Brisé - Gabi et Mattie

C’est ce que j’avais cru comprendre aussi, mais Romie n’en parle pas beaucoup. Ils continuent d’espérer d’avoir de la chance.

— C’est dans ce genre de moment que je comprends qu’ils aient pourri gâté Josephine.

Je dis dans un soupir avant de me redresser.

— Je vais t’aider à te laver, Mattie. On va sortir comme ça tu pourras lui envoyer un message. Et tu pourras lui dire que tu t’es pété la jambe.

Il voudra certainement passer, j’en n’ai aucun doute.

— Ouais, j’imagine que ça joue…

J’attire Gabriel à moi pour l’embrasser avant qu’il se redresse totalement.

— Le monde entier va se foutre de ma gueule en sachant comment je me suis fait ça. J’ai hâte que ça se sache.

Je rigole un peu.

— Tu veux que je me redresse un peu ? Dis-moi ce qui est le mieux pour ma jambe et pour toi

— Vu la gravité de la blessure, crois-moi que c’est seulement quand tu seras rétabli qu’on commencera à en rire.

Là, je l’entends encore me téléphoner pour me dire de venir et j’ai pas la patience avec les gens qui trouveraient ça marrant.

— Bouge pas, t’es bien comme t’es là.

Je l’aide à se laver, je le rince et je me lave aussi.

— Bon… je vais essayer de te rassoir sur le bord. Je te soulève à…1… 2…

Et je le soulève difficilement mais j’arrive à le rassoir. Putain. Dans ce genre de moment, je regrette d’être un gringalet. C’est tellement facile pour lui de me ramasser par terre quand je fais une crise !

— Bouge pas, hein. Je vais t’essuyer.

Je suis un peu essoufflé mais je me dépêche d’enfiler mon peignoir et de le sécher correctement à la serviette avant de lui passer son peignoir aussi,

— Allez, on va s’habiller dans la chambre et on bouge plus du lit.

J’ai eu ma dose pour aujourd’hui, je vais commencer à voir des étoiles.

—Ça va aller ?

Il est vachement essoufflé et si je n’avais pas peur de le blesser, je lui dirais que j’accepte volontiers qu’il se remette au sport avec moi. Alors que tout ce qu’il fait la, c’est uniquement pour que moi je me sente bien.

— Je peux pas faire beaucoup de choses, mais y’a quelque chose qui pourrait t’aider ? Ou qui te ferait plaisir ?

Je lui demande en cherchant mes béquilles pour qu’il ai un peu moins besoin de solliciter tout son corps.

— Oh oui. Je crois que sortir de la baignoire c’est le pire, maintenant que c’est fait, tout me semble facile.

Je dis alors qu’on rejoint la chambre.

— Tu t’assois sur le lit ? Je fais rentrer Poppy, je prends mes médicaments pour les avoir à portée de main et j’arrive.

— Désolé, je pensais pas que peser aussi lourd pourrait devenir un inconvénient pour toi un jour… Mais t’es génial.

Il a une telle volonté de m’aider, ça me touche enormement.

— Je t’attends la. Tu veux que je nous choisisse un film ? Ou une série ? T’as envie de quoi mon bébé ?

— Bah je pensais pas aussi. Mais j’adore que tu pèses lourds. J’ai juste l’impression d’être un mikado là.

Je dis dans un soupir.

— Une série c’est bien ! Tu peux en prendre une longue, à mon avis, on a du temps à tuer là !

Je dis en allant chercher Poppy sur le balcon. Je nettoierai tout demain, là, je n’ai absolument pas la force, ni l’envie.

— Allez Poppy, viens. Va dans la chambre !

Elle me saute dessus, elle est surexcitée et je réalise que c’est l’heure de manger pour elle. Ah oui. Tout un tas de choses auxquelles je n’ai pas à penser d’habitude.

— Attends.

Je lui prépare sa gamelle et je la pose dans la cuisine.

— Viens nous rejoindre après.

Je récupère ensuite mes médicaments et je rejoins Matthew dans la chambre ; il est assis sur le lit, tout nu, en train de choisir une série. Ça me fait sourire.

— Juste un caleçon ça ira ?, je demande en fouillant dans la commode.

— C’est parfait ! Poppy est pas avec toi ?

Ça m’étonne, elle nous colle partout. Souvent quand je travaille, il faut carrément qu’elle vienne se mettre entre l’ordinateur et moi. Au cas où j’oublie qu’elle existe. Elle ressemble bien à Aria pour ça, on ne peut pas les oublier les deux femmes de la maison. J’ai hâte qu’Aria arrive demain et qu’on soit au complet.

— J’ai trouvé une série policière, quatre saisons de vingt cinq épisodes chacune. Ça semble aussi long qu’on le voudrait.

— Elle mange. Elle va revenir rapidement, t’en fais pas.

C’est l’ombre de Matthew cette chienne. Ça me fait sourire qu’il soit inquiet de son absence.

— C’est parfait, merci. J’ai pris du pain de mie aussi, pour un sandwich rapide, si jamais t’as faim. T’as besoin d’autres choses ? Sinon, je ne me lève plus que pour les toilettes jusqu’à demain… !

Je dis en riant.

— Puais pardon, j’ai l’habitude qu’elle soit partout avec nous. Je suis un papa gâteau.

J’ai même pas envie de penser au jour ou Aria déménagera et Poppy avec elle.

— Mais merci tu l’avoir nourrie. Avec tout ça j’avais carrément oublié !

Je suis encore dans le gaz, c’est trop.

— T’es génial ! J’ai besoin de rien sauf de toi à côté de moi. Et après on bouge plus. Y’a encore la bassine au cas où je vomis en plus.

— Je m’en occupe. Je travaille pas, je peux au moins faire tout ça. Tu le fais toute l’année. Et merci d’ailleurs.

Je dis en l’aidant à enfiler son caleçon.

— Voilà !

Je l’aide à se coucher, je surélève un peu sa jambe et je vais me blottir immédiatement contre lui après m’être habillé aussi.

— Parfait ! Mon dieu j’espère ne plus vivre de journée aussi stressante que celle là avant au moins 45 ans. Merci.

— Me remercie pas, je passe mes journées ici c’est la moindre des choses.

Moi aussi je bosse, mais avec autant de rythme et de rigueur que lui.

— Promis, je vais tenter de plus recommencer ce genre de dinguerie. Au pire une petite entorse du poignet, mais pas plus.

Je rigole en me serrant contre moi.

— Merci encore pour tout ce que tu fais..

— Tant que y a pas d’opération…

Je dis avec un pâle sourire. Ça et la voiture, c’était le pire.

— C’est normal. Je ne te rends même pas 10 % de ce que tu me donnes depuis qu’on est ensemble alors franchement…

— Mais t’es sérieux ?

Je lui demande en me tournant vers lui.

— Déjà t’as rien à me rendre, on est amoureux pas en troc. Et puis 10% ? C’est vraiment ça que tu penses Gabi ?

— Bah… oui ? J’ai sauté d’un pont quand même. Et t’as dû gérer ça. Et tu gères toutes mes crises constamment.

Je dis avec sérieux. J’ai conscience de tout ce qu’il fait, tout le temps. Grâce à lui j’arrive à être médecin. Tout son argent nous facilite constamment la vie. C’est grâce à lui, si on a Aria.

— Et aujourd’hui tu fais la même chose pour moi. Je fais peut-être pas le même genre de crise que toi, mais quand je vais mal t’es aussi là pour moi. Toutes les fois où Aria s’est cassé quelque chose et où j’ai paniqué. Toutes les fois où je me fais harceler par des journalistes et que tu leur dis d’aller se faire foutre. Chaque fois que j’ai un coup de blues. T’as fais faire un dessin de notre fille et de mon père, pour que je les vois ensemble chaque jour. Tu m’accompagnes à chaque fois que je vais sur sa tombe parce que tu sais que même trente ans après j’ai pas complètement guéri du fait qu’il soit mort si tôt. Y’a même pas de calcul à faire, mais si je devais en faire un, tout ça c’est loin de faire que 10%.

Il réalise toujours pas après autant d’années tout ce qu’il m’apporte. Ça me rends triste. Toute sa vie il se verra comme quelqu’un qui n’est pas aussi bien que les autres. Alors que c’est faux.

Quand il liste tout, je sens mon cœur s’envoler parce que je suis pas si nul. J’ai toujours l’impression d’abuser de son temps et de son argent. De lui. Au fond, je sais que non, mais la plupart du temps… j’ai l’impression que anciens amis continuent de me juger – et ils ne sont pas les seuls, je pense que ma propre sœur le pense aussi.

— Je trouve ça normal et puis… oh putain ! Mais j’ai pas prévenu ta mère ! Faut que tu l’appelles ! Ou au moins un message si tu veux l’appeler demain ! J’ai oublié !

— Merde ! Il est quelle heure ? Pas trop tard ?

Elle va vouloir venir ici demain à la première heure, mais s’il est trop tard elle va dormir là dessus et paniquer toute la nuit.

— Non, il est 19 heures ! Je suis désolé, j’y ai pensé tout à l’heure mais t’es sorti de la salle de réveil à ce moment-là et j’y ai plus pensé ensuite.

Je fouille dans le lit pour trouver son portable.

— Tiens. Préviens là quand même.

— T’excuses pas ! J’y ai pas pensé non plus… Je vais l’appeler, pour la rassurer. De toute façon si j’envoie un texto, c’est elle qui rappellera.

Je la connais par coeur. Et je la comprends, depuis que je suis parent moi aussi.

— J’en ai pour deux secondes mon Bébé.

Un peu plus que ça en vérité. Si je l’écoutais, elle prendrait un taxi et arriverait dans l’heure.

— T’en fais pas maman, Gabi prends soin de moi. Il gère comme un chef depuis tout à l’heure.
— Mets moi sur haut parleur que je lui dise merci ! Et bonjour !

— Bonjour Louise ! Je suis désolé, j’ai complètement oublié de vous prévenir avant… si ça vous va, on brunch demain ? Vous venez vers 11 heures ?

Plus tôt, y a des chances que j’y survive pas.

— Prenez de quoi dormir demain soir, Aria sera contente que vous restiez !

C’est souvent le jeudi soir qu’elle nous rend visite, justement parce qu’Aria n’a pas école le lendemain. Ça ne changera pas de d’habitude comme ça.

Qu’est-ce qu’il a pas dit la. Maman est déjà en train de lister tout ce qu’elle pourrait ramener pour nous aider.

— On t’attends demain alors maman ! Passe une bonne nuit. Et t’inquiètes surtout pas, mon mari s’occupe de moi.
— Prends bien soin de lui Gabriel. Et secoue le quand même un peu s’il en profite !

Je lève les yeux au ciel en riant, mais je l’embrasse quand même avant de raccrocher.

— J’espère que t’es prêt, demain elle va arriver avec à manger pour toute une semaine.

— Bah j’vais pas dire non, ça me va de manger ce qu’elle ramène, c’est toujours hyper bon.

Tant qu’elle me laisse m’occuper de Matthew – et je sais qu’elle le fera – ça se passera bien. Ça se passe toujours bien, avec sa mère. Au tout début de notre relation, il n’osait pas trop me l’imposer et, de toute façon, j’étais déjà pas prêt pour la vie avec lui alors sa mère en plus… mais finalement, c’est moi qui ait beaucoup demandé après elle et nettement plus depuis qu’Aria est dans nos vies. On a passé des étés entiers à l’étranger avec elle et Louise est bien plus une mère pour moi que ne l’a été ma mère à certain moment de ma vie. C’est triste, mais c’est réel. Si demain elle n’était plus capable de vivre seule, je serais le premier à proposer de la prendre chez nous. Chose que je ne ferai certainement pas avec ma mère.

— Aria va être contente ! Elles iront se balader vendredi. Ça fait une éternité qu’elles ont pas fait de shopping.

— Ça va lui permettre de sortir quand même un peu ce week-end. Tu pourras aller avec elles même si tu veux ! Je peux m’occuper de moi pendant quelques heures.

Au pire si j’ai envie de pisser, je me retiens. C’est pas bien compliqué.

— Parce que tu crois que tu vas pas sortir ?

Je demande avec un sourire.

— Je vais vraiment aller chercher le fauteuil de Logan. Hors de question que tu restes enfermé pendant des mois. On pourra prendre tes béquilles si tu veux marcher un peu aussi. Enfin… sauf si t’as pas envie qu’on te prenne en photo comme ça ?