I Need To Move On — Austin & Gabriel

Je ne suis pas sûr que ce soit rien, mais il voulait coucher avec lui, il ne l'a pas violé, il ne l'a pas fait de force et dès qu'il a tenté de l'intimidé, il l'a fait renvoyer. Pourtant je ne peux pas m'empêcher de penser que c'était un professeur et qu'il a peut être abusé de son pouvoir sur lui. Je hoche la tête.

— Ça va.

Je commence à m'habiller, mais c'est plus fort que moi, je rajoute :

— S'il t'était arrivé, ou s'il t'arrive quelque chose de grave, tu me le dirais ?

Sans même y réfléchir deux secondes, je secoue la tête.

— Non, pourquoi je le ferai ? C’est pas que j’ai pas confiance en toi, c’est juste que j’aurais trop peur que tu en souffre.

Je dis jamais rien depuis des années et personne ne s’inquiète ; c’est mieux comme ça.

Je relève les yeux vers lui.

— Est ce que ça veut dire qu'il s'est déjà passé quelque chose ?...

Je ne supporterais pas qu'il lui arrive quelque chose ou qui lui soit arrivé quelque chose.

— Ça veut dire que je t'en parlerai pas. À toi ou à personne.

Y a qu'à voir sa réaction quand je lui parle de mon prof. Déjà que je ne vois pas l'intérêt de parler de ce genre de trucs, si en plus c'est un drame à chaque fois, je ne vais pas insister. Puis je suis honnête avec lui parce que je l'aime.

— S'il s'est passé quelque chose, c'est passé, sinon... bah ça ira. C'est tout.

Donc il s'est passé quelque chose, j'en suis convaincu maintenant et ça me retourne le ventre car il ne compte rien me dire.

— D'accord.

Je comprends le fait qu'il ne veuille pas en parler, mais pour moi c'est pas tout, non. Si ce prof a abusé de lui ou quelqu'un d'autre, ou n'importe quoi d'autre je trouverai le moyen de le savoir, pas parce que je suis amoureux de lui maintenant, mais parce que j'aurais dû le savoir depuis longtemps. Il aurait dû ressentir le besoin de se confier à moi, si j'ai échoué en tant que meilleur ami, je veux être un bon petit ami.

— On va déjeuner ?

Je m'approche pour lui voler un baiser avant de disparaître dans la chambre pour m'habiller.

Je hoche la tête, et quand on est prêts on quitte l'hôtel. C'est moi qui paie, et même ça c'est difficile à accepter pour moi, que l'argent que je gagne soit pour moi, et non pas pour payer le loyer et la nourriture. On prend à emporter chez Starbucks et dès que j'ai une main de libre en conduisant, je ne peux pas m'empêcher de le toucher, d'avoir un contact avec lui. Plus les kilomètres défilent et plus l'appréhension monte.

Je sens qu’il est vraiment nerveux et ça me fait de la peine. Je ne sais pas trop comment m’y prendre pour le rassurer alors je me dis que si on parle, ce sera plus simple.

— Je t’ai raconté la vraie histoire du pourquoi ma mère veut pas que j’ai de voiture ?

Je hausse un sourcil curieux de l'entendre.

— Jamais.

— C’est parce que j’ai volé une voiture. Enfin pas volé, volé, j’allais la rendre. Mais le prêtre s’en est rendu compte avant que je la lui rende.

Je rigole.

— Il a contacté ma mère et on a réglé ça tous les trois parce que si je me fais encore arrêter, je risque d’avoir de vrais problèmes mais.. enfin c’est pour ça que ma mère « veut pas » c’est genre ma punition pour l’éternité. Jamais elle m’aidera à m’en payer une. Elle est trop en colère. En plus j'étais complètement pété et j’ai déglingué son phare avant. Y avait du vomi partout à l'arrière et j’ai jamais su qui était avec moi. Je m’en souviens pas. Mais du coup, c’était forcément une bonne soirée. Même Adam il sait pas ça. Ma mère l’a même pas dit à mon père sinon il m’aurait donné une pelle pour que je creuse ma fosse en chantant Magnificat.

— Tu as volé la voiture du prêtre ? Et tu ne sais même plus avec qui ?

Je rigole parce que ça lui ressemble vraiment et je comprends Madeleine, je crois que j'aurais réagi pareil à sa place.

— Bah ouais ! C’est ce jour-là où je me suis démis l’épaule car j'étais encore bourré au réveil. Tu te souviens ?

J’étais même pas majeur et je n’avais pas encore mon permis.

— Oui, je me souviens de ce jour-là, mais tu m'avais pas raconté ce qu'il s'était passé. Je comprends mieux maintenant.

Je prends sa main.

— Il y a d'autres choses que tu me caches ?

— Oh ouais, des tonnes.

J'avoue très honnêtement, en riant un peu.

— Mais bon, j'vais garder une part de mystère, si tu veux bien. Je ne voudrais pas te faire fuir.

Je lui fais un petit sourire.

— Et c'est moi qui ne racontait rien ?

Je réalise qu'il y a plein de choses que je ne connais pas sur lui, et ça me semble fou, parce qu'on est meilleurs amis depuis toujours.

Je hausse les épaules.

— Mouais...

Je crois que c'est quand même différent.

— Tu connais pas toutes mes conneries, c'est tout. Puis parfois, c'est mieux de pas tout savoir de quelqu'un. Tu pourrais être déçu.

J'embrasse sa main que je tiens toujours.

— Est-ce que tu as tué ou agressé quelqu'un ?

J'éclate de rire.

— Pas quand j'étais conscient en tout cas. C'est pas dit qu'un jour mes empruntes ne se retrouvent pas sur une scène de crime, on sait jamais. Imagine.

Je lis nos doigts quelques secondes.

— Du coup, ma réponse est non. J'ai jamais fait ça. Ou alors j'avoue que j'ai poussé Patty McFadden dans les escaliers quand on était en primaire parce qu'elle avait traité ta mère de pute.

Lui, il avait pas entendu et c'était tant mieux, mais ce n'était pas parce qu'il n'avait pas entendu qu'elle avait eu le droit de le dire.

— Ça compte comme une agression ou alors on a droit à la vengeance ? J'ai mis un coup de poing à un type y a quelques années parce qu'il insultait mon frère et faisait courir des rumeurs sur lui. On était encore au collège. Ah et... très récemment, j'ai fait un croche-patte au gros Bobby à l'église. Ta soeur m'a dit qu'il l'avait encore ennuyé à l'école. Elle m'a dit qu'elle t'en avait parlé aussi. Il fait chier ce gosse, il a pas de copain, rien, mais il casse les couilles de tout le monde. Du coup, bon... le Seigneur m'a vu et je suis allé me confesser, mais le fou rire discret que s'est pris ta soeur valait au moins ça. J'crois que j'ai plus rien à confesser. Ah si. Tu te souviens les baskets que tu voulais quand on était au collège ? Genre je t'ai dis que j'en avais deux paires et que j'en voulais pas des noires ? Bon bah... en fait, je les avais volé à Patrick Emerson. Sombre histoire de racket, je m'en veux un peu mais j'te jure, t'étais tellement fier et content que j'en ai rien eu à foutre.

Je soupire.

— Je crois que je suis un délinquant. Rien à foutre de faire des trucs mauvais si ça rend heureux les gens que j'aime. Ou si ça leur rend justice. Ah.. j'ai également volé les chaussons de danses que tu voulais offrir à Jenny.

Je lui avais dit qu'ils venaient de la paroisse, qu'ils étaient neufs et que c'était quelqu'un qui les avait donné. Je lui avais dit que le prêtre m'avait autorisé à la prendre alors que c'était faux. Il ne pouvait pas les payer et il s'était senti tellement minable, je l'avais vu dans ses yeux. Alors... je les ai volé dans un magasin du bord du canal. Puis quelques jours avant l'anniversaire de Jenny, je lui ai dit que j'étais tombé dessus dans la réserve des dons fait à l'église, que j'avais demandé la permission et il les avais accepté.

— J'suis désolé. J'ai l'impression d'être une mauvaise personne et je mens pour cacher ça, mais.. enfin, voilà. J'pense que je vais vraiment m'arrêter là avant de te dégoûter entièrement.

Je l'écoute parler et sa première révélation me coupe. Je savais qu'il avait toujours été protecteur envers moi, surtout quand on était petits mais je ne pensais qu'il aurait été jusqu'à pousser quelqu'un dans les escaliers pour moi. D'aussi loin que je me souvienne, j'étais un enfant assez renfermé, qui parlait très peu et il était mon seul ami. Il me dit aussi qu'il a défendu Adam. Et quand il m'avoue qu'il a fait un croche patte à Bobby à l'église pour défendre Darcy ça me touche beaucoup. Quand Darcy m'en avait parlé, j'avais été voir la directrice mais de toute évidence le problème n'était pas assez important pour elle. Je ne suis pas surpris, il a toujours protégé Darcy aussi, je crois qu'il l'aime aussi fort que si elle avait été réellement sa petite soeur.

En revanche j'ai l'impression de prendre une claque quand il me parle des chaussons de danse. Il détestait Jenny, pourtant il a été jusqu'à voler des chaussures pour moi, pour que je puisse lui offrir. Putain mais comment j'ai pu ne rien voir à ce point-là ? Je suis vraiment aussi naÏf ?

Je prends sa main et je l'embrasse.

— Tu ne me dégouteras jamais, tu n'es pas une mauvaise personne. Tu es prêt à tout pour les personnes que tu aimes, c'est quelque chose d'honorable. Bon, il faut quand même éviter de voler hein ?

Je dis en riant.

Je lève les yeux au ciel en riant.

— Ouais. Mais y a rien que je ferai pas pour toi alors... fais attention à ce que tu me demandes.

Je dis en riant. Il a de la chance que ce soit compliqué de voler une voiture.

Je souris, pour lui aussi je serais capable de faire beaucoup choses. La seule chose que j'aimerais lui demander c'est de ne jamais repartir mais je ne le ferais jamais.

— J'ai volé quelque chose moi aussi.

— Quoi ? Mon coeur ?

Je demande avec un petit sourire.

Je rougis et sourit en même temps.

— Un livre à la bibliothèque, Darcy le voulait vraiment et à cette époque là je n'avais pas encore d'argent, on était au collège.

— Oh mais c'est même pas un vol ça, c'est un emprunt à long terme. Des livres de la bibliothèque y en a plein ici. Puis ils finissent même à la paroisse quand on fait le tri...

Je dis avec un petit sourire.

— Elle est contente de vivre avec toi, dans votre petit chez vous ?

Même s'ils sont dans notre sous-sol, ils ont leur indépendance s'ils le veulent et ils mangent rarement avec nous le soir, ils profitent d'être tous les deux et je trouve ça bien.

Je secoue la tête résigné, je ne suis définitivement pas un délinquant.

— Je crois que ça lui plait oui, elle est sereine. Je ne la sens plus anxieuse comme avant, elle a même arrêté de tordre et gratter ses doigts.

Ce qu'elle faisait souvent quand ça n'allait pas.