I Need To Move On — Austin & Gabriel

— C'est super.

Je lui souris sincèrement.

— Toi aussi, t'es moins anxieux et t'es plus détendu. Tu souffles un peu.

— Tu trouves ?

Je demande sincèrement parce que moi ce n'est pas du tout ce que je ressens, au contraire.

— Oui. Avant, jamais t'aurais passé une nuit ailleurs que chez toi, comme ça, sans l'avoir prévu. Même si tu regardes ton portable de temps en temps, t'es pas stressé. T'es avec moi et tu vis l'instant sans être inquiet pour ta soeur parce que tu sais qu'elle va bien.

Je ne l'avais pas vu sous cet angle, mais il a raison, avant je ne serais jamais parti comme ça, même si c'était un soir où Darcy dormait chez les Saint Clair, je ne me serais pas éloigné autant. Mais comme il vient d'en parler, je ne peux pas m'empêcher de jeter un oeil à mon portable.

— Tu sais j'apprécie vraiment que tes parents nous aient laissé le sous-sol, je crois que je n'aurais pas réussi à vivre réellement avec vous.

Je lui souris.

— Je crois que mes parents le savent, ils te connaissent vraiment bien et ils vous aiment beaucoup. Ça leur tenait à coeur de vous avez en sécurité, avec eux. Mais là, au moins, même si vous venez tous les jours, vous avez votre chez vous. Moi aussi, ça me rassure de vous savoir là. Puis bon, j'suis un peu égoïste alors maintenant qu'on est ensemble, c'est encore mieux...

J'ai passé 17 ans de ma vie sans parents, même si j'avais Madeleine et Paul, mais sans autorité. Je n'ai jamais eu de comptes à rendre à personnes, je sortais quand je voulais et je crois que j'avais besoin que ça reste comme ça et ils l'ont compris. Je leur en suis reconnaissant.

— Parce que tu m'as toujours sous la main ?

Je demande avec un petit sourire.

— Bah oui. Toujours là pour un câlin ou un bisou, si jamais tu me manques un peu. C’est agréable, non ?

Je réponds en lui rendant son sourire.

— C'est vrai que c'est agréable.

Et de me sentir en sécurité et surtout de savoir Darcy en sécurité aussi. On tombe sur un panneau, on se rapproche. On arrive une dizaine de minutes plus tard, je me gare sur le parking et je regarde le bâtiment. Il est entre un centre de repos et un asile, vu de l'extérieur. Je prends une grande inspiration.

— Ça ne te gêne pas si j'y vais seul ?

— Non. Par contre, si tu as besoin de moi, je reste prêt de mon téléphone, d’accord ?

Je m’approche pour l’embrasser et lui donner du courage.

Je hoche la tête et je sors de la voiture. À l'intérieur je regarde tout ce qui m'entoure, c'est sécurisé, pas comme une prison, mais aucune porte ne s'ouvre sans clef ou badge. Personne ne peut sortir sans en avoir l'autorisation. Je suis une dame jusqu'à la salle de repos, maman est assise sur un canapé, je m'assois sur le fauteuil en face d'elle. J'ai l'impression qu'elle a maigri et qu'elle a des cernes encore plus grosses sous les yeux que ce qu'elle avait avant. Mais elle est propre et ses cheveux aussi.

— Mon trésor, tu es venu.

Elle approche sa main mais j'ai un mouvement de recul, c'est instinctif.

— Darcy a la jambe cassée.

Je sais qu'elle le sait mais j'ai besoin de le dire. Je réalise que je lui en veux tellement pour cette nuit là que ça m'étouffe. Elle baisse les yeux. Elle joue nerveusement avec un fil qui sort de son pull.

— Je me fais soigner, c'est dur tu sais ?

Je hoche la tête, car je me doute que ça doit être dur mais je n'arrive pas à la plaindre. Je ressens de la compassion pour elle mais je n'arrive pas à le montre car j'aurais l'impression de lui pardonner ce qu'il s'est passé ce soir-là. Pas que ce soir là, depuis toujours. Depuis la première fois où elle a laissé mon père me frapper. Je regarde autour de moi.

— Je pensais qu'en venant ici j'arriverais à te parler, mais j'y arrive pas.

Je secoue la tête.

— J'arrive pas à te parler.

Peut être parce qu'on n'a jamais parlé elle et moi. Elle reste silencieuse un moment.

— J'espère que tu arriveras à me pardonner un jour.
— Madeleine et Paul ont notre tutelle maintenant, on a un endroit pour vivre rien qu'à nous et de la nourriture. Darcy est heureuse.
— Et toi, tu l'es ?
— Je suis amoureux, de Gabriel.

Si elle est surprise, elle n'en montre rien. Elle ne répond même pas, elle change de sujet.

— Et la natation ?

Je hausse les épaules et je réponds aux quelques questions qu'elle me pose mais je ressens à l'intérieur de moi que je n'ai plus envie d'être là.


******

À peine une trentaine de minutes plus tard je sors et je remonte dans la voiture. Sans réfléchir, je l'embrasse tendrement.

Trente minutes, ce n'est pas si long que ça et pourtant, ça me semble être une éternité. Quand je vois un mec fumer à l'extérieur, je vais lui quémander une clope et on se retrouve à parler d'un match de foot que je n'ai pas vu et dont je n'ai rien à foutre. Mais ça fait passer le temps.

Je remonte dans la voiture quand j'ai terminé et je ne l'attends plus très longtemps. Quand il arrive, il m'embrasse tendrement et comme c'est de sa propre initiative, ça me surprend, mais c'est vraiment très agréable.

— Ça va ? Ça a été ?

Je caresse sa nuque et je hoche la tête.

— Oui. J'ai réalisé que pour avancer, je dois la laisser derrière moi. Pas pour toujours.

Je l'attire à moi pour lui faire un câlin.

— T'as bien fait. Ça va vous faire du bien de vous reconstruire un peu sans elle avant de la retrouver.

Reconstruire. Il met le mot juste sur ce que je ressens, Darcy a besoin de se reconstruire. Je me détache de lui parce que c'est un câlin de réconfort, ce qui revient à me montrer faible et ce n'est pas facile pour moi. J'embrasse ses lèvres.

— On rentre ?

Je hoche la tête.

— Je te suis.

Je dis en riant. Partout où il ira, je le suivrai. J'en ai conscience aujourd'hui.

On reprend la route, plus on s'éloigne du centre et plus je me détends. Quand on arrive chez lui, je le tiens par la taille mais on tombe sur Adam dans l'entrée, alors je me détache de lui et je pars directement au sous-sol.