I Need To Move On — Austin & Gabriel

— Il est loin, c'est tout ce qui compte.

Plus on se rapproche, et moins j'ai envie de voir ma mère. Je crois que c'était une erreur de venir et sans prévenir je fais demi-tour sur la route.

Je sursaute quand il donne un coup de volant pour faire demi-tour.

— La vache ! Mais qu'est-ce qu'il y a ? Ça ne va pas ? Tu ne veux plus y aller ?

Je secoue la tête.

— Non, on va à Londres.

— A Londres ? Comme ça ?

Je ne peux pas m'empêcher de lui sourire. Il n'a jamais fait ça avec moi, il n'a jamais agi spontanément et je ne peux pas m'empêcher de me dire que c'est vraiment le début de quelque chose.

— À Londres. Comme ça.

Je confirme. Je ne suis pas prêt à voir maman et je ne veux pas me forcer. Ce qui est arrivé à Darcy ce soir-là aurait pu être bien plus grave et je n'arrive pas à lui pardonner. C'est trop tôt.

On n'a jamais été à Londres tous les deux, en réalité à part pour des compétitions de natation, et le jour où j'ai voulu le rejoindre, je n'ai jamais été à Londres. Je crois que c'est de ça dont j'ai besoin, pas de voir ma mère, mais de passer du temps avec lui, que l'on se retrouve ou qu'on se trouve tout simplement, loin de tout.

— Ok. Ça me plaît.

Je sors immédiatement mon portable pour réserver un hôtel.

— On passe la nuit là-bas ?

Je tourne la tête vers lui et je le regarde plusieurs secondes paniqué en pensant à Darcy.

- D'accord.

Elle sera avec Madeleine et Paul, ce sera comme quand elle dort chez Marie, c'est juste une nuit. Je me rassure dans ma tête. Je peux le faire.

— Je réserve un truc.

Même si je ne le montre pas, je suis complètement surexcité parce qu'il reste avec moi. Parce que c'est spontané et que je l'aurais pour moi tout seul toute une journée et toute une nuit. Je n'en ai que pour une minute, l'hotel où j'étais la dernière fois était très bien et pas cher du tout. On avait même le petit déjeuner.

— Voilà.

Je range mon portable et je pose ma main sur sa cuisse. J'ai tellement envie de le coller que ça me surprend ; j'suis pas quelqu'un de tactile, mais, avec lui, c'est totalement différent.

Voilà. Ça y est, il a réservé un truc. C'est fait. J'inspire doucement, il faut que je me détende, ce n'est qu'une nuit, il ne va rien lui arriver. Et je suis heureux de partir avec lui. Avant rien que l'idée de dépenser autant d'argent aurait été une angoisse pour moi. Il repose sa main sur ma cuisse.

On arrive rapidement car on avait déjà fait une partie du trajet.

— Tu mets l'adresse de l'hôtel sur ton GPS ?

Je m'exécute et, si on galère un peu pour se garer autour de l'hôtel, on récupère assez rapidement la clé de notre chambre. On n'a pas vraiment d'affaire à déposer, alors je lie mes doigts à ceux d'Austin dans le hall de l'hôtel.

— On va se balader un peu ? Tu as faim ? On n'est pas loin de Camden.

Je lie mes doigts aux siens.

— Je meurs de faim. Je te suis, c'est toi qui connais.

Il nous emmène à Camden, je n'y avais jamais été et c'est vraiment sympa. Ça n'a rien à voir avec White Falls.

Il y a du monde partout, sur les trottoirs, sur la route. C'est bondé de monde et je me sens bien, à ses côtés.

— Viens.

Je l'entraîne sur le marché, à l'endroit où tous les petits stands de nourriture sont regroupés.

— On mange mexicain ? Ça te tente ?

En moins de trente minutes je me sens complètement déconnecté de White Falls, comme si tous mes problèmes étaient restés là-bas, qu'ils ne m'avaient pas suivis. On s'installe à une petite table disposée directement sur le trottoir.

— C'est vraiment ici que je vais faire mes études.

Et j'ai toujours du mal à réaliser que ça devient doucement possible.

J'attrape sa main sur la table, c'est vraiment la première fois que je l'entends dire ça. Que je l'entends se projeter pour de vrai, sans frein.

— Ça va être génial.

Je m'approche pour embrasser ses lèvres. Je lui laisse un peu de sauce de mon sandwich au passage.

— Pardon.

Je dis dans un sourire en essuyant mon bazar.

— On sera tous les deux, tranquilles. On prendra un appartement, hein ? Au moins pour la semaine. On pourra rentrer tous les vendredi chez mes parents.

J'essaie de ne pas montrer à quel point ça me fait peur d'imaginer, pas de vivre avec lui, ça non, mais d'être loin de Darcy. Il essuie la sauce qu'il m'a mis partout et je souris.

— Tu as commencé à regarder les fac de médecine ?

Je secoue la tête.

— Non... parce que je sais pas ce que je vaux, je ne veux pas me faire de faux espoir. Imagine que je suis vraiment trop nul ? Je pense qu'en décembre, je saurais, non ? Je regarderais à partir de là.

Je secoue la tête.

— Tu ne seras pas nul, tu as envie d'apprendre et tu as une très bonne motivation pour, un but, et rien que par rapport à ça, tu vas t'accrocher.

Je sais qu'il réussira, s'il a des mauvaises notes c'est parce qu'il s'en fou de cours mais maintenant c'est différent.

— Bah... ça c'est bon. J'fais du bénévolat à l'église et tout. J'peux pas faire du sport parce que dans le coin à part la natation, y a que des sports collectifs. Je vais me battre et blah blah...

Je dis avec un petit sourire.

— Pourquoi je sais pas m'intégrer comme ça ? J'ai genre... zéro ami à part toi.

— Tu sais, je n'ai pas vraiment d'amis non, plus des potes qui me voient comme un adversaire.

Je réfléchis.

— Et le club de photo ou le journal du lycée ? Tu aurais plein de choses à raconter.

Je me marre.

— Les seuls trucs que j'ai à raconter sont les choses que tout le monde veut cacher. Je vais me faire encore moins d'ami... Puis bon, personne ne va avoir envie de me confier quelque chose maintenant. Je crois que le bénévolat c'est suffisant.

Je fronce les sourcils.

— Pourquoi personne n'aurait envie de te confier quelque chose maintenant ?

— Parce que c’est pas parce que je prétends m’être calmé et vouloir bosser pour de vrai qu’on va me croire... ça fait trois ans que je fous le bordel. Personne ne croit au miracle.

Je prends sa main par dessus la table.

— Tu t'en fous de ce qu'ils pensent d'accord ? Ce n'est pas comme s'ils étaient irréprochables. Toi tu sais que tu veux réussir et c'est tout ce qui compte.