Brisé - Gabi et Mattie

— D’accord.

Je lui retire un coussin et je l’aide à mieux s’installer.

— Ça va, là ? T’as pas besoin d’aller aux toilettes…? Tu veux quelque chose ? Il faudrait que je sorte Poppy mais j’ai la flemme là… si je m’endors moi aussi, tu me réveilles, hein ? Pour Poppy mais surtout si t’as besoin de quoi que ce soit. N’importe quand.

J’allais bêtement lui proposer d’aller sortir Poppy, mais même ça je ne peux pas. Il va vraiment porter beaucoup de choses sur ses épaules, et pas que mon poids.

— T’en fais pas, elle comme moi on saura le faire savoir si vraiment on ne tiens plus. Pour l’instant c’est bon pour moi mon Bébé. Tu ferais bien de dormir un peu, je t’ai causé du soucis et du stress avec toute cette histoire.

Je souris en caressant sa main.

Je lie nos doigts et je réclame encore un baiser. Même quand c’est lui qui est blessé, il sait prendre soin de moi. Je sais pas si je sais en faire autant, mais j’ai vraiment envie d’être un mari exemplaire. Il a besoin de moi.

— Je sais que tu vas pas me réveiller si je m’endors…? Et si t’essaie tout seul et que tu te fais mal…

Je soupire.

— Mattie, même si c’est la nuit, si tu me réveilles pas, je prendrais plus mes cachets pour être sûr de t’entendre.

Autant être honnête tout de suite.

Je ne peux pas m’empêcher de sourire, c’est tout lui et ça lui ressemble en tout point.

— D’accord…

C’est difficile à imaginer, mais je préfère qu’il soit pas au top de sa forme parce que je le réveille plutôt que parce qu’il décide de plus vouloir son traitement. C’est une tête de mule en plus, il serait capable de jeter les cachets même si je lui mets moi-même dans la bouche.

— Je ferai le maximum avant qu’on aille se coucher de toute façon. Comme ça, la plupart des nuits tout ira sûrement bien.

Sauf si je suis réveillé par la douleur, mais ça il pourra rien y faire même si c’est pas l’heure de prendre un anti douleur.

— Moi aussi, je peux être là pour toi tout le temps…

J’ai l’impression qu’il le sait et je réalise que non chaque fois qu’il n’ose pas vraiment se reposer sur moi. Ça me fait de la peine parce que je me sens vraiment nul quand il fait ça.

Mais on ne va pas débattre éternellement, je n’en ai pas envie. Je veux qu’il se repose et qu’il soit bien. J’ai déjà fait mon cinéma, c’est bon.

— Je vais aller me doucher quand même. Pour être tranquille. Tu veux ? Ou juste que je te fasse une toilette, si t’as pas envie de te lever.

Mais il a été opéré, peut-être qu’il a envie de nettoyer tout ça. Je sais pas trop…

— Je sais mon Coeur, je remets pas ça en question.

Pas besoin qu’il le dise pour que je comprenne qu’il est en train de se dévaloriser et de se dire que je pense qu’il en est pas capable.

— J’ai aucun doute sur le fait que tu vas faire tout ton possible pour m’aider. Je veux juste te ménager un peu, parce que ça va pas être facile tous les jours de s’occuper d’un poids semi mort de presque 100 kilos. C’est tout.

J’attrape son menton pour embrasser ses lèvres.

— J’aurais bien rêvé d’un bain mais j’imagine que j’ai pas le droit non plus ?

Je grimace, non sans une once d’espoir.

— Je vais y arriver. Et t’es pas totalement un poids mort.

Je réponds à son baiser avec tendresse et je lui fais un câlin.

— Si, t’as le droit. On laisse ta jambe dehors sur une chaise. On peut essayer ? Peut-être que c’est plus simple qu’une douche, non ?

— Moi aussi je vais t’aider à me porter. On va avancer ensemble.

Comme toujours. Main dans la main.

— Ouais on peut ? Je veux bien s’il te plaît ! Oui si ça se trouve ça va être plus facile en plus. On essaie alors ? Tu viens avec moi ?

On a une baignoire énorme, acheté exprès pour pouvoir être à deux dedans.

— Bah je prépare le bain, je mets Poppy sur le balcon, ça ira pour aujourd’hui… et puis je reviens de chercher.

Je dis avec un sourire.

— Est-ce que tu peux envoyer une liste de courses à la femme de ménage pour demain en attendant ? Pour qu’on se fasse plein de sandwich. Ce week-end, on va se reposer au lit, t’en pense quoi ?

— J’en pense que c’est une très bonne idée. Toi, moi et notre grande fille adorée. Et Flynn si elle veux.

Ça me dérange vraiment pas qu’il soit là, on l’apprécie beaucoup et il a les mêmes valeurs familiales que nous. Au contraire ça me rassure qu’on s’entende si bien avec lui, et vice versa avec Aria et ses beaux parents.

— Je m’occupe des courses et je t’attends. Je peux pas trop bouger de toute façon.

Je rigole en lui volant un baiser.

— Parfait !

Je me dépêche d’aller préparer un bon bain chaud, pas trop haut, je sors Poppy et je prépare une chaise, les serviettes et tout ce dont il pourrait avoir besoin. Un bain bien chaud, ça va lui faire du bien, même si on y reste qu’une dizaine de minutes.

— C’est prêt, viens.

Je dis en le rejoignant dans la chambre pour l’aider à se lever.

— Tu prends tes béquilles jusque là-bas ? Je peux même pas te porter sur mon dos, je suis désolé.

— T’excuses pas mon bébé. C’est rien.

J’attrape son bras pour qu’il vienne contre moi.

— On a tous les deux des faiblesses, c’est normal. Toi tu peux pas me porter sur ton dos, c’est vrai, mais quand c’est toi qui est malade j’ai aucune idée du médicament à te donner ou de ce qui pourrait apaiser tes douleurs. C’est comme ça, c’est tout. Tu m’en veux pas pour autant dans ces moments là, pas vrai ?

Je demande en caressant sa joue.

— De toute façon si tu me dis oui je boude.

J’attrape mes béquilles avant qu’il puisse répondre et je tente en premier lieu de me mettre debout. Rien que ca, c’est dur.

Je fais non de la tête. Je lui en veux pas du tout. Mais j’aime tout de même qu’il me laisse l’aider au mieux.

Je l’aide à se déshabiller et la chaise nous est plutôt utile finalement. Je protège tout de même le haut de son plâtre avec du cellophane et quand on se retrouve dans la baignoire, je réalise que ça va être vraiment difficile. Peut-être pas pire que la douche, mais je vais devoir le porter pour de vrai. Et pour entrer et pour sortir.

— Bah… je rentre d’abord et tu t’assois au bord et moi, je te porte et je te fais glisser doucement dans l’eau. Est-ce que ça va ?

J’imagine pas d’autre solution de toute façon alors on essaie. Et je ne m’en sors pas trop mal. J’éclabousse un peu, mais ça aurait pu être un raz-de-marée et ça ne l’est pas. Le plâtre n’est pas mouillé et j’installe la jambe de Matthew sur la chaise. Normalement, il n’a fait aucun effort avec. C’est tout ce que je veux. Mais moi, je suis hyper essoufflé.

— Pfiou, c’est carrément du sport, là. Ça va ? Est-ce que t’as eu mal ? T’es bien ?

Je suis encore debout en train de manœuvrer pendant qu’il est installer au chaud dans l’eau. J’espère que ça va lui faire du bien et lui détendre les muscles.

— T’es esquinté de partout, Mattie. J’avais pas vu… les coudes, ton avant-bras… puis alors les bleus que tu vas avoir…

Je grimace un peu.

— Je vais te faire des pansements sur les plaies pour la nuit, on va mettre de la crème cicatrisante.

Il a vraiment du courage et je pense qu’en mes yeux débordent d’amour. Il est à deux doigts de la crise d’asthme, mais il a rien lâcher pour que moi je sois bien.

— Moi ça va, mais toi viens te mettre au chaud avec moi. T’as besoin de reprendre ton souffle.

Je souris en lui tendant la main.

— A ce point là ? Je t’avoue que j’ai rien senti, j’ai rien vu venir. Même la fracture sur le coup j’avais pas l’impression que c’était si grave. Le dos ça va ? Je crois que j’ai glissé un peu dessus aussi…

Je vais ressembler à rien et être couvert de bandes.

— Ok, je te suis de toute façon. T’es mon médecin, c’est toi qui choisit le mien à faire !

— J’ai pas fait attention, je regarderai ton dos en sortant.

Je dis en allant me blottir contre lui.

— Ça va ? Ça appuie pas trop ? Regarde.

Je dis en soulevant son coude. Il est tout brulé.

— Wa ! Mais je ne sens même pas ça ! Je suis encore sous le coup de l’anesthésie ? Tu crois que c’est pour ça ?

Ça commence à faire un moment pourtant.

— Les médicaments font effet et puis ton corps peut pas ressentir toutes les douleurs en même temps. Je pense qu’il est surtout concentré sur ta jambe.

Et c’est déjà pas mal.

— Je vais te mettre de la crème. Surtout, dès que t’as mal à la jambe, tu me dis, on sort.

— T’imagines si je ressentais tout ? Je ferais quoi là ? Je convulserais par terre ? Génial la soirée. Déjà qu’elle est pas exactement comme on l’aurais imaginé ce matin…

Je sais pas ce qui m’a pris de vouloir essayer le skate. C’est tout moi et en même temps, j’suis un vrai gosse. Si j’avais 15 ans, on me defoncerait. Mais j’ai un mari super qui ne m’a ps fait un reproche.

— Tu m’en veux d’avoir fait ça ? D’avoir été essayer le skate tout seul et de finir comme ça, je veux dire.

Je secoue la tête.

— Non, pourquoi je t’en voudrais ? T’en veux à Aria toi, quand elle essaie un truc nouveau et qu’elle se pète le bras ?

Comment je pourrais lui en vouloir, il se blâme déjà assez tout seul.

— Bien sûr que non !

C’est évident que je ne lui en veux pas. J’ai encore plus envie de prendre soin d’elle.

– Mais bon, c’est une ado. Nous on est ses papas, je suis censé être un peu plus responsable qu’elle quand même. J’ai un peu la sensation d’avoir raté aujourd’hui si tu vois ce que je veux dire.

— Pff… comme si on était des adultes responsables à 100 % du temps…

Je dis en riant.

— Puis… tu sais très bien que c’est aussi pour ça que je t’aime. J’aurais préféré que tu ne te blesses pas, c’est évident, mais je ne t’en veux pas.

— Je le suis à quoi ? 98% ?

Je le questionne en riant.

— Moi aussi je t’aime mon bébé. T’es bien installé là, ça va ? C’est assez chaud ?

— 80, je pense. Et je dois être loin derrière toi à 65% !

Je chiale tellement, je fais tellement de crises et je suis tellement jaloux et insupportable, de nous deux, c’est forcément moi le moins responsable. Je rigole aussi.

— Je suis bien, merci. Je suis rassuré. J’ai vraiment détesté cette journée.

— On a la moyenne c’est pas mal. C’est plus que ma note de philo au bac !

C’est pas difficile faut dire.

— Je suis désolé que t’ai vécu tout ça. Et la voiture ! Je voulais pas trop en parler quand on était dedans, mais ça m’a énormément touché que tu viennes me chercher et que t’ai surmonté tout ton stress.

— Bah… je dois avouer que je voulais pas trop y penser non plus. Mais je suis un peu fier de moi, là.

J’arrive pas à croire que j’ai conduit alors que ça fait presque 15 ans que je l’ai pas fait.

— Heureusement que c’est une automatique. J’aurais pas réussi autrement.