Lune de Miel a Hawaii - Luca & Alessandro

— Oui !

Je dis avec un large sourire. Je craque une allumette et je la jette dans le feu. Ça s’enflamme d’un coup. Whoaaaa !

— Mais j’ai allumé le feu !!! Pfiou, on va avoir bien chaud ! C’est une super idée !

— On va avoir chaud et manger ! Le bonheur !

Et tout ce qu'il faut pour qu'il aille le mieux possuble et profite.

— On attends que ca prenne un peu et on lancera les brochettes ! Merde ! J'aurais du te filmer en train d'allumer !

— Les brochettes ? Les brochettes de quoi ?

Je demande avec des étoiles dans les yeux.

— Bah c’est pas grave, prends moi en photo devant ! Je fais les pouces !

Je dis en prenant la pause tout de suite avec un sourire trop fier.

Il est radieux et je le prends en photo sous tous les angles.

— Je vais faire un nouvel album je crois.

Je souris en reposant l'appareil.

— ''Mon mari, ma vie.''

Je titre avec les mains, tel un dramaturge italien.

Je pouffe de rire.

— N’importe quoi ! Hey tu peux m’envoyer la photo ? Je voudrais l’envoyer à Tristan et à ta maman ! Enfin non, demain. Ça peut attendre !

Je dis en allant lui faire un câlin.

— Alors, qu’est-ce qu’on mange ? J’ai un peu faim !

— Tu peux l'envoyer le temps que je gère ca si tu veux.

Je lui montre la glacière d'un signe de tête. La photo arrive rapidement sur son portable et moi je lâche tout pour m'atteler au repas. Le premier que je fais depuis notre arrivé.

— Brochettes de poulet aux epices ! Brochettes de boeuf au fromage ! Et brochette de boulette de j'sais pas quoi...

J'avoue en voyant les boulettes, sans me rappeler à quoi elles sont.

— J’adore tes brochettes de bœuf au fromage !!

Une fois, on a commandé japonais dans un truc d’une ville voisine et j’ai été malade toute la nuit — et forcément, toute la semaine suivante était horrible — alors Alessandro a appris a faire lui même les choses que j’adore chez le japonais pour ne plus qu’on ait de mauvaises surprise et c’est pour ça que je l’aime. Il a des solutions pour tout.

Je prends quelques secondes pour envoyer me messages, tout fier, et je repose mon portable pour aller aider Alessandro.

— Ça sent hyper bon. Les boulettes c’est la recette d’Annie, non ? Je reconnais l’odeur.

— Oui c'est ca ! Du coup tu te rapelles peut-être de ce qu'il y a dedans ? C'est Annie qui s'en est chargé, moi j'ai fais les boeufs tu te doutes bien.

Je glisse tout ca sur le feu, doucement, et je réalise que faire ça ensemble c'est génial.

— Regarde la dedans aussi ! J'ai fais des légumes tranchés, on peut faire nos propres brochettes ! Tu me fais la mienne ?

Je le taquine en lui tendant deux pics a brochettes.

— Non, je sais pas trop. Je crois que c’est des boulettes de veau avec quelques herbes. Je en sais pas exactement ce qu’elle met dedans. Mais du veau et de la mozzarella, ça je suis sûr !

C’est en prononçant mozzarella que je réalise que je cherche un peu moins mes mots en anglais. Ça me fatigue moins.

— Ah oui, je te la fais !! Whoaa maos y a le choox !! Ça va être tellement bon !

— C'est une nouvelle première fois pour nous, j'ai pas rigolé !

Je lui souris alors qu'on fait chacun cuire des brochettes par ci par là. On pioche un peu partout, je mange ses brochettes et lui les miennes, on est seuls au monde. Comme d'habitude.

— C'était quoi ton rêve quand t'étais petit ?

À cause de sa maladie, il a grandit plus vite que n'importe qui, mais il a aussi été un enfant insouciant un jour et je suis curieux de savoir aussi quel enfant il était.

— Bah...

Quand j’y pense... je suis assez perturbé parce que c’est le vide complet. Je reste de longues secondes sans savoir quoi répondre, un peu béat.

— Je m’en souviens pas.

Je sais qu’il n’attendais pas cette réponse, malheureusement, mais c’est tout a fait le genre de souvenir que mon cerveau n’a pas jugé utile de préserver.

— Mais je jouais beaucoup à la banque. Peut-être que je rêvais d’être banquier. Ah et j’avais une grande collection de pierre. Alors peut-être que je voulais être... tu sais, ceux qui étudie la roche et les pierres précieuses. Ou alors je rêvais de pouvoir rester sous l’eau plus de 45 secondes. J’ai lu dans un Journal Intime que mon père m’avait raconté que je faisais beaucoup de compétition d’apnée contre moi-même. Max 37 secondes. J’avais 5 ans. En fait, je ne sais pas trop à quoi ça ressemble un rêve d’enfant. Mon rêve c’est d’avoir une greffe pour rester avec toi le plus longtemps possible. Mais mon cas n’est pas encore assez grave pour être sur la liste. Avoir un chien. Ça, je suis sûr que c’était un rêve !

Et si ca l'était ? Si son cas c'était empiré, si on le réalisait pas mais qu'il devait se faire opérer, là, bientôt ? Et si à force de tirer sur la corde elle finissait par lâcher ? Je ne survivrais pas sans lui.. Comment on peux être sûr qu'il ne peux pas être sur la liste si on ne demande pas ?

—Je suis content d'avoir réaliser ce rêve pour toi. Roméo est ton bébé.

Je souris en m'asseyant encore un peu plus près de lui. Comme si on n'était pas déjà collés.

— Tu m'aurais battu à plates coutures dans l'eau ! J'ai un très bon niveau de sport, mais l'apnée c'est une catastrophe. Mes instructeurs voulaient me jeter des pierres.

Je rigole en repensant à mes années d'école militaire.

— Dis..., je poursuis finalement, incapable de me taire. On peut essayer de s'inscrire sur cette liste tu crois ? Ça fonctionne comment ?

— Aujourd’hui je tiens quoi.. cinq secondes ? Et encore.

J’évite de retenir mon souffle. J’ai déjà du mal à récuperer d’un hoquet ou d’un éternuement alors l’apnée...

— Alors.. bah je m’en souviens plus exactement. Je crois que je dois faire un bilan pré greffe et à partir de là, mon cas est examiné pour savoir si je suis éligible ou pas. Le problème c’est que j’ai déjà fait des AVC et que c’est un peu une contraindications... style on va pas gâcher un cœur pour rien.

Tout de suite j’attrape sa main.

— T’énerve pas surtout. C’est juste que je suis pas prioritaire. J’ai pas un groupe sanguin qui court les rues et puis... je sais pas. On va se renseigner en rentrant et je vais faire le bilan. Ça te va ?

Il attrape ma main et comme s'il avait prévu mon état, il me demande tout de suite de me calmer et je tente de m'apaiser. C'est dur d'entendre ce genre de choses, d'entendre qu'il n'est pas prioritaire et que ca pourrait gâcher un cœur... Comment il pourrait aller mieux et arrêter de faire des AVC s'il n'a jamais un nouveau cœur ?

— Si tu te sens prêt, si ça te tiens autant à cœur que moi, j'aimerais beaucoup oui. On restera à l'hôpital plusieurs jours si y'a besoin, je sais pas comment ça se passe, mais je te suivrais au bout du monde de toute façon. La preuve.

Je souris en regardant cet endroit merveilleux.

— Alors on s’occupera de ça en rentrant. Pas pour le moment. Et n’y pense plus car d’Hawaii on ne peut rien faire.

Je trouve le chemin de ses bras pour lui faire un câlin.

— Est-ce qu’il y a un dessert ?

— J'y pense plus, je le garde pour notre retour. Pour l'instant, je passe le réveillon avec mon mari.

Je le laisse se blottir dans mes bras, en sortant les paquets du bonheur.

— Chamallows grillé t'as déjà goûté ? C'est genre... Une des meilleures choses que j'ai jamais mangé !

— C’est vrai ?? J’ai jamais mangé ça ! Whaouuuuh !!! Comment on fait ??

Je dis avec un large sourire. J’aime déjà tellement les chamallows que je n’imagine pas si c’est une des meilleures choses du monde.

— On met sur le pic là ? C’est ça ?

— Exactement.

Je le regarde faire, les yeux remplis d'étoiles. Il en faut peu pour me rendre heureux.

— Puis tu le mets au dessus du feu et ce sera à toi de découvrir comment tu préfères le manger. Légèrement fondu en quelques secondes, ou un peu plus grillé, quand il commençe à se noircir un peu. Je te préviens tout de suite, on va s'en mettre partout, mais on s'en fout.

D'un signe de tête on mets nos chamallows dans le feu et si c'est un truc complètement anodin, je sais que ca ne l'est pour aucun de nous. Ce sont des souvenirs, des souvenirs que j'espère qu'il gardera longtemps. Sinon, je serais toujours là pour les lui rappeler.

— D’accord. Et ça va bruler où je peux croquer dedans tout de suite ??

Je demande alors que mon chamallows commence déjà à griller. J’ai envie de mordre dedans, il a l’air trop fondant.

— Tu peux croquer Trésor ! Ça fonds vite, mais c'est pas brûlant. La magie d'un bonbon avec des trucs qu'on connaît pas trop dedans. Goûte !

Je lui intime en prenant le mien et en gemissant tellement c'est bon.

— Alors ?!

— C’est chaud mais pas de trop !

Je dis en croquant dedans.

— Hmmm c’est hyper bon ! On va en manger jusqu’à plus avoir de place !

Je dis alors que je remets déjà des chamallows sur mon pic.

— Et toi, c’était quoi ton rêve ?

— En effet ça a l'air de te plaire !

Il en mets plus qu'il n'en faut sur son pic et je rigole d'avance, a l'idée de le voir galerer quand tout va fondre ensemble.

— Mon rêve de gosse c'était d'être militaire. On est beaucoup à avoir cette phase je crois, de vouloir être pompier, flic ou militaire. Moi c'est devenu réalité !

— Ah bon ? Tu crois que j’ai voulu ça moi aussi ?

Je demande avec intérêt ; je ne m’imagine pas avoir envie d’être pompier ou militaire ou policier. Peut-être médecin ou fleuriste mais c’est tout.

— J'imagine que si on t'as mis devants des dessins animés, t'as forcément voulu l'être. Peut-être que deux semaines, mais au moins un peu. Y'a une espèce de fascination autour de ces métiers là chez les gosses, c'est assez flippant quand on y pense d'ailleurs.

Je réalise en riant.

— Mais en même temps, je t'imagine tellement pas dans ces métiers là. T'es tellement posé et méticuleux, t'aurais sûrement fait de longues études et t'aurais été premier de ta promo à tous les coups.

Je hausse les épaules. Je pense qu’il m’imagine bien plus intelligent que je ne le suis vraiment. Moi je ne m’imagine pas tout ça.

— Je pense pas que j’ai voulu ça un jour. Peut-être que j’ai voulu être peintre ou fleuriste. Ou maitre. Médecin. Peintre ou fleuriste ça me parle plus quand même.