Brisé - Gabi et Mattie

— Non pas à ce point. Mais pas loin. C’était un moment horrible.

J’ai détesté ça. Même si j’ai eu Balti. Inconsciemment, je fais signe à Poppy et elle me fonce dessus ; je la blottis entre nous pour la câliner.

— Flipper je pense pas mais ouais… ça va lui faire tout drôle. Peut-être qu’elle appréhende un peu.

— Heureusement que t’avais Balti.

Elle me manque ma petite boule de poil, mais Poppy nous donne aussi plein d’amour.

— Ouais c’est dans ce sens là que j’entendais. Ils vont devoir apprendre à vivre en étant un peu moins ensemble et ça risque de pas être facile pour tous les deux, mais ça ira.

Ça ira forcément, ils s’aiment déjà beaucoup trop, même à leur âge..

— Je sais pas comment ils vont faire, moi j’arriverais pas. À partir du moment où c’est devenu sérieux, je t’ai vite cassé les couilles, nan ?

Je demande avec un grand sourire. Je suis tellement jaloux et possessif que j’ai vite été un poison et un pot de colle.

— Même avant que ce soit sérieux tu me cassais les couilles. Mais par pour la même chose…

Je rigole avec un sourire qui en dit long.

— J’ai vraiment du m’accrocher pour avoir la chance d’être ton mari et le père de ta fille. Alors à partir du moment où t’as été à moi, t’as eu tous les droits sur moi.

Pour de vrai. Il aurait pu me demander n’importe quoi, n’importe quand. Et il le peut encore aujourd’hui.

— Ma psy me dit qu’on a une relation toxique, par moment. Si elle m’avait eu comme patient à ce moment-là, elle saurait qu’aujourd’hui c’est rien comparé à avant.

Je dis avec un air blasé.

— Enfin c’est moi qui suis toxique. Pas toi. C’est ce qu’elle me dit.

— Pourquoi toxique ? Parce qu’on peut pas vivre l’un sans l’autre ? C’est pas de ta faute si t’as trouvé l’homme de ta vie et pas elle.

Je lève les yeux au ciel en soupirant.

— Non… pas pour ça. J’en sais rien moi… ah si, quand je fouille dans ton téléphone sans demander, par exemple, ça c’est pas bien. Ou même en demandant d’ailleurs.

Je dis simplement. J’écoute ce qu’elle me dit et j’entends. Mais au fond… je m’en fiche. Je sais qu’il va pas voir ailleurs, j’ai dépassé ce stade, mais c’est quand même plus fort que moi. J’ai envie de savoir et de fouiller.

— Ah ça ? Bah je m’en fiche de toute façon, j’ai rien à te cacher.

Je sais bien que l’intimité bla-bla-bla, mais à partir du moment où on s’en fiche, est-ce que sa psy est vraiment obligé de mettre un mot dessus ? Un mot dégradant pour Gabriel en plus ? Il le fait pas déjà suffisamment lui même ?

— Chacun sa vie, c’est tout.

Je hausse les épaules.

— Sois pas fâché contre elle. Elle me dit comment je devrais agir pour une relation totalement saine et je m’en fiche complètement. C’est comme ça que ça fonctionne. Mais je fais des trucs bien aussi. Je sais te dire que je t’aime maintenant.

Pas toutes les 5 minutes, mais je sais.

— Si tu l’aimes pas, j’en change. Mais le traitement est bien, non ? Mieux que celui d’il y a 5 ans.

— Je suis fâché, juste j’apprécie pas trop qu’elle te dise ça de cette manière là parce que si t’es pas dans un bon jour ça peut avoir des conséquences sur comment tu te sens.

Mais je comprends que ce soit son travail de le faire.

— Non, non, t’as raison. Elle est beaucoup mieux celle-là. Le traitement te corresponds mieux, ce serait pas une bonne chose pour toi de changer. Mais qu’on nous laisse nous aimer à notre façon, merci !

Je dramatise en levant les yeux au ciel pour conclure. Je ne veux pas non plus qu’il se mette à ne plus avoir confiance en elle.

— Elle me le dit pas comme ça, y a un contexte. T’en fais pas, ça va.

Je l’ai pas mal pris, parce qu’en effet, j’étais capable de l’entendre ce jour-là.

— Il est bon ton sandwich ? Ça passe ?

— Tant mieux alors. Ça me rassure d’entendre ça.

Je dis quand même du bout des lèvres.

— Pas trop non… Enfin oui il est bon ! Mais ça passe pas vraiment. J’ai faim pourtant, mais j’ai tellement pas envie de vomir encore que je le savoure pas du tout.

Je suis pas chiant quand je suis malade, mais vomir ça me dégoûte.

— D’accord… peut-être que tu veux une autre banane ? Elle est bien passée non ?

Faut pas qu’il se force.

— Tu veux essayer un médicament contre les nausées ?

Blotti contre lui, je caresse son ventre avec tendresse.

— Ouais elle est bien passée. Mais t’embêtes pas. Je vais pas tenter le diable et je vais être raisonnable là.

Sa main est toute douce sur mon ventre et ça me fait sourire.

— Ça peut aller avec tout le reste oui ? Je sais que tu vas clairement pas m’auto médicamenter, mais je sais aussi que tu préfères éviter quand on peut.

— Je veux que tu te sentes bien. C’est pas forcément des médicaments qui fonctionnent bien, mais… enfin si t’as envie, on en a.

Il me connaît bien, j’aime pas donner des médicaments dans tous les sens. Mais bon… là c’est mon mari, je ne vais pas le regarder devenir vert s’il lutte pour ne pas vomir.

— Pourquoi ça se vends si ça marche pas bien ? Si j’en prends j’irais vraiment mieux ?

Je préfère que ça passe tout seul si c’est pour vomir un médicament qui ne marchera pas.

— Parce que ça dépend des gens, du moment où c’est pris..

Je hausse les épaules.

— Tu sais, t’as déjà essayé. Ça a fonctionné quand t’étais malade avec de la nourriture, mais l’anesthésie… honnêtement, je pense pas que ça fonctionnera.

— Ok bah j’en veux pas alors. J’ai vomi qu’une fois cette fois, c’est pas trop mal par rapport à la dernière.

Je sens que je vais pas super bien, mais je suis pas a l’article de la mort au moins.

— Tu veux la fin de mon sandwich du coup ?

— Non, garde-le. Si ça se trouve, tu vas vouloir manger un peu cette nuit.

Il a un régime assez particulier, il mange assez régulièrement, il aura peut-être faim plus tard. Ou mal au ventre parce qu’il doit manger.

— Je pense que tu devrais dormir, Mattie. Ça va t’aider à aller mieux. Au moins pour les nausées et le côté barbouillé de l’anesthésie.

Je me redresse pour fouiller sur la table de chevet et lui donner les anti douleur.

— Tiens. C’est pour dormir sereinement ça. Si la douleur te réveille, tu me réveilles aussi, ok ? Je pense que ce sera vers 5 heures. Les médicaments feront plus effet depuis un moment alors y a des chances que ça te lance un peu. Et ça c’est un anticoagulant, c’est en prévention d’une phlébite. Mais on le prendra demain matin car t’en as eu à l’hôpital.

Comme ça, il sait à quoi correspondent les médicaments. On sait jamais.

— Si c’est pas assez fort et que tu sens que t’as vraiment trop mal, je demanderais à un collègue de te prescrire quelque chose de plus fort. T’as mal là ? De 1 à 10 ?

Je reste scotché à ses lèvres. Il est là à tout faire pour que j’aille au mieux, mais il m’informe de tout pour le cas où j’ai besoin de me gérer moi-même. On ne sait jamais.

— Je crois que j’ai tout intégré. Anti douleur et truc pour éviter la phlébite. Et de toute façon si j’ai mal, je te réveille.

Et je le ferai. J’ai bien vu que proposer une infirmière tout à l’heure ça l’avait déstabilisé, pas uniquement par jalousie. J’ai entièrement confiance en lui et si je dois risquer un réveil douloureux pour que plus tard, il accepte que je lui fais une confiance aveugle, je le prends.

— Tu peux pas me le prescrire toi si jamais ?

Je demande en réalisant aussitôt ma bêtise. Bien sûr qu’il ne peut pas. Parce que je suis son mari, pas son patient. Je le sais pourtant.

– La j’ai mal à 5. Je me tords par de douleur, mais c’est pas agréable et par rapport à tout à l’heure je le sens.

Ça me soulage d’entendre qu’il va me réveiller s’il a besoin. Surtout les premières nuits, j’ai pas envie de m’en vouloir de l’avoir fait sortir trop tôt de l’hôpital.

— Non je peux pas, t’es mon mari et je suis pédiatre.

Avec Aria c’était plus simple de tricher mais aujourd’hui, elle est grande, elle aussi.

— Ok… je te conseille de prendre l’antalgique seulement quand tu sais que tu va dormir pour que tu dormes sereinement.

— T’es quand même mon médecin. J’aime pas les autres gens.

Je souris  en liant nos mains.

— T’as raison, je crois que c’est mieux que je dorme. Je prends l’antalgique maintenant du coup ? Et je peux m’allonger ou avec ma jambe c’est mieux si je reste un peu assis comme ça ?

— Je sais. C’est pour ça que je t’ai ramené ici dès aujourd’hui.

Moi aussi, je n’aime pas les autres gens. Il aurait dormi tout seul et personne ne se serait occupé de lui correctement.

— Oui, prends-le maintenant.

Je me relève une dernière fois pour retirer le plateau et l’aider à s’allonger correctement.

— Si dans la nuit, tu préfères être surélevé un peu, tu peux prendre des coussins mais c’est pas obligé. L’important c’est que tu sois bien installé. Ton corps saura très bien te dire si tu n’es pas installé convenablement.

Mais on a la meilleure literie du monde alors je sais qu’il va être à l’aise.

— Poppy ! Tu peux venir si tu veux !

Je n’avais même pas fini ma phrase qu’elle me courrait dessus avant de sauter sur le lit.

— Nan mais pas là, ça c’est ma place j’te signale.

Je râle en allant m’installer à nouveau près de Matthew, en montrant à Poppy où elle peut se mettre.

Je rigole avec plein de tendresse quand Gabriel vire gentiment Poppy. Qu’à cela ne tienne, elle revient à la charge et s’installe aussitôt entre nous deux. J’adore ma famille, plus que n’importe quoi au monde.

— Pour l’instant je me sens bien, ça me cale l’oreiller que t’as mis derrière moi ça me fait du bien. Il me manque plus que toi.

Je souris en passant un bras autour de lui.

— Tu peux regarder la série quand même mon bébé. Te prives pas à cause de moi hein. Je pense pas que je vais faire long feu, la fatigue me tombe dessus je le sens.

— Tu m’as bien regardé ? J’ai été en tachycardie toute la journée. J’ai fait du sport en levant quasiment à moi tout seul 100 kg en développé debout là. Demain ta mère arrive à 11 heures, crois-moi que je vais bien m’endormir en une seconde.

Moi aussi, j’en ai profité pour prendre mes médicaments.

— J’ai vécu trop de choses dans mon corps d’ado pour que je regarde tout seul une série alors que tu dors paisiblement.

Poppy s’étale entre nous et elle a l’air de trouver la position sympa.

— Elle se moque de moi un peu ?, je demande en riant.