Brisé - Gabi et Mattie

— Ouais j’en ai ! Mais c’est vrai que ça pue la mort ce truc ! Vous allez me suivre à la trace dans l’appartement d’ici quelques temps.

Quand c’est Aria c’est pas pareil, c’est notre petite merveille. Mais devant mon mari, quelle classe.

— Papa a l’habitude en plus, avec toi il a eu de l’entraînement !; je la taquine un peu. Je suis un peu plus lourd que toi, mais tu l’aurais vu tout à l’heure, il a été super ! J’aurais pu lui broyer l’épaule, mais il a rien lâché.

Je jette un œil à Gabriel en souriant.

— Tu te reposeras un peu avec nous comme ça. Je pense que je vais pas faire grand chose pendant les prochaines semaines. Est-ce qu’il serait pas temps que j’écrive mon autobiographie de star de la télé ?

— On va voir si on passe pas à l’attelle d’ici quelques semaines.
— Moi je préfère l’attelle.
— Oui mais toi, tu risques pas de la retirer sur un coup de nerf.

C’est aussi pour ça que j’hésite avec Matthew. J’ai envie qu’il guérisse le plus vite possible. Je lève les yeux au ciel quand il dit que j’ai été super.

— Waaa papa !! Comment t’as fait ?? Moi j’arrive à peine à soulever la jambe de Flynn !
—T’y arriverais si c’était pour l’aider.
— Awwwwwww c’est trop beau l’amour !!!!

Je lui jette un regard blasé, mais au fond, ça me fait sourire et je laisse Matthew me blottir contre lui, sans raler.

— Tu veux écrire un livre ? Demande à tonton, il te fait ça direct !

— Tour de suite ça parle de coup de nerf… Peut-être que je resterai calme, on sait pas.

Même si au fond, je préfère l’écouter lui. Il me connaît et il sait que ça peu vite partir en vrille.

— Évidemment que tu y arriverais. On est des guerriers dans cette famille, par amour on arrive à tout faire !

Gabriel est blasé, en apparence. Il en pense pas moins, mais il ne va simplement pas l’admettre ici.

— Quoi ? Mais j’en sais rien ! Je disais ça comme ça ma puce. Tonton il a autre chose à foutre que de publier un bouquin où je raconte mes années bachelor et comment -
— C’est tes parents ?

Tout à coup je vois la tête de Flynn sur l’écran et ça me fait rire.

— Coucou Matthew ! Coucou Gabi ! Comment ça va alors ? T’as pas trop mal ?

Je pouffe de rire, parfois le second degré passe au-dessus d’Aria et c’est toujours très drôle.

Flynn arrive dans le champ et ça me fait sourire. J’aimerais bien lui dire que s’il n’était pas aussi doué en skate, on n’en serait pas là, mais je ne dis rien parce que je ne veux pas mettre mal à l’aise Matthew.

— Il va avoir besoin de repos !, je dis simplement.

— Ah merde ! C’est mort pour le week-end en roller la semaine prochaine j’imagine…

Il rigole avec bienveillance. Je suis vraiment rassuré pour notre fille que ce soit Flynn auprès d’elle. Elle méritait au moins quelqu’un comme lui.

Je lève les yeux au ciel parce que maintenant, Gabriel va comprendre d’où sortait ma lubie du skate et il va vouloir me peter l’autre jambe.

— Apparemment j’en ai pour plusieurs mois, donc on remets ça au milieu de l’année ? Ça vous va les jeunes ?

— Week-end en roller…?

Je demande en me tournant vers Matthew.

— C’est quoi ça encore ?
— T’aurais fait du vélo si tu voulais, papa !, dit Aria.
— Moi je vais faire du vélo ou du roller ?, je rigole. J’crois pas, non. Aria, t’oublies le rollers ou les trucs qui cassent les os pendant quelques semaines s’il te plaît.
— Mais oui, papa. Je vais faire attention, c’est promis !

J’aimerais bien ne pas avoir deux plâtres à gérer en même temps. Un, c’est déjà beaucoup de stress.

— Tu voulais faire un week-end roller ?, j’insiste en regardant Matthew avec un air blasé.
— Mais mamie était d’accord !, défend Aria.
— Ah oui, pardon. Si Louise est de la partie, ça change tout…

— Comment ça tu crois pas ? Ton cul il vient de vélo à ce que je sache, non ? T’aurais adoré !

Je lui souris en espérant faire passer la pilule, mais je lis suffisamment en lui pour savoir ce qu’il pense.

— Bah un week-end en roulant, ouais ? Vélo, roller, skate…
— Tu voulais pas essayer d’ailleurs ?; poursuit Flynn en me mettant dans la merde.
— Flynn t’es mignon, mais est-ce que tu pourrais éviter de donner mes plans à la vue de tous steuplait ? Parce que je sens que va y avoir un meurtre conjugal sinon.
— Tu t’es cassé la jambe en faisait du skate !!

Il comprends tout de suite, Aria aussi, et c’est le débandade.

— Ouais bah ça fait un moment que j’ai pas fait de vélo donc…

Je dois même plus être trop attirant si j’ai perdu mes fesses. Peut-être que je devrais en refaire ? Je sais que cet été, il est prévu qu’on emmène tous nos vélos…

Je sors de ma rêverie quand ils comprennent qu’il s’est cassé la jambe en faisant du skate parce que ça piaille dans tous les sens et, finalement, l’heure de la pause sonne, ils vont bientôt devoir regagner leur salle d’étude pour les devoirs. Ou leur chambre.

— Le seul week-end roulant qu’il va faire, c’est en fauteuil si son beau-frère veut bien lui prêter le sien. C’est tout.

Aria pouffe de rire.

— Allez mon cœur, on s’envoie une vidéo avant de dormir, ok ?
— Comme d’hab ! Reposez-vous bien ! Je vous aime fort !
— Nous aussi !

— Oh j’avoue faudrait demander à Logan. Histoire que tu puisses me promener un peu dans la nature environnante.

Je le vois pas, mais j’suis sûr qu’il lève les yeux au ciel.

— Bisous mon ange. Travaille bien ! On se voit demain !

Je lui envoie plein de bisous et quand Gabriel raccroche je me sers contre lui.

— Je déteste déjà ce plâtre…

Je lève les yeux au ciel. J’arrive déjà à peine à l’aider à monter dans une voiture alors le pousser dans un fauteuil mais si on arrive dans une pente, il finit écrasé en bas.

— Ouais bah c’est un peu à cause de toi que t’es dedans, j’te signale. Nan mais week-end roulette ? J’étais invité ? Prévenu quand ? Je fais encore partie de la famille ou faut que je postule quelque part ?

— Charmant.

C’est à mon tour de lever les yeux au ciel, mais ça me fait aussi sourire.

— Le formulaire est dans nos papiers, tu l’as jamais vu ? On a demandé à Aria de le signer quand elle est rentré dans nos vies et après on s’est dit que c’était mieux qu’on reste qu’à trois.

Je lui donne un coup de coude pour qu’il me regarde.

— On t’as parlé de ce week-end Gabi, mais y’a super longtemps. T’as eu à peu près la même réponse qu’aujourd’hui genre « je vais certainement pas faire de roller » alors que moi je sais que t’adore faire du vélo. Du coup j’ai dis à Aria et Flynn de choisir un week-end et que pour nous c’était ok. Moi je savais que je pouvais te convaincre que ce serait chouette. Je comptais te proposer une ballade en amoureux ce week-end, à vélo, pour que tu vois que c’était un bon moment. Tu peux demander à Logan, je lui avais demandé de me prêter le sien. Puis après je t’aurais dis que le week-end prochain les enfants aimeraient bien faire pareil. Et je te connais par coeur, t’aurais dis oui.

Je voulais pas le brusquer, ni dire devant Aria et Flynn que j’allais le convaincre parce que je sais comment faire tomber ses défenses. C’était une bonne idée, jusqu’à ce que j’aille aux urgences.

Dans ma tête c’est l’explosion parce que ce qu’il dit ressemble à la vérité mais y a une part de moi qui veut tout casser parce qu’elle hurle en boucle « il t’a rien dit, t’étais pas au courant » et j’ai envie de me cogner la tête dans les murs pour la faire taire.

Je suis en colère ou je suis triste ? Est-ce que je suis en colère parce que j’étais pas au courant ou parce que je suis en colère d’être en colère pour rien ? Je suis triste et en colère. Et je sais pas pourquoi. Est-ce que c’est pas grave ? Oui. Je pense. Mais je déteste pas être au courant parce que si je suis pas au courant, je maîtrise pas la situation. Et comment faire pour aller bien si je maîtrise pas la situation ? Je sais même plus si je suis triste et en colère. Si je ressens rien. Si je suis angoissé ou peiné. Est-ce que c’est tout en même temps ?

Mais c’est rien. J’aurais dit oui. Alors c’est rien. J’ai pas fait de vélo depuis longtemps et j’aime bien.

J’ai un peu mal à la tête maintenant. Et je sens que ma respiration n’est pas très calme. Mais ça va, je pense. Le plus important c’est Matthew. Je déteste quand il est sarcastique, ça veut dire que j’ai encore sûr réagi et que je suis stupide.

Je sais pas combien de temps je me tais et s’il m’a parlé. Je suis un peu confus.

— Tu veux regarder quoi ?

Je passe une main sur mon visage pour m’encrer dans la réalité. Je suis là.

— Mon mari.

Je réponds sans avoir besoin de réfléchir. Ça fait cinq minutes qu’il est en pause. Je déteste quand il fait ça. C’est pas de sa faute et je ne lui en veux pas à lui, mais c’est de loin une des phases les plus dures à gérer. C’est comme ça qu’une crise commence et déjà habituellement elles ne sont pas faciles à gérer, alors avec une jambe plâtrée…

— Je peux tout entendre mon bébé. Avec moi tu peux tout dire. Tu peux crier, hurler, pleurer, tu peux taper si ça te fait du bien. Mais je vais certainement pas lancer un film et faire comme si tout allait bien. C’est mal me connaître d’envisager le contraire.

J’attrape sa main et je passe mon autre bras derrière son dos.

Je le blottis contre lui. Je sens qu’il m’aime et vraiment fort. Ça irradie de lui quand il fait ça. Parce qu’il sait que j’ai besoin de personne d’autre que moi pour me mettre plus bas que terre, on en a déjà parlé un milliard de fois.

— Ça va, Mattie. J’essaie de me raisonner. Et ça va.

Le dire, ça me fait fondre en larmes parce que je comprends que je suis complètement barjot quand je suis obligé de me raisonner pour quelque chose d’aussi futile. Je me sens tellement nul et stupide. Même ma fille est plus mature que moi. Tout le monde est plus mature que moi. Percy l’est certainement. C’est même pas difficile d’être plus mature.

Je me sens repartir mais j’ai pas envie et Matthew serre ma main et ça va mieux. Ça me ramène.

— En plus tu t’es fait mal et t’as été opéré !, je dis en pleurant à nouveau.

J’ai tellement eu peur et j’ai tellement emmagasiné d’angoisses aujourd’hui que ça me tombe dessus d’un coup.

— Si j’avais su pour le week-end je serais venu et peut-être que ce serait pas arrivé !

J’ai l’impression que c’est de ma faute parce que j’étais pas mal. En plus, je pleure alors que c’est lui qui a mal.

— C’est pas parce que j’ai mal que t’as pas le droit d’avoir mal toi aussi. T’as dis toi même que je devais avoir ça pendant des mois. Tu vas pas retenir toutes tes émotions pendant tout ce temps.

J’embrasse son front et je le berce contre moi comme je le peux. Je voudrais avaler toute sa tristesse et la recracher au bout du monde. Malheureusement j’ai pas ce pouvoir. Je peux juste être là pour lui.

— Ce serait arrivé mon bébé. Si je te l’avais dis plus tôt, tout ce que t’aurais gagné c’est une vidéo en direct de ma chute et ça t’aurais fais encore plus peur. Là au moins, t’as pas assister à l’accident. Et je vais bien. C’est chiant et ça va me soûler, mais ça va. Je suis sûr qu’on peut quand même faire l’amour avec ce truc, alors y’a pas de malaise.

— Pff, t’es nul..

Je dis quand il parle qu’on peut quand même faire l’amour. Je réclame quand même un baiser et je me reblottis contre lui. Je me sens tellement apaisé quand je suis contre lui, c’est mon meilleur médicament.

— J’ai écouté tout ce que t’as dit.

— Nul ? Arrête j’sais que t’as trop envie de moi et que tu tiendrais pas des mois sans faire l’amour.

Je rigole en répondant à son baiser.

— Moi non plus je tiendrais pas.

Je glisse en le berçant de plus belle.

— Je sais. Et j’espère aussi que t’as entendu et que tu comprends tout.

— Bah je tiendrais mais ça voudrait dire que tu m’aimes plus. Imagine la cata…

Là j’ai juste pété un plomb parce que j’ai oublié un week-end dont on a parlé alors si je crois qu’il ne m’aime plus… ça se passera très mal.

— Oui. Merci, Mattie. Je t’aime. Tellement, tellement fort.

— Y’a pas de danger que j’imagine ça, c’est impossible que je t’aime plus…

Y’a plein de gens qui disent ça, mais nous c’est vrai.

— Moi aussi je t’aime mon Bébé. Et je suis désolé de pas t’en avoir reparlé avant pour le week-end, je pensais vraiment que c’était une bonne idée la ballade en vélo. J’appellerais Logan demain pour lui dire de laisser tomber le vélo. Et lui dire pourquoi…

Je rigole en montrant ma jambe.

— Oui, c’était une bonne idée. Je pense que ça m’aurait plu…

Je dis avec un pâle sourire. Maintenant que je suis calme, je le sais. Il a raison, ça m’aurait plu.

— Tu devrais vraiment lui demander son fauteuil aussi. Je pense que si t’es fatigué ou que t’as mal aux épaules ou… je sais pas, peut-être que ce serait bien ?

Je caresse son visage avec tendresse.

— Le cachet fait effet, ça va ?

— Ce n’est que partie remise. Pour quand je serai de nouveau sur pied ! Vous avez pas intérêt de faire ça sans moi maintenant.

Je leur en voudrais même pas. Ils vont pas arrêté de vivre parce que j’ai mon plâtre, les pauvres.

— Tu crois ? Avoir le fauteuil ça m’aiderait à guérir plus vite ? J’ai un peu peur pour les vacances cet été…

On a prévu un truc génial avec Keziah et Adriel, je serai dégoûté d’avoir tout gâché.

— Ça peut aller, oui. Ça fait mal, mais moins que tout à l’heure. C’est comme une douleur de fond.

— C’est le repos qui va t’aider à guérir plus vite… crois-moi. Bien dormir, ne pas forcer… demander de l’aide pour tout. Très important.

Je dis avec un sourire sincère. Je n’ai vraiment pas envie que ça traîne.

— T’es en excellente santé, Mattie. Tu cicatrises très vite, je t’assure que tu seras remis pour l’été. Logan m’apprendra ce qu’il faut pour continuer ta rééducation si elle n’est pas terminée, mais je suis sûr que ça ira. On va faire attention, se reposer, manger correctement.

Je sais qu’on passera de superbe vacances d’été, tous les six.

— D’accord. Et la nausée, ça va ?

D’ailleurs je me lève pour aller chercher une bassine. J’ai totalement oublié de le faire. Je reviens et je la dépose au pied de sa table de chevet.

— Voilà. Si t’as envie de vomir ou que t’as chaud ou froid, tu me le dis…

— C’est quoi tout ? Aller pisser, manger, prendre un gâteau, avoir la télécommande, attraper mon téléphone trop loin sur le lit, me gratter le dos ? Tu vas en avoir marre ! Et la nuit ! J’vais quand même pas te réveiller !

Rien que d’y penser j’veux me jeter par la fenêtre. Il va vouloir me briser ma seconde jambe, je peux pas lui faire ça.

— D’accord, je te fais confiance.

Je crois en lui, il sait mieux que n’importe qui d’autre.

— J’ai plus du tout froid, mais la nausée c’est autre chose. J’ai même pas entamé la charcuterie que t’as amené, c’est pour dire !

— Tout, c’est les choses où t’aurais besoin de solliciter ta jambe ! Abuse pas. Genre te doucher, aller aux toilettes… j’en sais rien. Ne force pas sur ta jambe, c’est tout.

Lui gratter le dos, nan mais franchement. Il a même pas besoin d’avoir la jambe cassée pour que je lui fasse ça.

— D’accord, te force à rien. T’es fatigué ? Tu veux te reposer un peu… ?

Il réponds pas pour la nuit et je comprends tout de suite qu’il est vraiment pas prêt pour ça lui non plus. Je vais l’embêter un Max ce soir, je vais aller au toilette le plus tard possible et si jamais je devais me réveiller cette nuit, je trouverais bien un moyen de me déplacer sans avoir à le réveiller. Il va déjà dépenser énormément d’énergie pour moi, je peux bien lui laisser ses nuits tranquille.

— Non ça va. Enfin je sais pas trop. J’ai pas l’impression et en même temps avec l’anesthésie on sait jamais. On mets un film ? Au pire je m’endors devant ?