et que je suis complètement sous le choc de ce que je viens d'entendre.

— Je voulais pas te faire honte, ou quoique ce soit de négatif. Encore moins donner l'impression qu'il lui suffirait de me mordre pour que je te jette dans ses bras. T'es enfin à moi et jamais je la laisserais reprendre sa place, mais quand elle ouvre la bouche, j'ai l'impression d'être de nouveau l'élève face à sa prof.

Je soupire.

— Je suis désolé de pas réussir à prendre les devants et d'être incapable de te faire sentir homme toi aussi. Ça me fait mal de me dire que je n'arrive même pas à te montrer à quel point je t'aime en dehors de chez nous. Parce que ouais, ouais je suis hyper fier de t'avoir à mes côtés et j'ai pas envie que tu passes ta vie sans connaître cette sensation là.

— J’ai pas honte de toi.

Je réponds simplement. Je ne sais pas quoi répondre de plus, de plus, si c’est sa conclusion sur ce que je viens de dire alors j’abandonne parce que je viens de lui exprimer à quel point je l’aime autrement qu’en le lui disant simplement et il entend que j’ai honte et il se ratatine encore plus. Y a des jours où j’ai envie d’être patient, de prendre le temps de lui répéter mot pour mot que je l’aime et que je suis fier et tout ce qu’il a besoin d’entendre pour gagner en confiance mais aujourd’hui, je n’en ai pas envie. Mon ex femme débarque comme une hystérique à notre église et j’ai besoin de gérer mes problèmes d’adulte à moi avant de gérer les siens. Je réalise juste qu’il ne sera pas présent quand je demanderai la garde d’Olivia parce que si c’est l’attitude qu’il compte avoir devant Moïra, les juges et l’assistante sociale, ça ne m’aidera pas, au contraire. Je suis fatigué de ses paroles en l’air et aujourd’hui je n’ai pas envie de prétendre que ce n’est pas grave.

Quand on arrive chez ses parents, on fait comme si tout allait bien et on s’en sort vraiment pas mal, même si on s’adresse à peine la parole. Quand j’explique la situation, je sais que j’ai le soutiens de sa famille et ça me fait plaisir. Mais maintenant j’ai plus l’impression que c’est mon combat que le notre. C’est douloureux, mais c’est ce que j’ai ressenti face à son attitude avec Moïra. Adam ne se battra pas comme il l’a laissé entendre. Parce que c’est sa prof, parce qu’il n’assume pas d’avoir brisé son mariage et qu’il n’assumera pas de lui prendre sa fille. Ça me brise un peu le cœur, je dois le reconnaître, mais je saurais trouver la force en moi de tout endurer tout seul. Je sais très bien le faire ; j’ai juste cru que j’avais trouvé quelqu’un sur qui m’appuyer. Je le peux pour des centaines d’autres choses, mais c’était sur ça que je comptais le plus.

Olivia a du mal à quitter les jumelles – et tout le monde d’ailleurs – et quand on arrive à la maison, Moïra est déjà là.

— Mais c’est pas l’heure papa !
— Je sais, je sais. Elle vient juste voir ta chambre et ta maison, si t’en as envie ?
— Ah oui !!

Cette fois-ci, en descendant de la cariole, elle court vers sa mère pour lui montrer sa chambre. Apparemment, Moïra s’est calmée et quand on se retrouve tous les trois dans la chambre parce qu’Adam s’est proposé pour ranger les vélos, elle affiche un air gêné.

— Désolée pour tout à l’heure.. j’aurais dû te prévenir et ne pas agir comme une hystérique comme ça.
— Mais t’es une hystérique.

Je dis en riant alors qu’elle m’accompagne volontiers.

— C’est dur d’entendre Olivia parler de sa super vie avec vous et d’en être exclue comme ça.
— C’est toi qui t’es exclue, Mo’. Toute seule. T’es carrément une pourriture et c’est toi qui te punie.

On chuchote pour ne pas qu’Olivia intercepte tout et, pour une fois, ni elle ni moi ne sommes dans une colère noire.

— Tu m’as trompée avec un de mes élèves.
— Et avec des dizaines d’autres personnes. On s’aimait pas, on s’est mariés pour la forme.
— Toi, tu m’aimais pas.
— Ouais, si tu veux. Mais même avec toute la haine que tu avais, si tu m’avais aimé un peu, tu m’aurais pas enterré avant que je ne sois mort. T’aurais prévenu mes parents, mes amis. Là, tu m’as laissé tout seul dans l’indifférence la plus complète. Y a pas d’amour là-dedans.

Elle ne répond rien.

— Je vais demander à être la résidence principale d’Olivia.
— T’oseras jamais.
— Si, je vais le faire. Et je vais l’obtenir.

Elle s’apprête à péter un plomb mais Olivia nous interrompt.

— Maman tu peux lire cette histoire ?
— Oui ? Qu’est-ce que c’est ? L’enfant... Jésus. Non mais y a des livres pour les gosses ?
— Maman allez !!! C’est trop beau sa naissance avec des cadeaux et les anges ! Je veux la même !!

Je pouffe de rire ; ça va être un peu compliqué.

L'après midi a été plutôt étouffante, même si j'ai été bluffé par notre facilité à Logan et moi à faire comme si tout allait bien. Quand j'ai vu Moïra devant chez nous je me suis décomposé et j'ai proposé d'aller ranger les vélos. Je ne sais pas comment agir, je sais encore moins quoi dire et notre discussion de tout à l'heure avec Logan ne m'aide en rien. Mais je crois avoir compris le gros de tout ceci : devenir un adulte responsable.

Je prends mon courage a deux mains en rentrant dans la maison. Déjà que c'est énormément difficile de savoir cette vipère chez moi, mais quand en plus je les entends rigoler tous les deux Logan et elle, j'ai envie de la jeter dans le fond du jardin et de la buter à coup de pelle.

Et comme je n'ai aucune confiance en elle, je tends l'oreille au mieux pour entendre ce qu'elle pourrait bien avoir à dire. Je ne parle pas de mon état quand Logan lui donne un petit surnom, mais le pire, c'est quand elle laisse entendre qu'il n'y a que lui qui ne l'aimait pas. C'est quoi ça, en fait ? Elle veux pas non plus se faire sauter dans notre lit ?

J'ai envie de hurler, de la jeter par terre et de lui demander où est son problème. Mais je ne peux décemment pas faire ça. Et j'ai beau avoir peur d'elle et être timide, il ne faut pas me prendre pour un con pour autant. Elle est chez moi et bientôt, elle va s'y sentir plus à l'aise que moi.

J'ai envie de rentrer dans la pièce et de montrer que je suis là, envie d'écouter Logan et d'agir comme un adulte amoureux et fier, envie de lui montrer que je peux être cette personne là. Et en même temps, on est en froid, alors il se passe quoi si j'arrive et qu'il me repousse ? Il se passe quoi si même devant Moïra il ne sauve pas les apparences et m'envoie promener ? Je pourrais pas supporter ça et je finirais forcément en pleurs. Mais en pleurs de ca, ou en pleurs parce qu'elle fait de ma maison la sienne, je finirais par chialer, alors bon.

Je ne peux pas faire ca, je suis tétanisé, ça me fait peur. Et ça me fait chier. Putain ! Merde ! Porte tes cours Adam, au moins une fois. Parce que là il s'agit pas seulement de baisser les yeux dans la rue !

— Ça va ma puce ? T'as montré ta belle chambre à maman ?

Maman que j'ai envie de carboniser et vers qui je tourne la tête dès que j'arrive dans la chambre. Mon regard lui dit d'aller se faire foutre, mon sourire lui en dit encore plus et moi, je trouve la force de venir me blottir contre Logan, dans l'espoir qu'il va attendre qu'elle ne soit plus là pour m'envoyer bouler.

Quand Adam rentre dans la chambre et qu’il vient se blottir contre moi, je dépose naturellement un baiser sur son front.

— Oui ! J’ai montré ma marchande que vous avez fait. Tu veux bien lire le livre toi ?
— Je suis sûr qu’il veut, ma puce, mais là on doit aller promener Poisson puis prendre ton bain et être prêt à temps pour ce soir.
— OH OUI LA PROMENADE ! Maman va venir ?
— Non.

Je dis tout de suite alors que Moïra allait s’inviter.

— Non, tu sais, maman elle vient pas souvent ici alors elle va voir ses amis et puis elle a quelques courses à faire. Maintenant on se retrouvera à l’aéroport seulement.
— Mais j’aimerais mieux rester encore...
— Je sais ma puce, mais pour l’instant c’est comme ça.

Parce que ta connasse de mère est partie vivre en Écosse. Mais je me tais.

— Tu vas remettre tes chaussures ? On y va ?
— Adam tu vas m’aider à faire mon sandwich, hein ?

Elle demande en attrapant sa main au passage.

Je respire encore un peu plus quand Logan dit non à la promenade avec Moïra. Je crois que ça, ça aurait été au dessus de mes forces. Et ce soir, il est clair que je vais avoir des excuses à faire à Logan quant à Max. Il y a des choses facile à dire quand la personne est dans un autre pays, mais maintenant que Moïra est là, je comprends bien mieux certaines choses.

— Évidemment ! Bientôt tu sauras tout de ma super recette, mais en attendant je t'aide encore. Après ce sera toi qui nous en fera et on sera obligé de deviner ce que tu as mis dedans !

Je réponds à Olivia avec un sourire en l'emmenant mettre ses chaussures. Le sandwich peut attendre notre retour, j'ai pas envie que Moïra soit là quand on fait nos trucs entre nous. En famille.

Moïra pense certainement que je vais craquer, avoir de la peine. Mais ça fait des mois qu’elle n’en a pas. Quand on est tous prêt, je prends Poisson et on sort en écoutant une histoire à propos des jumelles et de leur Barbie. Elle récupère la laisse et part devant. Moi je prends la main d’Adam et je ne prends pas la peine de dire au revoir à Moïra.

— Papa, on va vers la forêt ?
— Si tu veux, oui. Mais tu restes juste devant et tu déroule pas la laisse.
— Promis !!

Olivia promets et quand elle le fait, elle ne dépasse jamais ses propos. Ça me fait sourire, parce que c'était exactement comme ça que j'agissais et que je le fais toujours. Si je promets, alors je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour réaliser cette chose.

— Avant que je n'oublie, je voudrais m'excuser.

Je dis à Logan alors qu'Olivia est devant nous et que je ressers ma main dans la sienne. J'ai peur que la réalité me rattrape trop vite une fois Moïra partie.

— Je suis désolé pour l'accolade à Max, pour la fois où j'ai dis que je partais chez lui, pour être parti chez lui alors que tu voulais pas... C'était nul, à chaque fois. Je viens de le comprendre assez fatalement.

— Bah tu peux être désolé ouais..

Je dis en riant franchement.

— Désolé pour lui. La prochaine fois qu’il te touche, j’le démonte.

— Évite. Même si j'ai aucun doute sur lequel de vous sortirait gagnant, je préfère que tu démontes les gars de la salle de boxe ! Au moins eux, ils ne risquent pas d'appeler ma mère pour te faire passer pour un sauvage.

J'en veux toujours énormément à Max, mais Logan et moi avons relativisé. Ça n'a rien entaché à nos relations avec ma famille, essentiellement ma mère, alors c'est le principal.

— Si on les recroise un jour, je me contente de lui tendre la main. Rien de plus !

Et je vais peut-être même arrêter de l'appeler Max devant Logan, je crois.

— Mais non putain ! C’est quoi cette obsession à vouloir le toucher ! Bordel mais tu sers la main à tous ceux que tu croises ?
— Papa tu dis des gros mots.
— Pardon mon ange ! Saperlipopette Adam !

Olivia éclate de rire et ça m’arrache un sourire.

— Tu lui dis bonjour et tu traces ta route. Comme si tu croisais une vieille voisine de ta mère. Ou un pote de ton père. Ou ton boulanger. Bonjour, signe de tête et zéro contact.

Je passe un bras autour de ses épaules pour l’écraser contre moi.

— J’ai même pas envie que tu le recroises. Jamais. Je ne veux plus de contact entre vous, y en a déjà trop eu.

J'eclate de rire quand il m'attire à lui et mes levres trouvent le chemin de sa joue.

— Tu vois ça ? C'est exactement ce que je te disais la dernière fois. J'adore quand t'es jaloux et que c'est de cette façon là que tu l'exprimes !

C'est pas seulement gratifiant, mais c'est aussi terriblement attirant de l'entendre dire de telles choses et affirmer d'une certaine façon que je suis à lui.

— J'aurais le droit de lui envoyer un faire-part quand la petite sœur d'Olivia arrivera à la maison ?

Je demande, taquin.

— Oui mais là, tu vois, t’es pas en train de me soutenir que c’est pas grave et de te foutre de ma gueule avec tes phrases sarcastiques. J’ai aucune raison de m’énerver.

Je dis avec un sourire.

— Alors non, j’aurais trop peur qu’elle lui jette des mauvaises ondes.

Je dis en riant.

— On a rien à lui faire-part à elle. Elle t’a envoyé quelque chose pour te notifier que j’avais eu un accident ? Non. Par contre pour se renseigner sur les prix et cercueils et les places au cimetière, là y a eu aucun problème. Elle mérite pas qu’on partage notre bonheur avec elle. Puis ce sera encore plus jouissif qu’elle l’apprenne de la bouche de la grande sœur en personne !

Des mois plus tard, je suis toujours choqué de la façon dont Moïra a traité Logan. J'aurais tellement voulu être là pour lui et lui montrer qu'il n'était pas tout seul... Je fais de mon mieux pour lui montrer aujourd'hui, mais ce n'est pas encore assez. Si je le pensais, ses mots de tout à l'heure m'ont fait prendre conscience que je suis encore loin du compte. Pas tout le temps, j'ai saisi ce qu'il avait à me dire, mais il est temps que j'aprenne à faire encore mieux. Je crois qu'il est surtout temps que je montre au monde entier que je suis fou amoureux de lui, et pas que je me contente de lui montrer à lui. Je peux bien surpasser la timidité envahissante pour l'homme que j'aime...

— Non mais elle, je lui envoie rien. Au pire, la queue d'un rat mort sur laquelle j'ai fait du vaudou, mais c'est tout. Je voudrais pas faire ce plaisir à Mo.

Je dis en grimaçant comme si ça m'ecorchait la bouche.

— Je parlais d'en envoyer un à Maximilien ! Comment tu veux lui faire mieux comprendre les choses qu'en lui envoyant sur une carte ''Les époux Wheeler et leur aînée vous annonce l'arrivée de leur petite fille'' ?

J'ai envie de couiner à la simple idée de me penser marier à lui et père de famille.

Je lève les yeux au ciel quand il reprend le surnom que j’ai donné à Moïra, mais ça me fait sourire.

— Mais qu’est-ce que je vais lui envoyer un faire-part à celui-là ? J’veux qu’il sorte de ta vie et toi tu vas lui envoyer un truc pour l’informer ? Tu pètes un plomb, mon bébé. Moi j’lui envoie rien du tout moi, j’suis mon mépris par la pensée.

Je rigole en resserrant mon bras autour de lui.

— De toute façon, avec ma mère, ça va forcément se savoir dans toute la ville. Désolé par avance mon cœur, mais Marie n'en pouvait plus à la fin de recevoir des messages de félicitations de gens qu'elle avait vu une fois à l'église quand elle avait douze ans.

Ca me fait sourire, parce que c'est sa façon à elle de dire qu'elle est fière. Maman parle de nous des qu'elle le peut et si j'avais remarqué casuand j'avais quinze ans, je m'en serai mieux porté.

— Je peux te poser une question ? À laquelle tu as tous les droits de ne pas répondre, mais je tiens quand même à savoir si tu y as songé ou non.

Je souris ; j’adore sa mère, elle est vraiment adorable et il n’y a pas plus dévoué à sa famille qu’elle.

— Si tu t’apprête à me parler de mes parents, prends des pincettes parce qu’on peut très très vite se disputer.

Je dis tout de suite, parce que je le sens venir.

Je prends note de la remarque. J'avais conscience que j'allais marcher sur des œufs, maintenant il me reste à faire attention de ne pas les éclater.

— Est-ce que tu as songé à la possibilité de les informer de notre mariage ? Voire même de les inviter ?

Je demande, avec un regard qui laisse entendre que s'il me dit non, je n'irais pas plus loin. Pas aujourd'hui. Pas devant Olivia.

— Je ne prétends pas pouvoir les réconcilier avec toi, loin de là. Je me suis posé la question, c'est tout. Comme tu sais à quel point la famille c'est important pour moi, enfin tu vois..

— Ouais. Bah déjà ils ont pas voulu venir à mon mariage avec une femme donc imagine un peu le truc là.

Je réponds simplement.

— Alors certes ils n’ont pas voulu venir car l’invitation ne venait pas de moi mais.. peu importe. J’ai zéro lien avec eux depuis des années, j’vois pas l’intérêt, en fait.