Polynésie — Famille Saint-Clair

— Ok bah je tâte le terrain cet après-midi en allant y faire un tour et demain, on va en acheter chacune une paire !

Ça risque d’être un moment en famille mémorable. J’ai déjà hâte d’y être.

— Génial ! Elle va adorer !

Je le regarde avec un grand sourire. Il est trop beau.

— Je suis fatigué, Mattie. Je pense que je vais aller dormir maintenant. Je me sens pas très bien:

Je sens que ça redescend et je préférais dormir.

— Vas y mon Bébé. Je gère nos trois enfants !

Je plaisante en jetant un coup d’œil à Aria et aux chiens.

— Et quand on rentre, on te ramène le meilleur repas du monde.

Il a déjà bien tenu avec la crise qui n’a été évitée qu’à moitié.

— Tu voudras quelque chose en particulier ? T’as besoin de quelque chose au supermarché ou n’importe ?

— Moi non mais faut regarder les stock d’Aria. Peut-être compote et gâteau sec mais si ça peut attendre, on ajoutera à la liste.

Je dis en réclamant un dernier câlin. J’ai un peu de mal à le lâcher parce que j’ai pas trop envie d’être seul, mais je sais que je dois aller dormir. Je le serre contre moi avant de me lever.

— À tout à l’heure.
— Hé tu vas où !!!

Aria arrive en courant et je me penche pour lui faire un câlin.

— Je vais dormir un peu.

Elle me serre fort fort et elle retourne jouer. J’ai tellement de chance.

Quand Gabriel va se coucher, je profite encore un peu de la terrasse en regardant Aria faire je ne sais quoi avec les chiens. Ils sont ses cobayes pour tout et rien, c’est adorable.

J’en profite aussi pour envoyer un sms à Adam. Je le remercie de sa connerie et je lui rappelle que Gabriel, en plus d’attendre du soutien de son grand frère, est bipolaire et vient de remettre toute sa vie en question à cause de lui. J’en rajoute peut-être un peu, mais ça ne peut que lui faire du bien.

Finalement on va au skate Park en famille, Aria est aux anges et quand je lui dis qu’avec papa on va s’acheter des rollers tous les trois, elle court se jeter dans l’herbe pour me montrer sa joie.

Je sais que Gabriel dort, mais je lui envoie tout un tas de photos. Il aura une jolie surprise au réveil.

Quand j’ouvre les yeux, je prends immédiatement mon portable. 18 h 45. J’entends du bruit dans la salle de bain ; ils sont rentrés. J’ai plusieurs messages de Matthew et un de mon frère. Je n’ouvre que ceux de Matthew. Que des photos d’Aria et lui.

Ça me fait sourire.

Je prends le temps de vraiment sortir du sommeil avant de me lever pour les rejoindre. Les sacs McDo sont sur la table basse, on va manger dès qu’ils sortiront alors je prépare le canapé, je choisis un dessin animé qu’Aria n’a jamais vu et je vais fumer rapidement. Juste le temps qu’ils terminent.

Je me sens mieux. Je suis passé à la cigarette électronique, pour de vrai. Plus de vraie cigarette. Ça sent moins mauvais et c’est plus agréable pour tout le monde. Je prends des trucs un peu fruité et Aria pense toujours que je vais manger des bonbons sur la terrasse parce que j’aime bien. C’est mieux. Alors j’ai toujours des bonbons dans les poches au cas où elle m’en demande un. Je n’ai pas envie d’être un mauvais exemple.

Quand on sort de la salle de bain, j’ai du mal à retenir Aria qui court dans notre chambre. Manque de chance, Gabriel s’est levée entre temps et la tête d’Aria quand elle le réalise vaux tout.

— Il est où papa ?
— J’en sais rien ! Faut le trouver !
— PAPA !

Elle crie en s’enfuyant dans la maison et après un deuxième cri, je comprends qu’elle l’a trouvé. J’ai pas beaucoup à avancer pour les trouver sur la terrasse.

— Coquin !!

Heureusement qu’elle n’est pas discrète. J’ai le temps de cracher la fumée et ranger ma cigarette.

— Salut mon cœur ! C’était bien ??

Elle m’imite des sauts pendant cinq minutes avant de se rappeler que ça sentait le bonbon.

— Et moi papa ? S’il te plaît !

Je sors un petit bonbon de ma poche. On dirait qu’elle a trouvé un trésor et elle court le montrer à son père. Des règles, y en n’a pas beaucoup à la maison mais si on doit en retenir une seule c’est que le secret n’existe pas entre nous et qu’on se dit tout. Tout le temps. Même si c’est pas important, même si c’est dégoûtant. On se dit tout. Parce que la première fois, elle avait chuchoté en me disant qu’elle ne le dirait pas à papa. Certainement ma mère qui pensait l’acheter en lui donnant des bonbons en secret. Mais j’ai dit que c’était pas un secret, qu’on n’avait 0 zéro secret pour ses papas. Alors maintenant, elle est super fière de me trouver sur la terrasse à temps.

Je les rejoins au salon.

— Apparemment c’était génial ?

Je demande en allant faire un câlin à Matthew.

— Autant génial que le bonbon magique qu’elle a dans la bouche ? Je ne suis pas sûr !

Elle a des étoiles dans les yeux, comme si son père venait de lui offrir une merveille. Elle se satisfait de tout, c’est génial.

— Mais oui, c’était génial ! On va adorer faire du roller tous les trois, j’ai aucun doute !

J’affiche un pâle sourire. Je sais qu’il déteste que je fume et j’espère qu’Aria croira longtemps que je mange des bonbons sur la terrasse. J’aurais trop peur qu’il m’en veuille.

— J’ai hâte de tester ça. Dès que je sors du boulot on file au magasin.

— Fais pas cette tête là.

Je murmure à son oreille en entourant sa taille.

— C’est une superbe idée que t’as trouvé pour les bonbons. Toi tu te détends et elle aussi, à sa façon.

En le voyant arrêter de lui même, j’ai compris combien j’avais été stupide il y a quelques mois de le forcer de manière sournoise.

— On viendra te chercher au cabinet ! Aria aura bien besoin d’un pansement de son papa quelque part.

— Merci.

Ça me fait du bien de me sentir soutenu. Je l’aime tellement.

— J’en ai pris des fluo en plus, histoire de changer un peu. Je me suis dit que ça serait sympa si elle se cogne encore le front.

La dernière fois elle a voulu que je lui mette en plein milieu du front parce qu’elle a fait un choc avec Balti. Elle me tue.

— Non mais t’imagines ?

Je demande en explosant de rire.

— On va arriver avec notre fille qui a un pansement fluo sur le front pour lui acheter des rollers ! Ils vont croire qu’on la prépare pour le cirque du Soleil.

— Je l’aime tellement. Ça me fait peur des fois.

J’ai peur des les perdre.

— T’as pas à avoir peur mon Bébé. On sera là à chaque instant, quoiqu’il arrive.

On est déjà une famille unie, ça ne changera pas.

— On n’aura pas une relation comme tu as avec tes parents. Je sais que ce sera pas le cas et qu’elle nous aimera toujours aussi fort qu’on l’aimera.

Mon portable vibre dans ma poche et quand je vois que c’est, encore, Adam je soupire. J’ai très envie que Gabriel parle avec lui et entende ce qu’il pourrait lui dire, mais j’espère aussi que ça ne lui fera pas plus de mal.

SMS d’Adam à Matthew
Est-ce que Gabou est avec toi ? Ça fait presque une dizaine de fois que je l’appelle, il ne réponds pas… Je sais que je ne suis pas le meilleur grand frère qu’il aurait pu avoir, mais jamais je lui ferais du mal consciemment tu sais.

— J’ai envoyé un sms à ton frère qui essaie de te joindre depuis un petit moment apparemment.

Je l’informe en embrassant sa joue.

Je hoche la tête avec un sourire. Il me rassure avant que ça parte trop loin dans ma tête. Je sais que je vais avoir quelques jours de flottement et que tout et rien pourrait déclencher une crise d’angoisse mais il sait s’y prendre, il a réponse à tout.

— Oui, j’ai vu qu’il avait appelé. J’ai laissé mon téléphone dans la chambre.

— Tu veux que je lui dise de te rappeler dans quelques jours ?

Je lui demande avec un sourire.

— T’es pas obligé de lui répondre si t’en as pas envie.

Il n’a pas à se forcer, quand bien meme Adam serait rassuré. Il doit penser à lui avant tout et moi, c’est clairement à lui que je pense avant n’importe quoi d’autre.

— Mais il veut quoi ? Il s’est déjà excusé. C’est bon.

Je demande, un peu perdu.

— C’est de ma faute.

Je pince les lèvres en une petite grimace.

— J’ai voulu le secouer un peu, lui faire réaliser à quel point ses conneries pouvaient y atteindre. Parce que ça me rends dingue d’avoir l’impression que personne n’a conscience de comment tu vis les choses une fois à la maison. C’est pas parce qu’on rentre que t’oublies ce qu’ils ont pu faire ou dire, c’est tout.

— Ah.

Je m’approche pour lui faire un câlin.

— Merci, Mattie. Mais tu sais, j’attends pas d’eux qu’ils comprennent et je crois que je m’en fiche. Tant qu’Aria et toi vous comprenez, c’est le principal. Tu peux lui dire que j’ai envie de parler à personne pour l’instant, c’est tout. J’ai besoin de prendre une pause et je m’en fiche qu’ils comprennent pas pourquoi.

— Tu m’en veux pas alors ?

Quand je le serre contre moi, je me sens tellement mieux. Plus que n’importe ou ailleurs.

— Je vais lui envoyer un message, pour qu’il arrête un peu. C’est toi qui compte le plus. T’as raison, tant pis s’il ne comprends pas.

— Non, bien sûr que non. Ça me touche, même. Tu prends soin de moi même quand je le sais pas…

Je dis avec un petit sourire. Maintenant je comprends mieux pourquoi parfois Adam revenait vers moi alors qu’il n’avait pas forcément compris sur le coup qu’il m’avait blessé.

— C’est toi et moi et Aria. C’est notre famille. Je compte pas plus que vous. Et je veux pas que leur comportement m’affecte parce que je sens que ça me touche vraiment profondément. Et après mon comportement vous affecte vous. Et je veux pas. Alors je fais une pause.

— On va faire une pause tous ensemble, en famille.

Je lui rends son sourire. Je lui dis pas toujours tout quand ça concerne ce que je peux dire à sa famille, mais je fais mon devoir mon mari. Parce que je l’aime.

— La messe du mardi, nos sorties en famille pour s’aérer et une petite coupure des téléphones quand on est tous les trois ça peut pas faire de mal non plus, pas vrai ?

Si on les laisse loin de nous, c’est pas un drame.

— Ça me va. Et Aria reste avec nous.

Elle va pas aller chez ma mère. J’en ai marre d’entendre qu’elle a été « turbulente ». Elle est pas turbulente, c’est elle qui veut des enfants statue. Mais qu’elle soit prête parce qu’Aria saura répondre un jour et je pense qu’à ce moment là, elle la trouvera insolente.

— Par contre faut qu’on invite Romie et Edouard.

— Évidemment qu’elle reste avec nous ! On a pas besoin d’une nounou dans les faits, je bosse de la maison. Et comme tu l’as si bien dit, contrairement à ton frère t’as une belle famille. Si on avait vraiment besoin, ma mère pourrait s’occuper d’Aria.

A jouer aux cons, ils vont forcément perdre. C’est dommage pour tout le monde, mais si on doit passer par là pour que ça se secoue, on le fera.

— Appelle là et voit ! Ils peuvent venir manger n’importe quand ! Sauf mardi soir du coup !