City of Angels - Tristan et Ania

— Cinq jours ? Imagine que t’as le mal de mer ! Tu serais trop malade, ce serait horrible pour toi. Non merci. Le mieux ce serait l’hélicoptère. Voilà. Ça vole bas, c’est rapide.

J’entends tout ce qu’elle dit et ça me fait sourire mais je reste pas d’accord. Je sais ce que je vaux et je sais ce que les autres valent. C’est un peu le hasard et la chance. Y a des gens meilleurs que moi, je le sais. Je laisserais pas ma place pour autant, mais je suis lucide. Je me sens souvent comme un imposteur. Un peu partout. C’est comme ça.

— T’es un amour.

Si j’avais le moindre problème, je sais que Tristan saurait le gérer. Certainement mieux que moi. Il a une capacité a tout rendre plus facile, à trouver des solutions à tout. Moi je fonce sans réfléchir et ça me cause du tort beaucoup trop souvent.

— Je sais que je serais toujours en sécurité avec toi. J’aime bien cette sensation là.

— Et ça ne changera pas. En plus, ton beau frère est flic. Alors imagine.

Je dis en riant.

— Mais c’est gentil... je t’aime, c’est pour ça. J’ai envie que tu sois bien. En plus maintenant je sais carrément me bagarrer.

— C’est vrai que c’est pas mal ! Entre toi, lui et moi qui suis prête à mettre un crochet au premier inconnu, je suis plutôt à l’abri du danger comme fille. J’ai toutes les chances de mon côté.

J’ai même Alessandro comme grand frère. Alors qui pourrait nous faire du mal à ma famille ou moi ?

— Hey mais on pourrait se bagarrer ensemble ! Bon après que j’ai accouché évidemment, mais j’aimerais trop ! Non ?

— Quoi ? Mais t’es malade ! Jamais je vais me bagarrer contre toi ! Jamais je vais te taper ou... j’en sais rien.

Parfois elle est vraiment dans les étoiles.

— Je t’aime, j’ai pas envie qu’on se batte. Même pour rire. Imagine je te mets un coup dans l’oeil ou que tu me casses un bras ? Ah bah super le couple. Bagarre toi avec Alessandro. Ou Luke.

— Non mais pas se taper sur la gueule gratuitement !

J’éclate de rire face à sa réaction.

— Mais genre si on va dans un des cours de Logan donne encore ! Ou même si on va voir Alessandro, je suis sûre que ça le dérangerait pas de déroger un peu à ce qu’il fait pour nous.

Ça l’amuserait même certainement.

— T’aimerais vraiment pas ?

Je demande, pas sure du tout qu’il aime l’idée.

Je secoue la tête.

— Moi j’apprends des chorégraphies pour pas assommer la personne en face, c’est pas pour déchirer ma femme pour rigoler. Je suis non violent et pacifiste, ok ? J’aime toujours pas la guerre et surtout pas avec toi, et en plus tu vas tout mélanger et faire des cauchemars. Toi tu dors la nuit j’te signale. Moi je vis des trucs, parfois, c’est flippant.

Je parle avec tendresse parce que c’est en rien des reproches ou une agression. La bagarre dans les films ok, mais sinon,.. j’ai pas changé, j’aime toujours pas ça.

— On est vraiment les deux opposés sur ce point ci. Et il est tellement important dans nos vies que c’est fou qu’on s’aime quand même autant.

Je souris doucement. J’entends qu’il ne dit pas ça pour me blesser, c’est simplement la réalité des faits et ça ne doit pas toujours être facile.

— Pourquoi tu m’en parles pas quand ça arrive ? Quand ça arrive et que moi je le réalise pas, je veux dire. J’avais l’impression de mieux dormir, depuis que je t’ai retrouvé.

Parfois je peux faire de sacrés trucs et j’aime pas ne même pas savoir ce que j’ai pu lui faire endurer.

— Parce que tu dors mieux et que si on en parle, c’est pire.

Je dis avec bienveillance.

— C’est nettement mieux et parfois il suffit d’un film, d’une conversation. Je ne sais pas ce qui provoque ça. Parfois c’est un film comique, j’veux dire. Pas forcément la guerre. C’est peut-être un détail qui réveil ton inconscient... j’en sais rien. Parfois ça fait peur, parfois ça fait mal au cœur. C’est comme ça. Je sais dans quoi je m’engage, si c’était un problème pour moi, je serais plus avec toi. Je préfère être là, d’ailleurs. Parce que je sais que je gère et que ça s’arrange. Alors t’inquiète surtout pas, mon cœur : tu dors mieux. C’est vrai. C’est juste en toi, c’est normal.

Comme moi quand je fais des cauchemars parce que je crois qu’elle est morte. Et chaque fois je ne la réveille pas et c’est tant mieux.

— Je veux pas te faire de mal un jour...

C’est arrivé à Alessandro. Je ne sais pas si Luca en a déjà parlé à Tristan, mais Alessandro a faibli un jour et on a finit par en discuter tous les deux. Ça m’a fait peur, ça lui fait peur et je crois qu’il en fait encore des cauchemars.

— Tu le dis toi même, on sait pas d’où ça vient. Je pourrais devenir violente et ne même pas m’en rendre compte. Voir un truc qui me traumatise et peter un plomb, imagine.

Ça m’angoisse rien que d’y penser.

— Dis-moi le au moins quand c’est grave, ou fréquent. Peut-être que je pourrais me faire. Surtout avec le bébé qui arrive...

— Et quoi alors ? On dort plus ensemble ?

Je dis en levant les yeux au ciel.

— On en parle avec Luca et on est d’accord sur un point : notre présence apaise les choses. On n’a pas peur de vous et on sait quoi faire contrairement à vous qui ne vivez même pas le truc. Si tu deviens violente, je te mets un coup de lampe de chevet et tu vas dormir.

Je dis avec un petit sourire.

— Ania, sérieux, ça c’est mon problème. T’es pas réveillée, t’es pas consciente alors ça te regarde même pas au fond. Y a rien de grave ni de fréquent. C’est pas toutes les nuits, c’est pas une fois par semaine. Ça n’a rien a voir avec Alessandro. C’est juste toi qui dort mal parfois, qui parle, qui cri ou qui pleure. Une fois t’as même insulté un gars qui s’appelle Peter David. J’ai fouillé, ce mec était ton supérieur et ça m’a fait rire. C’est tout. Une fois t’as gigoté de ouf, tu m’as mis des coups de pieds... j’avoue je t’ai poussé du lit et t’es tombé comme une masse. Et t’as pas bougé. Et tu t’es réveillée et j’ai dit « bah alors mon cœur, t’es tombée ça va ? » t’es venue te recoucher contre moi et... voilà.

Je souris un peu.

— Faut pas t’en faire, vraiment. C’était vraiment pire quand on en parlait tout le temps, que je te le disais le matin parce que tu t’inquiétais. J’ai demandé à Luca comment il abordait ça et il m’a dit « je l’aborde pas ». Ça m’a un peu surpris de lui, j’avoue... mais je crois qu’il est assez surprenant, parfois. Je crois qu’on le connaît qu’à 50 % et le reste c’est pour Alessandro. 40 % même. Enfin, en tout cas... il a raison : tu dors mieux maintenant.

Il a le don de me faire rire en toute circonstances.

— Donc tu m’as jeté par terre et tu m’as laissé croire que j’étais tombée du lit comme un enfant de trois ans ?

Je souris avec tendresse. En sachant tout ça, je me sens encore plus en sécurité à ses côtés.

— Ça me rassure de savoir que t’en parle avec Luca. J’imagine pas tout ce que vous pouvez avoir à vous dire, tout comme vous n’imaginez sûrement même pas à quel point Alessandro et moi on vous est reconnaissant de tout ce que vous faites pour nous.

Je lie nos doigts alors qu’on continue de flâner pour rentrer.

— On sait pas tout et peut-être que c’est pas plus mal. Alessandro est plus traumatisé de ce qu’il pourrait faire de nouveau à Luca que de ses propres problèmes. C’est un peu mon cas aussi. Vous avez pas une place facile et on le sait. Même si Luca cache encore plus de choses à Alessandro que je ne le croyais.

Je rigole doucement.

— C’est dingue qu’on le connaisse autant et qu’à la fois il soit si secret. Mais je crois que ça lui convient tout à fait que la seule personne à tout savoir de lui soit Alessandro. C’est un peu sa façon à lui de voir l’intimité.

— Bah comme ça t’es déjà vraiment arrivé... je me suis dit pourquoi pas.

Je dis en riant. Elle a toujours tellement bougé au lit, c’est pas inconcevable.

— T’as pas à être reconnaissante. C’est normal. C’est ça l’amour. C’est prendre soin l’un de l’autre.

J’acquiesce quand on parle de Luca.

— Nan mais surtout... t’as vu comme il détourne les conversations parfois ? Si y a un sujet qu’il veut pas aborder, on s’en rend pas compte mais on n’en parle pas. Il mène Alessandro par le bout du nez encore plus qu’on le pense, je suis sûr !

— Allez vas y, vanne moi en plus !

Je rigole de bon coeur. Qui aime bien châtie bien, on l’a toujours su.

— Je pense qu’il est mega fort et qu’il sait très bien mener sa barque ! On pense à tort que c’est un ange avec sa belle gueule, mais ouais t’as raison je crois ! Alessandro il cède a tout en plus, il s’en cache même pas. Il est incapable de lui résister !

— C’est dingue parce que c’est quelqu’un de timide et d’introverti mais avec Alessandro, c’est totalement autre chose. Leur couple me fascine, parfois.

Jamais d’éclat de voix, de dispute. De pic. Jamais rien qui va de travers. En un regard tout est clair alors que nous on galere à se comprendre avec des mots.

— Avec lui il a pas peur d’être lui-même.

Je dis, avant de me reprendre.

— Enfin je pense pas qu’il ai peur avec nous, c’est pas ça. C’est plus... Comme s’il n’acceptait d’être entier que pour Alessandro. Comme une sorte de cadeau à son mari. C’est assez fascinant t’as raison. Ils ont une façon de s’aimer que j’avais jamais vu nulle part.

Et pourtant on est tous en couple, et on s’aime tous très fort, avec les inconvénients et les avantages de nos vies.

— Mais ouais ! T’as raison ! C’est un peu ça, en fait. C’est comme un cadeau.

Moi non plus j’avais jamais vu ça nulle part et pourtant des histoires d’amour de dingue, on en est clairement entouré. Mais eux c’est jamais pareil.

— Y a une espèce de pudeur et de retenue quand on est là qui n’existe certainement plus quand on s’en va. Je les regarde avec des étoiles dans les yeux parfois. C’est fou. En tout cas, Luca cache bien son jeu. J’en suis sûr. Mais c’est beau qu’il garde ça pour Alessandro.

— C’est sûrement pour ça qu’ils aiment autant leur chez eux. Là-bas c’est l’endroit où ils sont eux pleinement ! J’aimerais bien être une petite souris et voir comment ça se passe dans la maison à ce moment là !

Je rigole en imaginant ce que ça doit pouvoir donner.

— Tu penses que c’est pour ça qu’ils ne veulent pas d’enfants en vrai ? Pour être juste tous les deux ?

— J’en sais rien... peut-être que ça joue mais Luca m’a déjà dit que c’était trop dur de perdre ses parents jeunes et qu’il ne voulait pas avoir des enfants et les faire souffrir aussi. Ça doit être un tout.

Je dis alors qu’on arrive à l’hôtel. Je fais un crochet par l’accueil pour commander le dessert et puis on rejoint notre chambre.

— J’ai mal partout comme un ptit vieux.

Je dis en me laissant tomber sur mon lit.

Pendant qu’il se laisse tomber sur le lit, moi je jette mes chaussures à l’autre bout de la pièce. Il fait tellement chaud que c’est à peine supportable d’être autrement que pied nus.

— C’est ça d’être un super-héros !

Je rigole en me laissant aller à côté de lui pour lui faire un énorme câlin.

— Toi par contre le jacuzzi tu devrais y rester un peu plus longtemps. Ça va te détendre un peu, ça te fera du bien. Je serais là à côté de toute façon !

Je poursuis aussitôt pour qu’il comprenne que non, je ne resterais pas plus de dix minutes.

— Ouais, on verra.

Et on a bien vu : quand elle est sortie, moi aussi parce que ce qui me détend le plus c’est d’être blotti contre elle à lui faire des papouilles en l’écoutant me parler de ce qu’il va falloir faire au niveau de la semaine après Disney - question d’organisation.

C’est quand elle m’a parlé de rencontrer un gars qu’Alessandro lui a recommandé et qui serait prêt à venir vivre avec nous en Angleterre que je me suis endormi. Enfin je crois. C’est la dernière chose dont je me souviens, en tout cas.