Will you stick with me through whatever? — Alessandro & Luca

La douche est tellement froide qu'elle m'en fait rater un battement. Je me sens stupide et je n'aurais pas cru ressentir ça de cette façon là. Je pensais qu'il y avait ce petit quelque chose entre nous, je me disais que j'étais pas tout seul, que certains sourires et gestes ne pouvaient pas tromper. Mais à l'instant où il lâche ma main, sans rebondir sur ce que je viens de dire, je comprends que j'ai eu faux sur toute la ligne. C'est pas du tout ce que Luca recherche, ni ce qu'il veux. Je suis juste le grand frère et rien de plus. Et ça fait plus mal que je l'aurais cru d'en prendre conscience.

— Ouais, si tu veux.

Je suis gêné d'être là, à ses côtés. Et c'est même pas une question de fierté, c'est tellement plus profond que ça. J'ai l'impression de perdre un lien fort et je suis déjà flippé à l'idée de devoir me réveiller demain. Parce que je sais que tout aura changé, son regard sur moi en premier.

Il n’insiste pas et je l’en remercie : on aura peut-être notre chance spontanéité ailleurs. Au fond, je me surprends à l’espérer. C’est bizarre parce que je n’ai ressenti ça pour personne avant et je commence à comprendre pourquoi je le trouve si beau, pourquoi mon cœur s’emballe quand il me touche, pourquoi je me sens en sécurité à ses côtés.

La grande roue n’est pas loin, mais le silence est pensant. Je crois que c’est de ma faute et je m’en veux, mais je ne saurais rattraper ce que j’ai fait. Alors je le suis en silence en me demandant si c’est une bonne idée de nous infliger ça, si nous n’avons plus rien à nous dire. Est-ce qu’il redevient Thomas puis moi Benjamin ? On est dans la queue lorsque j’ose briser le silence.

— Tu sais, si tu n’as pas envie de monter, on peut faire autre chose. Ou rentrer, aussi. Si tu as envie.

Je propose avec douceur. Je ne veux pas qu’il se sente coincé encore plus par ma faute. Bientôt il sera libre, mais en attendant, si je peux alleger sa peine, alors je vais le faire.

— Non, c'est bon ! C'est ok. T'avais envie de le faire, autant qu'on profite d'être ici!

Qui l'aurait cru, c'est moi qui n'ose pas vraiment croiser son regard maintenant. Mais cette soirée lui faisait vraiment plaisir et c'est pas à Luca de payer le fait que j'espérais certainement trop de choses de lui.

— Puis on n'a pas encore pris notre dessert !

J'esquisse un sourire qui doit paraître potable. De toute façon, on a encore un moment à passer tous les deux, juste lui et moi enfermés dans cette maison, alors autant que les choses se passent bien. Et s'il est capable de me parler avec toujours cette même douceur, je suppose qu'il m'en veux pas d'avoir cru que je pouvais avoir une chance. Au moins, ça veux dire qu'on va pas arrêter de se parler. Ça signifie juste que je sais où est ma place et que je dois la tenir.

— D’accord.

Je lui adresse un sourire empli de tendresse et lorsque c’est à notre tour de monter, j’attends d’être bien installé pour me blottir contre lui et trouver une place dans ses bras. On va monter haut, tout de même !

Je ne peux pas m'empêcher de sourire quand il vient se nicher contre moi. Peu importe ce qu'il se passe dans sa tête, ce qu'il pense de moi, ça me fait quand même beaucoup de bien de l'avoir dans mes bras.

On commence à monter et mes envies soudaines ont envie de reprendre le dessus. Ma main dans ses cheveux, mes doigts dans les siens... Ça passera, mais ce sera dur un moment.

— Je crois que la maison est quelque part par là ! D'en haut, ce sera un tout petit point !

Je souris en lui montrant un quartier du doigts.

— De loin, je ne risque pas de voir grand chose. Je n’ai pas un excellent sens de l’orientation.

Je dis en riant doucement.

— Enfin, tu t’en doutes.

— Pas vraiment ! Je t'imagine pas excellent conducteur, t'aurais trop peur de mal faire, mais le sens de l'orientation j'avais bon espoir pour toi.

Je ris à mon tour.

— Je pourrais t'apprendre si tu veux. A te répéter grâce aux étoiles ou au soleil. On apprends à faire ça, pour se repérer sur les zones de guerre.

— Je n’ai jamais eu l’occasion de passer mon permis de conduire.

J’avoue, non sans une petite gêne ; j’ai l’impression d’être en marge de la société pour beaucoup de choses. Je le regarde, admiratif, des étoiles plein les yeux.

— J’aimerais que tu m’apprennes me répérer. Ce serait génial !

— Faut pas être gêné, t'as tout le temps pour le faire. Ou jamais le faire d'ailleurs ! Moi j'avais pas le choix parce qu'à 16 ans j'apprenais à conduire des chars, mais si j'avais fais autre chose, j'aurais peut-être toujours pas le permis.

Faut pas qu'il se sente gêné pour de telles choses, il a tellement plus à offrir au monde que ça.

— On commencera la leçon demain si tu veux.

Je souris tendrement. Ça fait déjà beaucoup moins mal de me dire que malgré tout, on va rester proches tous les deux. Ça fait passer la pillule plus facilement.

Je n’ai pas à être gêné pour ça. Je note avant de glisser ma main dans la sienne à nouveau pour lier nos doigts. Son contact me manque alors qu’on est tout proches.

— D’accord. J’ai hâte d’apprendre ça. J’aime beaucoup les étoiles.

— J'aime beaucoup ça aussi.

Je réponds en liant mes doigts aux siens. On continue de monter, et plus on est haut, moins on entends le bruit de la foule. C'est un peu comme se retrouver seuls, mais dehors.

— Je suis désolé pour tout à l'heure.

Je resserre mes doigts dans les siens, surtout parce que j'ai peur de remettre les deux pieds en plein dans le plat. Mais je préfère qu'il n'y ai pas de non dits entre nous. Et je sais qu'il va comprendre de quoi je parle.

— C'était déplacé de ma part. Je pensais qu'on était sur la même longueur d'ondes tous les deux.

Il resserre ses doigts sur les miens, c’est donc que tout n’est pas perdu et ça me soulage drôlement. Encore plus lorqu’il s’excuse.

— C’est pas grave, tu sais. C’est juste que.. j’aime pas planifier les choses parce que je trouve que ça a moins de charme. Et aussi.. ça me fait peur. Je suis novice en tout et si j’ai le temps d’y penser, j’ai peur d’être effrayé et tétanisé.

Je lève les yeux dans un sourire sincère.

— Mais j’aime ce qu’il y a entre nous. Je veux pas que ça change. Je suis bien avec toi. C’est vrai.

Si j'étais un peu plus fleur bleue je crois que je pourrais me mettre à chialer. Alors c'est ça le soucis ? Que moi, je sois un peu trop brute et lui, un peu trop romantique ? Que je n'ai pas été capable de voir que ça pouvait l'effrayer parce qu'il n'a jamais vraiment vécu tout ça ?

— T'es fascinant Luca. T'en as même pas conscience et ça rends ça encore plus fort.

Je souris en laissant ma main venir caresser son visage.

Je fronce les sourcils parce que j’ai du mal à comprendre ce qu’il veut dire par-là. Je souris quand même parce qu’on arrive tout en haut et que c’est très beau.

— T’avais raison, c’est encore plus joli la nuit.

Même s’il fait froid tout là-haut. Je passe un bras autour de sa taille, sous son manteau. Ça me réchauffera autant que ça le réchauffera.

— Je suis d'accord. C'est vraiment une jolie nuit.

Je le laisse s'installer, avant de l'attirer un peu plus près de moi en l'entourant de mes bras. Si mon meilleur atout pour le charmer, c'est d'être plus romantique, je suis prêt à lui payer un voyage à Venise et à lui préparer les meilleures pâtes d'Angleterre.

— On devrait sortir un peu plus souvent, juste pour le plaisir des yeux ! Et pour être tous les deux en dehors de la maison. T'en dis quoi ?

Ma main remonte vite jusqu'à son cou, pour caresser sa nuque tendrement. C'était déjà en train de me manquer.

Il redevient câlin et je pourrais fondre de bien être tellement c’est agréable. Je lève les yeux vers lui.

— Moi ça me va, c’est toi qui a même mis les freins quand je me suis blessé. On pourrait aller à la mer, non ?

— Mieux vaux prévenir que guérir.

Je réponds en souriant, avant d'aquiescer.

— T'aimes bien l'eau ? Bien sûr qu'on pourrait ! On fait rien de nos journées, alors qu'on pourrait faire tellement de choses, même ! On fait ça dans la semaine ?

— Oui, j’aime beaucoup ça. Je vivais dans la région des lacs en Italie et j’ai vécu à Hawaii tout le reste du temps.

Je lui souris.

— C’est différent ici, mais j’aime bien cet endroit aussi. Je serais trop content de voir comment est la mer ici.

— Pour avoir déjà vu les lacs plus d'une fois, c'est pas du tout la même chose. Mais je connais pas les États Unis alors ça y ressemble peut-être ! Tu pourras me dire comme ça.

Je souris en continuant de caresser sa nuque.

— Peut-être même qu'un jour tu pourras me fzire découvrir comment c'est Hawaii.

— C’est vrai ? Tu aimerais visiter Hawaii avec moi ?

Je demande, plein d’espoir. Il ne sait pas ce que tout ça signifie pour moi.

— Tu dis pas ça juste sur l’instant ?

— C'est pas mon genre, non.

Il a une vie, et j'ai la mienne. Elles ne sont sûrement en rien similaires en dehors de White Falls. Mais est-ce que j'ai envie que tout s'arrête le jour de ses 21 ans et de ne jamais plus avoir de contacts avec lui ? Non. Mille fois non.

— Qui mieux que toi pourrais me fzire visiter cet endroit ?

Je souris en laissant tomber ma tête sur la sienne.

Je resserre mon étreinte le long de son corps.

— Pas grand monde, c’est vrai. J’ai beaucoup aimé vivre là-bas. J’ai appris à surfer !

— Tu surfes?

Je demande, fasciné. Avec son cœur, j'ai tendance à penser qu'il doit se protéger de tout, alors qu'il vit malgré tout.

— Je t'apprends à lire dans les étoiles et tu m'apprends à surfer, ça te va ?

Je rigole, en imaginant déjà la catastrophe de moi debout sur une planche.

— Ça me va très bien ! Puis on n’est pas obligés d’aller jusqu’à Hawaii pour apprendre à surfer. Ça doit être possible ici. Pour que tu sois prêt pour Hawaii.

Je lui souris. Musclé comme il est, s’il trouve l’équilibre, il saura rapidement surfer. J’aime faire des projets avec lui. J’ai l’impression de me sentir moins seul. Comme si je n’étais plus qu’une simple mission.

Je lève la tête vers lui pour lui adresser un large sourire. Cette soirée est fantastique.

— On verra si on arrive à trouver un endroit pour le début de mon entraînement glorieux !

Son sourire est aussi beau que lui, c'est euphorisant. Cette soirée a failli virer à la catastrophe et en fait, elle est superbe. Tendrement je viens déposer un baiser sur sa joue et mon cœur bat la chamade.